Le jeu vidéo est un monde de passionnés et d’acharnés. Il faut s’accrocher, persévérer, parfois suer mais toujours garder le sourire ! Découvrez notre interview de Mickaël Newton, « Chief Happiness Officer » à Ubisoft. Découvrez les rouages de son métier et du plus gros studio de jeux vidéo français. Une entreprise, un lieu de création qui fédère de nombreux joueurs.
Aurélie : Bonjour Mickaël. Peux-tu te présenter en 3 qualités, 1 défaut, 1 activité et 1 jeu favori ?
Mickaël : Salut Aurélie, oui je peux. Je dirai ma curiosité, mon éclectisme et le fait de ne pas avoir peur de l’inconnu. Curiosité d’abord car j’aime l’idée d’avoir plus de choses dans le cerveau chaque jour. Quel que soit le domaine ou les gens, il y a toujours matière à apprendre et à entraîner sa mémoire, ses connaissances. J’écoute, je questionne, j’enregistre, je synthétise à ma manière. Ensuite l’éclectisme, qui est complètement lié à mon premier point. J’aime plein de choses dans plein de domaines différents et j’essaie de m’affranchir des codes établis pour butiner entre plusieurs inspirations, envies, idées, styles. On a toujours matière à apprendre de ce qui semble différent ou nouveau. Enfin et là aussi c’est lié aux deux autres traits, j’affronte souvent mes peurs en essayant de les dominer et conjurer le sort. C’est ma façon de me rassurer, de savoir que je peux progresser encore et toujours. Je me bats pour casser les routines et, j’essaie de manger des légumes, alors que je déteste ça.
Concernant mon activité principale, c’est la photo. Après je suis intéressé par tout ce qui est de l’ordre de l’image et de la rendre jolie. Je dessine quand je peux et je touche beaucoup des outils de retouche graphique pour galvaniser des clichés.
Pour mon jeu favori, j’hésite entre la saga Street Fighter qui me colle à la peau depuis plus de 25 ans et puis un jeu totalement confidentiel, nommé Might & Magic Clash of Heroes. Une sorte de puzzle game dont les sessions contre un autre joueur peuvent s’avérer démentielles. J’y joue de temps-en-temps contre des amis tout aussi fans que moi, on ne s’en lasse pas.
Mon défaut principal c’est que je suis bordélique. Pourtant parfois je m’arrête et je range, j’organise et ré-organise mais comme je préfère l’action, le bordel s’accumule quoiqu’il en soit. De toute façon on passe tous plus de temps à essayer de changer, faire et défaire les choses, du coup je me suis fait à l’idée que je suis comme ça et que j’y peux rien !
Quel est ton métier à Ubisoft ? En quoi consiste-t’il et pourquoi est-il plutôt particulier ?
Je suis principalement en charge de la communication éditoriale. Concrètement cela veut dire que je discute avec le directeur des créations d’Ubisoft (Serge Hascoët) et ses collaborateurs pour définir et trouver les mots pour décrire la ligne directrice qui va guider la création des futurs jeux à gros budget d’Ubisoft. Une fois que c’est fait, je m’occupe de diffuser tout cela auprès des responsables de studios, game directors, directeurs créatifs et autres personnes en charge de piloter les différentes créations-maison. Cela se fait à travers des documents écrits, des présentations, des vidéos, des conférences et puis des échanges pour qu’ils comprennent bien ce qui est attendu de leur part, par les joueurs, par les autres personnes en interne, par le président d’Ubisoft. C’est un peu comme si j’avais à rédiger les Dix Commandements grâce aux grandes voix qui me parlent et ensuite je trouve les moyens les plus efficaces de partager ces messages en interne. Tu vois l’idée ? Enfin cela reste marginal mais j’ai aussi cette mission de « Chief Happiness Officer », de distributeur de bonheur auprès de mes collègues. D’organiser des tournois, des moments de rencontres et d’échanges pour que les gens se sentent bien. Je fais partie des visages connus du QG d’Ubisoft et qui sert des mains tout le temps et à tout le monde, même aux big boss !
Depuis combien de temps es-tu sur ce poste ? Quelles sont les perspectives d’évolution ?
