Kinesis est un puzzle game où vous devez utiliser différents flux pour vous déplacer. L’objectif est d’explorer un monde inconnu afin de lui redonner vie. Pour cela, vous devez maîtriser différents flux (couloirs de vent) et avancer petit à petit pour comprendre les secrets de cet étrange univers.
Pour vous faire un chemin, les couloirs de vent sont modifiables. Ainsi, des interrupteurs, qui s’allument et s’éteignent, permettent de modifier la trajectoire des flux. De plus, une option de « rewind » permet de faire retourner en arrière ces flux pour qu’ils prennent une route différente selon les nouvelles forces appliquées.
Ce jeu offre un voyage dans un monde fantastique, au croisement surnaturel du végétal et du minéral. Dans de grandes étendues semi-désertiques, la nature tente de reprendre ses droits avec d’étranges végétaux qui poussent entre les roches. Le gameplay est relié à ce nouveau monde à l’abandon.
Pour en savoir plus (lire aussi notre premier avis), découvrez une interview exclusive des développeurs de Kinesis.
Joypad : Bonjour Once upon a Team, équipe de Kinesis. Vous êtes étudiants en Game Design à l’ICAN. Quels sont le cadre et les consignes pour ce projet de fin d’année ?
Kinesis : Tous les projets commencent avec un thème, que les élèves doivent utiliser pour trouver leur concept de jeu. C’est en quelque sorte une contrainte créative, le jeu final ne doit pas forcément évoquer ce thème, mais les élèves doivent être capables de rappeler le déroulement qui leur a permis d’arriver au résultat.
Dans notre cas, le thème était contresens, le projet devait être réalisé sous Unity avec une contrainte de deux soutenances : l’une en milieu et l’autre en fin d’année afin d’évaluer l’avancée du projet.
J : Quelles aides apportent votre école dans le cadre du cursus jeu vidéo ?
K : L’école nous apporte un cadre, avec un suivi de projet régulier de la part de nos différents professeurs.
Les retours sont très variés, allant des choix graphiques, de gameplay, jusqu’à des propositions d’éléments à ajouter, à peaufiner.
J : Quelle est l’idée de départ du projet Kinesis ?
K : Kinesis est né alors que nous cherchions un concept de jeu basé sur les paradoxes, qui sont une forme du contresens. Nous avions trouvé le paradoxe de la flèche en vol, qui consiste à dire que le déplacement d’une flèche en vol est une succession d’instants immobiles, et qu’elle est de ce fait immobile en elle-même à un instant T, il y a bien ici un paradoxe.
Ce qui nous a intéressé ici, c’est la recherche autour du mouvement, sa décomposition, nous nous sommes ensuite concentrés sur la chronophotographie.
Dans Kinesis, lorsqu’un flux se déplace, il crée une image de son mouvement, ce qui va former une structure derrière lui.
J : Le résultat correspond-t’il à vos attentes ?
K : Nous sommes vraiment contents d’être arrivés à allier une direction artistique impactante à un gameplay efficace et riche de possibilités.
Nous avons presque une trentaine de minutes de jeu dans Kinesis, avec d’autres niveaux qui ne sont pas encore habillés, nous sommes confiants quant à la possibilité de continuer le jeu sur du long terme, pour arriver à 5-6 h de jeu.
On travaille d’une façon très itérative, en partant d’un noyau de jeu qui nous convient.
La vraie problématique avec Kinesis était d’arriver à faire un puzzle game dans un environnement organique.
Nous avons beaucoup travaillé sur le guidage du joueur, la reconnaissance des lieux, pour que tout cela fonctionne ensemble.
J : En combien de temps avez-vous développer votre jeu ? Quelles sont les compétences artistiques et techniques mises en œuvre pour la création de Kinesis ?
K : Les premières recherches ont commencé en Octobre 2014, nous avons enchainé différents prototypes à cette époque : https://www.youtube.com/watch?
Puis nous avons finalement fourni un premier prototype en Janvier 2015, autour de la notion de chronophotographie, malgré tout le concept était très différent de ce qu’est Kinesis aujourd’hui.
Le joueur avait la capacité de créer des structures abstraites à partir d’objets présents dans l’environnement. Son déplacement propre permettait à l’objet en sa possession de se dupliquer, la chronophotographie était explicite et dépendait du joueur.
On peut dire que le développement concret de Kinesis a eu lieu de Fevrier à Juin, moment à partir duquel nous avions notre concept final.
