Vous êtes en quête de jeux mobiles, novateurs, intelligents, qui font fonctionner vos méninges…
Vous avez compris que dix minutes de réflexion par jour ne pouvez que faire du bien à vos neurones endoloris de sudokus et mots croisés.
Ne vous en faîtes pas, les jeux vidéo vont sauver votre cerveau !
Surprenant et amusant, Enigm Box (disponible sur App Store et Google Play répond à cette mission !
Pour en savoir plus, découvrez notre interview de son concepteur, Benoît Freslon.
Aurélie Knosp : Bonjour Benoît, quel est ton parcours dans le vaste monde du jeu vidéo (formation, travail)?
Benoît Freslon : Bonjour Aurélie, alors après le BAC en 2003 je me suis orienté vers un IUT Multimédia à Arles. J’ai appris alors à développer avec Macromedia Flash MX 2005. J’ai conçu quelques jeux avec ce logiciel. Maintenant ce n’est plus le cas mais Flash était quand même un software complet pour l’époque. On pouvait dessiner, animer, coder avec un seul outil.
Après une année de Licence Multimédia à Marne La Vallée j’ai intégré le cursus de Game designer à ISART Digital en 2006. Durant 2 années j’ai travaillé en tant que game designer et développeur en alternance dans deux studios de jeux vidéo Parisiens.
En 2007-2008, durant ma première année j’ai développé un jeu Flash pour un concours étudiant et qui a fait le buzz sur les Internet : Nano War, un jeu de stratégie en temps réel ultra simplifié. C’est en quelque sorte le tournant de ma vie puisque le jeu a été récompensé et s’est joué des Millions de fois. Disney, Armor Games, Kongregate voulaient également le jeu sur leur site.
Cet alors qu’en 2009 j’ai décidé de quitter mon CDI. Je suis devenu Freelance afin d’être formateur et aussi travailler sur d’autres jeux indépendants. Depuis ce jour je continue à développer mes propres projets en parallèle de mon travail de Freelance.
Quels jeux ont bercé ton enfance et t’ont donné envie de te lancer dans le développement informatique et le jeu vidéo ?
Pour anecdote à 10 ans je bricolais déjà des jeux physiques, avec des bouts de bois et des billes. J’avais aussi conçu avec du papier et des figurines Lego un jeu de plateau qui reprenait le gameplay de « HeroQuest ». Le plus inattendu c’est lorsque j’ai eu le vrai jeu « HeroQuest » chez moi, mes amis préféraient jouer à ma version.
Etant fils unique je passais des heures devant ma NES sur Zelda puis sur ma Mega Drive sur Street Fighters. Difficile de tout citer mais j’étais curieux, j’aimais jouer à tout ce que j’avais sous la main, même à des jeux mal aimés. Qui se souvient de « Where in Time is Carmen San Diego ? » sur Mega Drive ?
Mais c’est en 1999 que j’ai découvert « Metal Gear Solid 1 » sur PSONE. Waouh la révélation ! C’est effectivement le jeu qui m’a convaincu que les jeux vidéo pouvaient aller très loin. Mise en scène, personnages, écriture, gameplay, interactions, innovations, émotions, etc.
Qu’est-ce qui te motive et te donne l’envie de continuer ?
Je suis sans cesse envahi par des doutes, surtout que je suis victime du « syndrome de l’imposteur ». Mais en général le travail « paie » et la récompense du public me pousse à continuer l’aventure.
De temps en temps les joueurs m’écrivent des gentils messages juste pour me dire qu’ils aiment mon travail.
J’aime dire : « L’apprentissage par l’erreur »
Tous les game designers se sont cassé les dents sur des précédents projets. Ces échecs nous font grandir et on évite de reproduire les mêmes erreurs.
Je vois trop les défauts de mes jeux. J’ai toujours envie de les améliorer. Donc les critiques des joueurs et de la presse me poussent à encore et toujours travailler.
C’est toujours aussi gratifiant d’être sélectionné et récompensé lors de différents concours. Pourtant la « concurrence » est très rude lors des concours internationaux. Je n’ai absolument pas le même budget que certains projets mais j’aime le challenge.