J’entre dans ma quatrième année de mission. C’est assez politique comme boulot, du coup ce poste nécessite beaucoup de discussions, d’arbitrage, de mesure aussi et de tempérance. Trouver les bons mots et les bons messages, c’est pas si simple. Il m’est difficile aujourd’hui de te dire quelles sont mes possibilités d’évolution à vrai dire. Le département dans lequel je me trouve a également à sa charge le fait de coordonner le contenu qui sera diffusé lors de la conférence Ubisoft de l’E3 et la supervision des stands pour cet événement et la Gamescom, donc qui sait, peut-être que demain j’aurai à agir de ce côté-là également. Ce n’est pas à l’ordre du jour en tout cas. Peut-être que je ferai totalement autre chose aussi, j’ai plusieurs cordes à mon arc et je suis intéressé par moult choses.
Quelles études as-tu fait ? Avais-tu déjà travaillé dans le jeu vidéo ? Quels en on été les apports ?
Après le Bac, je me suis orienté vers des études pour l’entrepreneuriat des petites et moyennes entreprises, puis je me suis spécialisé dans les métiers du management et du e-business. Ces études m’ont permis de faire des stages en communication et marketing, mais il faut savoir que j’ai toujours plus ou moins travaillé dans les jeux vidéo. Il y a 20 ans, je bossais déjà dans un petit magasin de jeux vidéo et puis j’ai enchaîné plusieurs boutiques du genre. Pour ensuite arriver à ma fin de parcours universitaire où, déjà, j’avais réalisé mon stage de fin d’études au département trade marketing chez Ubisoft France en 2003. Quelques années plus tard, en 2006, j’ai fait également un passage au marketing chez Playstation pour ensuite enchaîner il y a 10 ans tout juste avec un tout autre travail, celui de la commercialisation d’espaces pub pour les sites Internet de jeux vidéo dans une régie publicitaire spécialisée. J’ai fait cela durant 5 ans, c’était génial. Cela m’a permis de me faire tout plein de contacts dans l’industrie.
Comment as-tu fait pour rentrer à Ubisoft ?
Tout d’abord il faut savoir qu’entrer chez Ubisoft, c’est quasiment un rêve d’ado. Comme j’ai le contact facile, je compte beaucoup sur mon culot et ma verve pour avancer, c’est ainsi que je m’étais mis en tête d’entrer à tout prix chez eux pour les aider que ce soit en communication ou en marketing. Cela s’est fait de cette façon pour mon stage de fin d’études chez Ubi, c’était pareil pour mon boulot actuel, quelques années plus tard. Plus concrètement et un an avant d’arriver sur cette mission, je me suis permis de contacter Serge Hascoët pour lui faire part de mon admiration de la success story Ubisoft. Le temps est passé, on s’est ajoutés sur les réseaux sociaux et puis c’est lui qui m’a proposé de nous rencontrer à un moment où je galérais à trouver du travail dans la communication. Il me connaissait déjà un peu mieux via mes prises de parole sur Facebook notamment, du coup notre première rencontre s’est faite autour d’un déjeuner où le contour de ma mission actuelle se dessinait peu à peu. Et puis après une série d’entretiens avec les ressources humaines et d’autres responsables d’Ubisoft, j’y entrais enfin à la fin de l’année 2013. Ne sous-estimez jamais le pouvoir du culot.
Sur quels projets as-tu travaillé et travailles-tu (si tu peux le dire) ? Tes missions ont-elles évoluées au cours du temps et des besoins de ces projets ?
Mon sujet fil rouge est la vision éditoriale d’Ubisoft. Et cette vision s’articule autour de la création des Open Worlds et autres jeux multijoueurs et de la façon dont on les construit, les clés pour les enrichir de la meilleure façon possible. Du coup je ne travaille pas sur un seul projet de jeu, mais sur tous ceux qui sont très importants pour la compagnie et pour les joueurs. Cela va de Watch Dogs à Ghost Recon et passant par For Honor, Steep et Rainbow Six. Ma mission évolue progressivement et j’ajoute des cordes à mon arc en animant les workshops de création des jeux à venir dans 2, 3 ou 4 ans. J’ai un vrai travail de fédération et de sensibilisation autour de l’importance de créer des mondes riches, généreux et puissants, que les joueurs prendront plaisir à parcourir demain.
Quelle est une journée type à Ubisoft, et une moins habituelle (fête, visite, salon..,) ?