Concernant les compétences nous avions deux artistes 2D et un artiste 3D, et nous souhaitions dès le début créer un univers très graphique qui ne masquerait pas les défauts du jeu, mais bien au contraire qui mettrait en valeur une mécanique intéressante.
Nous n’avions pas de sound designer ni de compositeur attitré donc nous avons tout de suite réfléchi à mettre en place une ambiance sonore, plutôt qu’un univers musical.
Techniquement nous savions que créer un jeu de réflexion serait un challenge d’un point de vue Level Design; d’autant plus que la programmation permettant les réglages actuels de progression et de création des flux s’avérait complexe.
J : Qu’est-ce qui a été le plus plaisant et le plus difficile à faire ?
K : Les croquis et dessins que réalisaient nos artistes ont été très motivants et très plaisants pour l’équipe. Ils ont permis à l’équipe de se donner des objectifs, en ayant une idée plus précise de ce vers quoi nous allions. Et comme nous aimions beaucoup les dessins réalisés, nous avions encore plus envie d’y arriver.
Le plus difficile a été la recherche du concept, nous nous mettions beaucoup de pression, un projet de fin d’étude se doit d’être à la hauteur, c’est une clef d’entrée sur le marché du travail.
Nous avions à cœur de faire un vrai jeu, que l’on puisse continuer après, nous avons donc énormément itteré pour avoir un système simple mais qui puisse gagner en profondeur.
J : Définissez votre jeu en trois mots (les expliciter) !
K : Exploration : notre intention sur le long terme, créer un jeu plus profond que tout ce que nous avions pu faire jusqu’alors. Montrer au public que nous sommes capables d’envisager un jeu évoluant dans le temps avec une narration efficace et une histoire crédible. L’exploration n’est pas réservée qu’aux AAA et nous mettons tout en oeuvre pour créer notre propre univers.
Fluidité : notre intention gameplay, briser la froideur et l’immobilisme des phases de réflexion des puzzle game classiques en permettant au joueur de profiter de l’énigme ainsi résolue comme d’une reward secondaire. La fluidité devait être visible et être ressentie comme un moyen de déplacement vertigineux et amusant.
Moebius : notre inspiration graphique majeure. Il était difficile d’envisager une production cherchant à s’approcher de l’univers de cet artiste de génie. C’est pour cela que nous avons décidé de davantage s’en inspirer que de le copier. Nous avons regardé énormément d’illustrations avant de concevoir nos premiers éléments graphiques personnels, un mélange entre le minéral, et l’organique, à la fois étrange et intrigant afin d’être plongé dans un monde inconnu.
J : Quel est le point fort de Kinesis ?
K : L’homogénéité entre les mécaniques de jeu et la direction artistique, les deux se répondent constamment en jeu.
Le fait de pouvoir créer son chemin permet d’explorer pour découvrir de nouveaux lieux, des zones cachées, des nouvelles plantes, des reliques, et le fait de trouver ses reliques permet d’explorer davantage ou motive simplement le joueur à continuer pour avoir une vision de plus en plus large sur l’univers.
La narration est très principalement autocentrée, elle transparait au travers du design, pour les mêmes raisons, pour récompenser les joueurs curieux.
J : Quel est l’univers que vous mettez en place et l’histoire de ce « flux » ? Qu’est-ce que cette symbiose ?
K : Le jeu prend place sur une planète vivante étrangère, autrefois luxuriante, qui s’est vue vidée de ses ressources par une civilisation aujourd’hui disparue. Vous incarnez une personnification physique de cette planète qui va tenter de réparer les blessures infligées par le biais de la mécanique de jeu. Les éléments architecturaux et technologiques présents dans l’environnement sont des reliques de la civilisation disparue.
La civilisation installée sur la planète a opté pour une exploitation symbiotique de l’énergie systémique. En construisant des édifices permettant l’extraction puis la transformation d’une matière fossile en substance énergétique utilisable. Jusqu’au moment où l’exploitation s’est transformée en abus, voyant peu à peu la planète perdre de sa vitalité et de sa stabilité. Dans Kinesis les architectures ont ont un rôle utilitaire en ce qu’elles permettent le développement énergétique; un rôle esthétique en ce qu’elles sont une représentation de la grandeur passée de la civilisation ; et une passerelle communicative pour la civilisation, étant souvent marquées par des symboles représentant leur dialecte.