Si au bout du compte je suis arrivé à rentabiliser le projet je considère que 80% du travail est fait.
Tu es actuellement freelance. Quels sont les avantages et inconvénients de ce choix ?
Inconvénients : Pas d’horaires, solitude, pas de congés payés, pas de salaire fixe.
Avantages : Pas d’horaires, tranquillité, choix du travail, du lieu de travail et surtout pas de chef, je peux profiter de ces enfants que je n’ai pas
J’ajouterais aussi : Les livreurs nous remettent nos colis en mains propres !
As-tu aussi créé une boite pour pouvoir commercialiser tes jeux et/ou travailler en équipe ?
Non j’ai préféré me concentrer sur des petits projets plus rapides à développer. Une ou deux personnes en plus suffisent suivant les projets. Donc je n’avais pas forcément besoin d’autres personnes à temps plein. Dans ce cas on prend moins de risques et on passe plus rapidement au projet suivant.
Décris-nous EnigmBox en trois mots clefs.
Outside the box
Quelle est l’idée originale (et le point de départ) pour la création d’Enigmbox ?
Le résultat final en est-il plus ou moins éloigné, dans quelles mesures ?
Ma principale inspiration est bien entendu Metal Gear Solid 1. La scène de Psycho Mantis est mémorable. L’idée de brancher une seconde manette est géniale. TOUS les gamers s’en souviennent. Idem avec la Fréquence de Meryl qui se trouve au dos du boîtier du jeu.
Hideo Kojima arrive toujours à briser le 4ème mur et penser en dehors des sentiers battus « Outside the box »
En fait j’avais déjà développé deux jeux Flash expérimentaux en 2009 et 2010. « Take Something Literally 1 & 2 ». Ils consistaient aussi à interagir avec l’environnement du joueur : Navigateur, webcam, souris, clavier, imprimante, fonctionnalités du plugin Flash, etc.
Ces jeux avaient aussi fait le tour du net et finalement les joueurs étaient demandeurs de ce type de jeu.
Quelques années plus tard les smartphones sont arrivés avec leurs nouvelles possibilités d’interactivités. J’ai voulu tenter l’aventure et expérimenter toutes les fonctionnalités et l’environnement mobile.
L’idée était toujours la même : développer un jeu 100% Gameplay, dénué d’univers graphique, d’histoire ou de personnages.
Avec qui as-tu travaillé et sur quelles compétences ? Pendant combien de temps (chacun/ au total) ?
J’ai travaillé principalement seul sur tout le jeu, notamment la première version de EnigmBox sortie en 2013.
Pour la version de 2017 j’ai fait appel à d’autres Freelances pour travailler quelques jours sur le Sound Design, l’Interface et la relation presse en France.
Quels moteurs et logiciels as-tu utilisé pour le développement ?
J’ai utilisé Unity pour développer EnigmBox. Je me suis bien cassé les dents pour rendre le jeu compatible iOS et Android et ce n’est pas encore 100% fonctionnel mais c’était le risque.
Quelles sont tes références en terme de gameplay ?
Wario Ware sur DS. J’adorais le fait d’interagir différemment avec les fonctionnalités de la Nintendo DS.
Beaucoup vont penser à Ouverture Facile en jouant à EnigmBox.
Pourtant ce n’était pas une source d’inspiration.
Personnellement je trouve le jeu trop obscur, peu accessible, élitiste. Je n’ai jamais réussi à dépasser la quatrième énigme. Mais il y a tout de même un clin d’œil à l’une des énigmes dans EnigmBox.
J’aimais bien la série de jeux Flash « Oshi Saga ». Il s’agit d’une compilation de puzzles en noir et blanc minimalistes. Il faut trouver une étoile dans chaque niveau avec une manière d’interagir différente à chaque fois.
Même question pour la Direction Artistique assez épurée et les références “geek” (expl Batman, le seigneur des anneaux…) ?
En général je prends ce qui me passe par la tête. Je ne suis pas obligé d’utiliser des références geek dans les énigmes. Mais j’essaie toujours de trouver quelque chose de cohérent qui fasse rire ou qui surprenne (cf. Appel de Chuck Norris). Ça permet de donner des indices aux joueurs mais aussi de se rappeler de certains moments du jeu.