Il n’y a pas de journée-type. Cela peut aller de la simple gestion d’une interview d’une des personnes du HQ, jusqu’à l’organisation d’un atelier de réflexion sur de gros sujets internes. De l’animation d’une réunion créative à la création d’un document powerpoint avec plein d’animations sympas pour que le contenu soit plus digeste. De la coordination d’une visite de studios faites pour des étudiants en game design jusqu’au partage d’études comparatives à mes autres collaborateurs. D’une réunion avec Messieurs Guillemot, Hascoët et bien d’autres où on me demande mon avis sur les trailers, les enjeux de responsabilité ou de représentativité dans nos jeux jusqu’aux essais de jeux concurrents pour mieux les comprendre et en parler. Je vais à l’E3 et à la Gamescom, visiter certains studios en France ou ailleurs, écouter les questions en interne ou en externe, proposer des réponses concrètes moi-même ou à l’aide de mes collègues et suis en support sur bien d’autres sujets. Bref, je ne m’ennuie jamais.
Pour parler « nombre », combien êtes-vous de salariés à Ubisoft Montreuil et dans le monde ? Et toi, avec combien de personnes es-tu en interaction ?
Je ne sais pas combien exactement mais pour te donner un ordre de grandeur, Ubisoft c’est autour de 2 000 personnes en France (dont les trois quarts sont à Paris et Montreuil) et presque 12 000 personnes en tout dans le monde entier, cela répartis sur une trentaine de studios. Je pense être en contact permanent avec des centaines de collaborateurs, pour le coup c’est très difficile à évaluer, tant je peux finalement être en contact avec à peu près potentiellement n’importe qui dans mes missions au quotidien. Il reste que mon travail reste surtout une mission de support à un niveau stratégique, du coup je reste avant tout en relation avec des responsables d’équipe au siège social d’Ubisoft et des managers de studios ou de dev teams. Au jour le jour, je travaille en binôme avec une autre chargée de communication éditoriale junior dont je suis le responsable. Le département dans lequel je travail est composé de trois autres personnes qui travaillent sur les contenus E3 et Gamescom principalement.
Pour ton métier, sur quels supports, avec qui et avec quels outils travailles-tu ?
Mon meilleur ami est Outlook ! Puis pour la création d’assets ou de documents, j’utilise beaucoup Powerpoint, Word et Excel. Je crée aussi beaucoup d’assets graphiques avec Photoshop et il m’arrive de retoucher des photos et documents via Lightroom, un autre outil de retouche. Nous avons aussi un réseau social interne qui fonctionne à peu près de la même façon que Facebook, sur lequel je suis amené à partager pas mal de contenu.
Peux-tu nous expliquer la hiérarchie et le fonctionnement d’une si grosse entreprise ?
Ouah… C’est presque mission impossible en fait de le faire de façon précise, mais je vais tenter de le faire simplement et d’être le plus clair possible. En gros tu as trois grands « boss » : Yves Guillemot pour les grandes décisions stragégiques d’entreprise, Serge Hascoët pour les décisions concernant les jeux en eux-mêmes, Christine Burgess-Quémard pour la direction des studios et des ressources financières, humaines. Ces gens travaillent au HQ de la production internationale à Montreuil, près de Paris, entité qui doit regrouper autour de 300 personnes. Elles sont là en support pour les studios avant toute chose qui eux sont un peu partout à travers le monde et qui créent les jeux. Un seul studio peut créer un ou plusieurs jeux, seul ou en collaboration avec d’autres studios. Le HQ est là pour les aider à faire leur travail du mieux possible, du coup on se rencontre régulièrement à moult occasions, notamment les « gates », les étapes de production où les studios font part des avancées des projets aux dirigeants. À côté, il y a bien d’autres structures de supports business, marketing, commerciales qui sont aussi à Montreuil et qui sont là pour s’occuper de la bonne diffusion des jeux sur les réseaux de distribution (pour que vous retrouviez vos jeux en magasin). Cela c’est sans compter la diversification, Ubisoft Motion Pictures, la gestion des goodies, des BDs, Uplay, les métiers du juridique, la compta, les relations presse, les ressources informatiques et d’infrastructure, les achats, etc etc.
Qu’est-ce que tu aimes le plus et le moins dans ton travail ?
