Depuis plus d’un an (déjà!), nous avons rencontré Michel Thomazeau, directeur et fondateur de Cubital Drift, studio français à l’origine de Planets³. Constamment en rush, il a accepté de répondre à nos nombreuses questions, pour prendre un « petit moment de repos ». Découvrez Planets³, un jeu en cours de développement qui a déjà convaincu des milliers de joueurs.
. La Mise en place de l’équipe et du projet (passé) :
Aurélie knosp : Bonjour Michel. Tu as fondé le studio Cubical Drift, en laissant derrière un joli salaire et une situation stable. C’est beau l’aventure, mais pourquoi un tel risque ?
Michel Thomazeau : C’est surtout pour le plaisir d’accomplir quelque chose de ces propres mains, d’aller de l’idée, du concept jusqu’à la commercialisation. J’ai vraiment cru dans le potentiel du projet (et j’y crois toujours !), c’est pour cela que j’ai tout laissé tomber. Comme on dit : « c’est maintenant ou jamais », c’est ce que je me suis dit il y a trois ans.
A.K. : Ingénieur informaticien, tu ne travaillais pas directement dans le jeu vidéo. Qu’est-ce qui t’a poussé à y entrer ?
M.T : Tu sais, l’informatique professionnelle et le jeu vidéo sont deux domaines vraiment très proches d’un point de vue gestion de projet et programmation. En plus je suis moi-même un joueur. Donc je pense que c’est venu plutôt naturellement. Et puis il faut avouer que je faisais partie de ces informaticiens qui rêvaient de travailler dans le jeu vidéo !
A.K : Au-delà du studio, ton objectif était de développer ton premier jeu, Planets³ (« planets cube »). Quel est le point de départ de ce projet, pourquoi faire ton propre jeu ?
M.T : Le point de départ c’est presque une blague entre copains, « Et si on faisait un moteur voxel », et on s’est lancé, d’abord pour s’amuser et puis c’est très vite devenu bien plus sérieux, jusqu’à devenir un vrai jeu, qu’on a nommé Planets³. Tellement d’idées fusaient dans tous les sens ! Après avoir mis tout ça en ordre, je leur ai dit : « Allez les gars, on y va! »
A.K : Tu as mis Planets³ sur Kickstarter afin de trouver un financement et de l’aide par les joueurs. Pourquoi ? Quel travail as-tu fait en amont et pendant ? Quelles difficultés as-tu rencontré ?
M.T : Kickstarter n’était pas dans mes plans au début, c’était plutôt une roue de secours, dans le cas où tout le reste échouerait. Car je voulais trouver les financements par des moyens plus classiques (investisseurs privés). Mais j’ai fait face à un mur, vraiment, c’était ma première société, mon premier projet de jeu vidéo, les investisseurs n’y croyaient pas, même si certains comprenaient le potentiel, le risque était trop grand …
Après cinq mois de démarches et de refus, j’ai décidé d’aller sur Kickstarter (si j’avais su comment cela allait se passer, j’y serai allé directement !).
On a mis six mois pour aller sur Kickstarter, six mois de travail pour bien préparer la campagne et réaliser le trailer (qu’on a fait nous-même).
A.K : Le Kickstarter fut un franc succès, bravo ! T’attendais-tu à une telle réussite ? Quelles sont les répercussions sur le démarrage de la production ?
M.T : Merci !
J’y croyais vraiment, même si j’étais le seul. Donc j’avoue avoir été assez satisfait quand on a atteint le fameux palier sur Kickstarter !
Les répercussions sont énormes. Déjà, cela nous a permis de valider le projet, de crédibiliser son potentiel et d’engager des discussions pour effectuer une première levée de fonds privée.
Ensuite cela m’a permis d’embaucher les premières personnes et de nous installer à temps plein dans nos bureaux à Cannes.
A.K : Où en êtes-vous dans la production ? Combien êtes-vous et sur quels postes ?
M.T : Tout prend plus de temps que prévu ! Principalement parce qu’on veut faire les choses bien.
Et le changement de moteur au mois de septembre, qui nous a pris presque quatre mois, n’a fait qu’agrandir le retard …
On va bientôt livrer notre troisième version Alpha ! Cette version introduira la notion d’artisanat et de recherche des ressources (élément indispensable et très sympa de notre jeu).
Malgré les imprévus et les retards, tout se passe bien, aujourd’hui nous sommes huit salariés à temps pleins plus quelques freelances pour les postes de production artistique. Mais j’avoue qu’on n’est pas encore assez !