Où trouves-tu de telles idées ? Toutes des rouages de ta tête bien huilée ?
En général je découvre une fonctionnalité ou un petit détail « caché » du téléphone puis j’essaie de « Hacker » ou détourner le système pour le transformer en jouet / jeu.
Comme par exemple les boutons du volume qui font apparaître le signe plus et moins, la lampe torche qui communique un signal en morse ou encore le magnétomètre qui… Je vous laisse découvrir son fonctionnement.
T’es-tu donné des limites/interdits quant à l’utilisation des possibilités offertes par les téléphones (prendre une photo à l’insu du joueur, appeler un de ses contacts, etc…) ?
Oui je suis aussi méfiant que mes joueurs, donc je ne veux absolument pas « pirater » leurs données à leur insu.
Le seul moyen de les rassurer est de justifier toutes ces demandes en leur expliquant que EnigmBox n’est pas comme un réseau social. Donc aucune donnée personnelle ne sera sauvegardée ou réutilisée.
Mais il n’y a pas de problème, les joueurs commencent par comprendre le principe du jeu et ensuite je leur demande les permissions.
Je dois aussi être très clair dans ma politique de confidentialité sinon je risque de me faire taper sur les doigts. Mais aucun joueur ne va la lire dans tous les cas.
Comment as-tu financé le développement du jeu ?
J’ai travaillé sur de gros projets en freelance pendant plusieurs mois en 2015-2016 afin de faire quelques réserves. Ensuite fin 2016, j’ai entamé une phase intense de développement. J’ai aussi entrecoupé cette phase par quelques missions freelances.
Les ventes permettent-elles de rembourser les dépenses ?
Pas encore pour l’instant mais c’est de bonne augure.
EnigmBox est actuellement n°2 du classement de la catégorie « Réflexion » sur Google Play Store.
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De quoi es-tu le plus fier, as-tu un regret ?
Le fait de faire jouer des personnes du monde entier et le fait d’avoir créé quelque chose de fédérateur quasiment tout seul avec juste quelques euros.
Bien entendu j’étais extrêmement fier lorsque EnigmBox a gagné 2 prix à Singapour. C’était très motivant pour continuer à développer le jeu sur Android.
Je n’ai pas vraiment de regret, je me dis que j’ai fait ce que j’ai pu avec mes moyens. Même si je grince des dents lorsque je vois des jeux très similaires à EnigmBox. Mais hélas c’est la loi du jeu mobile…
Pour 2018, peut-on s’attendre à une suite, des patchs, un tout autre jeu… ?
Oui, d’autres énigmes sont prévues mais il faut d’abord que je corrige rapidement des bugs.
Par ailleurs ça me démange de créer des mini-jeux sur mobile à la KechApp. Je les appelle des « Snack Games ». On en grignote n’importe où n’importe quand et c’est rapide à produire.
J’ai aussi en tête de développer un jeu dans la même lignée que EnigmBox mais sur PC / Steam. Mais pas tout seul cette fois-ci.
Pour l’instant c’est juste en phase de conception mais ce n’est pas les idées qui manquent.
Si tu avais argent et temps illimités, quel jeu (ou genre) développerais-tu ?
Il y a 10 ans j’aurais dit un jeu comme « Metal Gear Solid »
Mais maintenant je préfère être devant mon écran et me faire surprendre par le jeu.
Quel est ton meilleur et ton pire souvenir dans l’ensemble de ta carrière ?
Mon meilleur souvenir ? Les semaines du buzz de mon jeu Flash Nano War sur Internet. Je recevais des tonnes d’emails et je voyais les compteurs de joueurs augmenter chaque seconde. Je n’y croyais pas.
Mon pire souvenir reste mon premier contrat dans un studio de jeux vidéo parisien. J’ai réussi à tenir 5 mois. Les conditions de travail étaient limites et le responsable était entre-autre très incompétent. Finalement j’ai quand même appris tout ce qu’il ne fallait pas faire dans ce milieu.
Enfin, un conseil pour celui ou celle qui aimerait se lancer dans le développement de jeux indépendants ?
Écrire ses idées, apprendre à développer, être original et participer à plein de Game Jam !