Bonne question. Je pense que j’aime ce côté « boulot atypique ». J’ai souvent l’impression qu’il y a peu de personnes qui ont un travail comme le mien et que je le construis au jour-le-jour. C’est bien, ça me plaît. Après il reste un travail politique dans tous les sens du terme. Je dois choisir mes mots avec attention et sous-peser la moindre de mes publications ou sorties. C’est parfois frustrant mais c’est inhérent à mes fonctions et j’accepte cela. Même pour cette interview, je suis obligé de réfléchir à ce que je vais dire pour ne pas me faire virer demain ! Haha !
Un bon (voire ton meilleur) souvenir et une expérience plus difficile mais enrichissante ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs avec mes collègues du quotidien. Je suis vraiment chanceux de travailler dans une société comme Ubisoft. Souvent je m’arrête pour y penser, je regarde autour de moi et je souris. C’est vraiment un cadre agréable au quotidien, on est très libres et je peux rire fort, m’habiller comme je veux aussi donc difficile de trouver un moment précis. Oh sinon peut-être la découverte d’un nouveau trailer ou d’un nouveau jeu, des mois, voire des années avant tout le monde !
Pour l’expérience difficile, hmmm… Peut-être l’idée que je ne peux agir comme je le souhaite au moment où je le veux. Comme je le disais, je suis un homme d’action, j’aime me lever de mon bureau, aller voir quelqu’un pour lui faire part d’une idée qu’on valide ensemble et la réaliser dans la foulée. Parfois le côté protocolaire des choses peut s’avérer frustrant, mais comme le temps passe et que je connais de mieux en mieux la maison, je commence à savoir où sont les raccourcis et à mieux comprendre comment tout fonctionne. Et puis comme je ne suis pas totalement « fluent » en anglais (malgré mon nom anglophone) et vu que je travaille la plupart du temps dans la langue de Shakespeare, il peut m’arriver d’être ralenti sur certaines missions. Mais trois ans après mes débuts ici, ça va beaucoup mieux. Tout est source d’enrichissement professionnel.
Chez Ubisoft, tu dis que l’ambiance est familiale (même à 10 000!) et agréable. Pourquoi ?
Parce que « Yves Guillemot ». Il est très admiré en tant que président d’Ubisoft et je pense que c’est légitime. De près comme de loin il dégage beaucoup d’humanité et d’empathie. Ensuite, le climat interne est propice à ce que chacun passe les meilleurs journées qui soient au travail. À côté de ton boulot au quotidien, tout est fait pour que tu puisses t’épanouir et avoir le sourire. La moindre sortie de jeu est célébrée par des événements internes qui se renouvellent sans cesse et ça c’est qu’un exemple de joyeusetés parmi plein d’autres. Y’a pas à dire, on est bien !
Qu’est-ce qui te donne le sourire tous les matins (ou presque) et l’envie d’aller au boulot ?
L’impression que je contribue à une grande aventure. J’aime l’idée de participer à la création des jeux, de les voir naître, évoluer, s’améliorer au fil du temps, surtout au niveau graphique. Je vois comment les jeux s’assemble, se défont, se re-forment et suis témoin des arbitrages qui dessineront l’avenir des jeux de demain. Je ne suis pas développeur ou graphiste, mais je sens l’importance des enjeux de ma mission et l’impact que cela a sur les jeux futurs. C’est pas le plus palpable des apports contrairement à plein d’autres missions sur le terrain, mais sur la durée, je vois le fruit de mon apport.
De plus, tu utilises le terme « Art de construction massive »… Ce n’est pas un peu antinomique ? Que veux-tu dire avec ce drôle de mot ?
L’art de construction massive, c’est pour moi l’idée de créer des mondes gigantesques et généreux dans ce qu’ils ont à proposer aux joueurs. Tout le travail abattu en amont pour faire en sorte que chacun des éléments se répondent mutuellement, tant au niveau gameplay qu’au niveau de la narration, tant au niveau visuel que du design sonore… C’est vraiment colossal comme travail et la conjugaison de beaucoup de talents. Construire ensemble, de façon cohérente et logique, pour des mondes offerts aux joueurs, de sorte à ce qu’ils se les approprient et créent leurs propres histoires, leur propre contenu, leurs propres logiques à partir de règles et d’environnement riches.