A.K : Ton studio est inséré dans une pépinière d’entreprises à Cannes. Quelles aides apportent cette infrastructure et la ville ?
M.T : Déjà une aide au niveau de l’infrastructure, on a juste à « se poser devant le bureau ». Il faut quand même amener le matériel informatique, créer notre propre réseau interne etc … mais l’installation est vraiment plus simple.
Ensuite côté financier, les loyers sont plus intéressants qu’ailleurs et c’est un forfait tout compris (loyer/électricité/eau/ménage/internet/téléphone etc …). On a juste à mettre en place une assurance. C’est vraiment pratique de ne pas avoir à se soucier de tout cela.
Et puis il y a les aides, à tous les niveaux, que ce soit la synergie avec les autres entreprises sur place, les évènements organisés par la pépinière ou la ville (car la pépinière appartient à la ville), toutes les mises en relation avec différents professionnels.
De plus ma société est aussi incubée dans un incubateur : l’incubateur PACA Est. Qui nous apporte aussi soutien et financement.
Donc c’est vraiment agréable, on se sent moins seul, surtout en tant qu’entrepreneur.
. Planets³, un prototype jouable (présent) :
A.K : Peux-tu expliquer ton jeu en trois mots clefs ? De quoi êtes-vous le plus fier ?
M.T : Mélange RPG Sandbox, ça fait trois mots !
Le plus fier ? De notre moteur voxel (vraiment voxel !). Car il faut savoir que non seulement on fait un jeu, mais on développe aussi un moteur. Car aucun moteur n’est aujourd’hui capable d’afficher ce que l’on affiche à l’écran.
Cet aspect innovant, de recherche, est vraiment très intéressant et nous motive encore plus !
Bon par contre, cela veut dire aussi qu’on fait deux choses à la fois (un moteur et un jeu) !
A.K : Quel est l’objectif du jeu ? Quels sont les différents modes de jeux (histoire et création…) ? Quelles sont les conditions de victoire et d’échec ?
M.T : Les objectifs dépendent du choix du mode de jeu.
Si on prend le mode histoire, les objectifs seront les mêmes que dans n’importe quel RPG (jeu de rôle) : Finir l’histoire, compléter toutes les « quêtes » annexes, trouver tous les secrets, tous les objets, toutes les recettes, tous les personnages, lire tous les textes qui expliquent l’histoire etc …
Si on prend le mode créatif : Il n’y a pas vraiment d’objectif, car le but est de construire. C’est aux joueurs de se fixer leurs objectifs. La seule limite : leur imagination, leur créativité !
A.K : Le résultat est-il proche du concept initial ?
M.T : Globalement oui. Certains aspects ont déjà été modifiés, d’autres le seront certainement dans le futur. C’est normal, cela fait partie du processus de développement. N’oublions pas que sur Kickstarter nous ne présentions qu’un concept, rien n’était programmé encore au niveau du jeu, du gameplay.
Par exemple, nous avons repensé l’interface d’artisanat. Car en allant dans le détail de la version présentée l’an dernier, nous avons rencontré certaines problématiques et des lacunes. Nous avons donc préféré corriger cela, quitte à revoir la mécanique.
C’est pour le bien du projet, et je pense que même si certains aspects sont modifiés, le jeu n’en sera que meilleur.
Mais globalement le projet reste le même : une histoire de Science fiction, dans un monde très cubique.
A.K : Vous développez un moteur fait main, c’est donc un travail colossal ! Quels sont les points positifs et négatifs à tout faire soi-même ?
M.T : C’est le moins qu’on puisse dire ! Colossal oui. Déjà plus de cinq mille heures de travail et je pense qu’on en est même pas encore au tiers de sa réalisation. Mais si on a fait ce choix, c’est que rien n’existe sur le marché qui aurait pu nous permettre de faire le jeu tel qu’on l’a conçu.
Les points positifs, le contrôle sur notre produit, la motivation que cela engendre de créer un tel outil, la facilité d’adaptation du code.
Les points négatifs, le temps nécessaire pour développer ce moteur, l’inconnue par rapport à certaines de ses fonctionnalités.
A.K : Le direction artistique est très recherchée, oscillant entre minimalisme (formes géométriques) et univers luxuriant (la faune et la flore). Quelles sont vos sources d’inspiration ?
M.T : C’est un très long processus de travail créatif et de réflexion que réalise tous les jours notre directeur artistique, Alexandre Rey. Et il loin d’être terminé.
Les sources sont très larges. On puise essentiellement dans le réel pour tout ce qui touche à la nature (enfin sauf pour les éléments extraterrestres). Ensuite, pour toute la partie Science fiction, c’est plus dans les films, les Bandes dessinées, ou encore dans les jeux vidéo.