Quant au flux il représente l’essence énergétique transformée de la planète après extraction. A la manière du phazon que l’on peut exploiter dans Metroid Prime, l’énergie ainsi représentée par les flux est en communion avec l’avatar (étant une représentation de la planète). Cette symbiose se traduit par sa capacité à emprunter ces flux, et à réanimer la flore mourante autour de lui.
J : Est-ce un open World, généré de façon procédurale ou bien un couloir composé de puzzles à résoudre ?
K : Ni l’un ni l’autre, nous voulions avoir la main sur la création des niveaux, puisqu’ils doivent servir une narration autocentrée, les niveaux racontent l’histoire du jeu.
On ne pouvait pas se permettre de laisser le hasard ou le procédural gérer cet aspect.
Mais Kinesis est un jeu d’exploration, il ne s’agit donc pas d’un enchainement de salles, vous trouvez de plus en plus de zones secondaires à mesure que vous avancez dans le jeu.
On parle de level design semi ouvert, il y a une trajectoire, une direction, mais on peut l’atteindre de différentes façons, en passant par différentes micros zones. Deux joueurs n’auront pas forcément la même façon de progresser dans Kinesis.
J : Quelles sont les conditions d’échec et de victoire ?
K : Le fait de progresser, de réussir à se déplacer et à rejoindre de nouvelles zones est la condition de victoire principale.
Les conditions d’échec concernent d’abord le fait de tomber dans le vide, qui entrainera automatiquement la mort et une réapparition dans une zone antérieure.
La deuxième condition concerne le fait de ne pas arriver à résoudre une énigme, comme dans tout puzzle-game. Mais nous avons travaillé de sorte à ce que cet échec arrive le moins souvent possible, puisque très frustrant.
C’est notamment la raison pour laquelle la progression est dans un premier temps linéaire, pour s’assurer que le joueur fasse correctement les apprentissages et puisse ensuite s’amuser dans des challenges plus complexes.
J : Quelles sont vos intentions artistiques (son et images) ? Quels sentiments voulez-vous donner aux joueurs ?
K : Depuis le début nous souhaitons construire un monde de science fiction organique dans la veine du planet opera. Un genre assez peu exploité (No man’s sky en est un exemple récent) qui privilégie l’exploration terrestre d’un écosystème dense, diversifié et étranger, tordant ainsi nos modèles mentaux terrestres.
Cela passe par différents outils de démarcation, comme la couleur, la forme et l’aspect des éléments, leur comportement, ainsi que toutes les logiques du monde nous entourant : physiques, temporelles, etc.
Nous voulons découper cette exploration en phases narratives “graphiques” à la manière de Journey qui a réussi à diversifier ses environnements par la lumière et l’ambiance chromatique.
A mesure que le joueur évoluera de nouvelles espèces de flore apparaitront, de nouveaux décors et de nouvelles ambiances thématiques.
Concernant le son nous sommes déjà parvenus à créer une certaine forme d’atmosphère surnaturelle par les sons provenant des éléments interactifs et non interactifs. Les sons provenant du lointain, les échos, les chutes, et le vent permettent davantage d’immersion et favorisent le questionnement. Plusieurs essais de thèmes musicaux ont été faits et une première version mélodique accompagne désormais l’évènement marquant de la démo : l’élévation dans la tour.
Nous aimerions beaucoup continuer dans cette voie et proposer des thèmes différents selon le contexte, la situation et multiplier les sons d’ambiance afin de donner une vraie identité à l’écosystème du jeu.
J : Quelles sont vos sources d’inspiration ? En quoi Moebius vous inspire-t’il ? Quelles sont vos références en Low Poly ?
K : Nos inspirations ont beaucoup évolué au fur et à mesure du développement. Pendant un temps les univers de Moebius étaient une source parmi d’autres avant de devenir la principale.
Nous nous sommes également intéressés à des jeux tels que FireWatch, UltraWorld, The Witness, Elegy for a Dead World ou encore RIME pour leurs ambiances, le traitement graphique de leurs univers.
Moebius était à lui seul tout ce que nous voulions représenter dans notre jeu : un univers singulier, psychédélique, à la fois très humain et pourtant totalement étranger. Sa vision des grands espaces désertiques s’exprime par une profusion d’éléments organiques et minéraux, en symbiose, qui déforment les êtres, la nature et l’esprit. Cet univers onirique, par moments effrayant nous est malgré tout agréable, et cela est rendu possible par le traitement graphique unique propre à Moebius.
Il nous a permis d’envisager un monde de science fiction qui pouvait se démarquer des tendances mainstream du cinéma actuel orientées vers la technologie mécanique et métallique.