Comment concilies-tu travail, passion et vie associative ? Tu n’as pas peur du vilain « burn out » ou de te lasser ?
Haha c’est pas toujours évident. Disons que j’ai beaucoup de travail donc je ne m’ennuie jamais. Le plus dur est de trouver du temps pour moi, mais en général durant l’hiver comme en ce moment, c’est plutôt calme donc ça va. Et puis maintenant nous sommes nombreux du côté association. On s’organise de sorte à se répartir le travail de façon efficace en fonction de notre temps libre. Il y a toujours des imprévus, mais l’année 2017 devrait être beaucoup moins fournies en événements, justement pour laisser le temps de mieux les gérer et de moins être au four et au moulin tout le temps.
Comment imagines-tu le jeu vidéo dans 10, puis dans 100 ans ?
Dans 10 ans, je le vois presque similaire à ce qui se dessine depuis quelques temps maintenant. De nouvelles consoles mais encore plus liées à Internet. La notion de Game as a Service à son apogée, des jeux qui proposent une expérience de base accessible (voire gratuite) et puis du contenu complémentaire à la carte en fonction de votre investissement. J’imagine aussi un vrai retour aux fondamentaux du jeu vidéo, c’est-à-dire le fun avant toute chose plutôt que de privilégier le réalisme. Il y a beaucoup trop de jeux qui oublient de vous faire sourire ou de vous faire passer un bon moment. Dans 10 ans, la Réalité Virtuelle sera partout. Un vrai média à part entière (comme le téléphone l’est aujourd’hui) et qui proposera aussi du jeu vidéo, en ayant cette fois-ci trouvé sa voie quant aux façons d’appréhender les expériences ludiques, encore assez expérimentales aujourd’hui. Dans 100 ans… Ouah… Joker !
D’ailleurs quelle est la position d’Ubisoft par rapport aux jeux VR et aux Serious Game (Je pense notamment au jeu présent sur le salon du bien-être) ?
De ce que je perçois, Ubisoft semble ouvert à tout et prête une oreille attentive à tout ce qui se passe. Le seul parti pris est d’être au cœur de la vie des joueurs et toutes les idées sont bonnes à être étudiées, tant qu’elles ont un sens face à cet objectif. Concernant la VR, Ubisoft parmi tous les grands éditeurs, a été un des premiers à proposer des expériences. Deux jeux sont déjà disponibles, Eagle Flight et Werewolves Within. Deux jeux super bien accueillis par la critique et qui ont très bien appréhendé les enjeux de la Réalité Virtuelle : voyager et vivre des moments de dingue en rapprochant les joueurs.
Tu évoques le Salon du Bien-Être, il faut savoir que si j’y étais, ce n’était pas à l’initiative d’Ubisoft mais bien à celle de Loisirs Numériques. Et dans ce cadre, nous avons proposé une programmation éclectique en toute indépendance. Parmi la sélection de jeux, j’ai effectivement proposé O.Zen d’Ubisoft qui est une application mobile et tablettes de relaxation via la cohérence cardiaque à savoir le fait de mieux respirer pour être en phase avec son coeur. Ce projet n’est pas le plus connu, mais je trouve qu’il est un des symboles du jeu vidéo qui peut faire du bien. Et cela de façon concrète. O.Zen fut le projet de quelques personnes chez Ubisoft et je ne saurai pas mieux en parler que ceux qui furent impliqués dans le développement de ce jeu. Cela reste un vrai défi que de proposer des jeux qui sortent du giron des jeux que l’on connaît tous parce qu’ils sont de vraies expériences en interne également. As-tu entendu parler de ce projet pour les personnes déficientes au niveau oculaire ? ça vaut le coup d’oeil ! http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/709367/jeu-video-vision-amblyopie-correction-yeux
Quels métiers sont très atypiques ou inattendus chez Ubisoft ? As-tu quelques exemples (je pense par exemple à celle qui est venue au débat sur la culture urbaine) ?