Internet joue un rôle très important dans cette recherche.
A.K : On pense de suite à Minecraft, qu’est-ce qui vous différencie ?
M.T : Clairement, je ne sais pas si on aurait pensé à faire Planets³ si nous n’avions pas joué à Minecraft pendant des heures, il y a quelques années.
Mais on s’en éloigne, l’aspect visuel est vraiment différent, nos blocs plus petits avec différentes formes aident pas mal à ce niveau.
Il y aura aussi différents donjons, liés à l’histoire, qu’il faudra faire dans l’ordre et qui permettront de débloquer la suite de l’histoire (comme dans Zelda par exemple).
Dans la version Alpha, nous présenterons pas loin de 200 matières, alors qu’il n’y a même pas 10% des zones.
Les personnages seront attachants. Dans l’alpha nous présenterons par exemple Amy, la super espionne qui aura un rôle très important dans l’histoire. Dans la prochaine version, nous présenterons Faraday, le grand père de Watts qui sera plus tard notre forgeron …
On a aussi déjà présenté les Cognitrons, des espèces de boules bleues super intelligentes, la race extraterrestre qui en veut aux êtres humains. On a aussi présenté les Arkuloïds, des entités de type virus mécano-organique qui transforment les blocs en Arkuloids. Les joueurs vont devoir les éradiquer sous peine de voir l’intégralité de la planète transformée.
Etc …
C’est tout cet aspect RPG science-fiction qui nous démarque et va nous différencier vraiment de Minecraft.
Il y a aussi les véhicules fait de blocs, mais ça c’est une autre histoire !
A.K : Votre site web ne manque pas d’humour ? Est-ce le cas pour votre jeu ? Jouez-vous avec les codes du crafting, des univers futuristes, ou simplement du jeu vidéo bac à sable ?
M.T : Oui, on pense que ne pas trop se prendre la tête dans un jeu au niveau des dialogues est quelque chose d’important. Même si le fond de l’histoire est lui un peu plus grave.
Certains dialogues du donjon alpha sont déjà très rigolos.
A.K : Une alpha est donc disponible. Quels sont les retours ? Qu’est-ce qui plait le plus, qu’est-ce qui plait le moins ?
M.T : Les retours sont, en grande majorité, positifs.
Les joueurs seraient plus à même de répondre à ces questions ! Mais je pense que ce qui leur plait aujourd’hui, si on enlève les ambitions futures du projet (rpg/véhicules/donjon/craft …), c’est pour le moment d’avoir un monde relativement détaillé et différent des autres jeux en blocs.
Quand je vois certains d’entre eux avoir déjà passé plusieurs dizaines d’heures de jeu sur l’alpha à construire avec ces petits blocs, je trouve cela fantastique !
. L’avenir du jeu vidéo (le futur) :
A.K : En tant que fondateur d’un studio français et administrateur du SNJV, quelle image du jeu vidéo désirez-vous donner aux novices ?
M.T : Une bonne image ! Il n’y a pas de raison d’en donner une autre image. A Cubical Drift il fait bon vivre ! Le projet est tellement ambitieux que parfois il nous fait même peur, mais on est tous bien contents de faire ce que l’on fait, la motivation est au rendez-vous !
Le jeu vidéo est un secteur d’avenir et on peut le construire aussi en France !
A.K : D’après toi, quelle est la place du jeu-vidéo français à l’international ?
M.T : Pour moi le jeu vidéo est par définition international, avec internet et la dématérialisation, il n’y a plus vraiment de frontière dans notre métier. La France est reconnue dans le monde entier pour ses compétences artistiques et de créativité, donc je pense qu’on a toutes nos chances !
A.K : Quel est le rôle de l’Etat afin d’aider les nouveaux studios ?
M.T : Coté Etat, c’est principalement le CNC qui s’occupe des aides en ce qui concerne le jeu vidéo. Il y a différents types d’aide en fonction de la taille des projets et de leurs états d’avancement.
A.K : Prévois-tu de présenter Planets³ à de futurs salons ?
M.T : C’est prévu, dès que le jeu proposera suffisamment d’expériences intéressantes !
A.K : Enfin, un conseil pour intégrer sereinement un studio de jeu vidéo français ?
M.T : Ne pas avoir peur de montrer ses gouts et ses projets personnels !
Éditeur : Cubical Drift – Développeur : Cubical Drift – Genre : RPG Sandbox – Support : PC – Sortie : 2016