Certains jeux en low poly nous ont inspiré tels que Before ou 21bytes (jeu de notre école), mais ce sont surtout les artistes étrangers au jeu vidéo qui nous ont inspiré, comme Timothy J.Reynolds qui réalise des panoramas en Low poly sans texture, uniquement avec des lumières; et Gonzalo Ausejo qui utilise le Low poly afin de subjuguer d’autres parties d’un même élement plus smoothées.
J : Après vos études, voulez-vous continuer à développer Kinesis ? Si oui, pour le commercialiser ?
K : Nous avions dès l’origine l’intention de continuer le projet après nos soutenances, et après le concours du Hisplaytime. En commençant par faire parler du jeu, faire circuler notre démo et nos vidéos afin de susciter une certaine forme d’’engouement pour voir si la réception publique et critique est au rendez-vous.
Puis dans le même temps continuer à exposer notre prototype dans des évènements associés, et participer à des concours étudiants à travers le monde afin de gagner en reconnaissance et de préciser nos intentions futures.
A terme et si l’enthousiasme se fait ressentir le jeu sera commercialisé mais la production sera longue compte tenu de nos intentions, et de notre degré d’exigence concernant son contenu, et l’aspect narratif / graphique que nous recherchons énormément.
Nous ne savons pas encore dans quelles conditions il sortira ni par quels procédés.
J : Vous parlez de mettre un Kickstarter en place, par quels moyens comptez-vous créer un lien avec les joueurs ?
K : Le format de financement du Kickstarter n’est pas un choix figé pour le moment pour nous. Dans un premier temps nous comptons déjà créer un lien avec les joueurs en amont au travers des diverses conventions et concours auxquels nous allons participer mais bien également aux travers des réseaux sociaux. Avant même d’envisager le mode de financement, nous considérons qu’il est important pour nous d’avoir une petite communauté solide de personnes intéressées par le projet avec lesquels nous pouvons échanger et recueillir de précieux retours. C’est entre autre pour cela que nous voulons dans un premier temps aller à la rencontre des joueurs pour établir un contact humain avec eux et leur raconter le projet plutôt que de simplement le montrer à travers la vitrine d’une page Kickstarter. Nous préférons prendre notre temps et évaluer nos options au fil des temps à venir plutôt que de nous arrêter dès maintenant sur le choix d’un mode de financement.
J : Vous participez aussi au concours Hit’s Playtime. Que peut-il vous apporter ?
K : Le concours du Hit’s Playtime est un concours qui nous tient à cœur pour plusieurs raisons, tout d’abord concernant sa forme.
Le fait de constamment devoir alimenter les reseaux, communiquer autour du jeu, a été à la fois formateur pour nous, et motivant.
Cela nous donnait des deadlines à respecter et nous a permis de produire davantage.
Il faut ajouter à cela l’aide de notre coach Benjamin Teissier (Wander Grand Prix Hits Playtime 2013), qui a été d’un réel soutien et s’est beaucoup impliqué pour nous aider et nous conseiller.
Enfin, les prix étudiants sont un vrai tremplin, sinon une récompense du travail accompli, cette reconnaissance est importante pour commencer à se faire connaitre, à la fois du public et des professionnels.
J : Cet été, où comptez- vous montrer votre jeu ?
K : Nous avons listé un certain nombre d’évènements et de concours à suivre de près, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Nous souhaitons profiter de ce moment de pause jusqu’à la rentrée afin de montrer notre démo au plus de personnes possibles afin de créer une réelle attente et un terrain propice au développement futur du projet sur le long terme.
Nous allons déjà avoir l’incroyable opportunité d’exposer notre jeu au salon de l’E3 à Los Angeles, nous allons ensuite nous rendre à la Gaité Lyrique sur Paris afin de fêter la fin des Hits Playtime, et concernant les autres évènements nous allons nous inscrire aux Unity Awards, aux Indie Game Contest, et dans un futur proche les Ping Awards, EIGD Awards, Game Critics et bien d’autres.
J : Enfin, un conseil pour ceux et celles qui veulent rentrer en école de jeu vidéo ?
K : C’est un domaine qui demande beaucoup de motivation, il faut s’assurer que ce domaine vous intéresse au-delà du fait de jouer à des jeux-vidéo.
Mais si votre passion est la création, alors il ne faut pas hésiter, le jeu vidéo est un formidable moyen d’expression, avec une communauté professionnelle bienveillante.