Je pense qu’un des services du département dans lequel je travaille est un rassemblement de personnes de tous les horizons. Cela s’appelle Editorial Creative Services et ils s’occupent de faire des recherches sur les régions et univers dans lesquels vont se dérouler nos futurs jeux. Chez ECS il y a des anciens journalistes, des reporters, des historiens, des anciens militaires, des narratologues, des cinéastes… Bref, tout une armada de personnes qui vont sur le terrain pour être là en support des équipes de production en leur proposant du contenu incroyable. Je pense à d’autres métiers comme les mathématiciens et analystes qui étudient les comportements des joueurs (temps de jeu, types de jeux préférés, etc.), les chercheurs de tendance pour les vêtements des personnages de nos jeux et autres creative directors qui regardent loin devant eux tout comme les spécialistes en innovation qui analysent les courants du monde digital et autres tendances du monde dans lequel on vit, les métiers autour de la motion capture et les experts des mouvements du corps (on a même un ancien mime)… Et tous ces métiers que je ne connais pas !
Des idées reçues sur le jeu vidéo que tu veux démonter ?
Je donnerais juste un message pour les joueurs et ceux qui jouent un peu moins. Que ce soit les uns ou les autres, je les trouve généralement très très durs sur les jeux qui sortent. Je le suis souvent aussi, mais j’espère réellement qu’à un moment on prennent tous le temps de réaliser à quel point on est chanceux. D’avoir une offre pléthorique, des jeux pour tous les goûts, toutes les envies. Les bugs ? Il y en aura toujours. Certains sont agaçants, d’autres font marrer. Je ne connais pas un seul jeu exempt de bug, tout comme je ne connais pas de gens sans aucun défaut. Des jeux violents ? Il y en aura toujours. Tout comme il y en a toujours eu et qu’il y a toujours eu des jeux totalement zen et paisibles. Et même ceux-là proposent souvent un ou plusieurs défis. En fait un jeu vidéo c’est par essence un média qui vous challenge, qui propose de résoudre un problème, changer une situation. Un jeu c’est de la narration jouée ou racontée, mais toujours une expérience qui nous touchera d’une manière ou d’une autre. Le jeu vidéo n’est pas cinéma, il n’est pas livre, il n’est pas photo, il est loisir numérique qui demande l’union de dizaines ou de centaines d’hommes et de femmes pour devenir concret. C’est un secteur, une culture à part entière qu’il faut prendre le temps de parcourir et d’apprécier. Les jeux vidéo sont des oeuvres qui méritent d’être plus que des produits de consommation, qui sont plus que des jouets et qui sont souvent plus que de simples jeux.
Un mot sur les écoles de jeu vidéo ? Y a-t’il toujours une place pour les autodidactes ?
Je suis convaincu qu’il y a de la place pour les autodidactes. Je me considère presque comme de ceux-là car j’ai un parcours totalement atypique. Si tu veux travailler dans le domaine, donne-toi tous les moyens pour pouvoir y laisser ton empreinte. Grâce à Internet, n’importe qui a le moyen d’apprendre le code ou d’améliorer ses connaissances sur le domaine de son choix. C’est une question d’envie réelle. T’as pas besoin d’école de jeux vidéo pour cela, tout du moins ce n’est pas un parcours obligé. Sauf si réellement tu penses que tu veux y faire toute ta carrière. Et encore. Les écoles plus classiques peuvent te permettre d’y entrer sans aucun problème. À ce titre, j’adore le papier d’Emeric Thoa qui est à lire par tous les jeunes (et je pèse mes mots) qui aimeraient travailler dans les jeux vidéo : http://www.thegamebakers.com/conseils-aux-etudiants/
Enfin, un conseil pour rester motivé et avoir sa chance de travailler dans le « terrible et magnifique monde » du jeu vidéo ?
Rencontrez des gens, bousculez votre quotidien et forcez la chance. Internet c’est magique pour ça. Meet ups, gamejams, salons… Et c’est pas parce que vous « platinez » tous vos jeux et que vous finissez Dark Souls III les mains dans le dos que vous méritez une place dans l’industrie du jeu vidéo. Ça en vrai, tout le monde peut le faire. C’est pas un skill que de jouer 5 heures par jour. Parlez de vous, posez des questions, saluez vos pairs et envoyez leurs des messages Twitter, Facebook pour leur proposer un café. Le coût de l’info sera de 2€, c’est pas si cher pour commencer à dessiner une chouette carrière et au pire, vous aurez passé 1 ou 2 heures à discuter avec celui qui sera vous reconnaître demain lorsque vous ferez vous aussi vos propres jeux !
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