MISE A JOUR DU VENDREDI
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Cette semaine, j’ai voulu lancer le débat autour de Super Mario Maker et des nombreux niveaux créés, qui semble bien loin de ceux des talentueux développeurs de Nintendo.
Est-il possible de s’approprier l’univers de Mario sans être level designer ?
Lundi : Le point de vue de John
Super Mario Maker est un gros carton pour Nintendo. Personnellement, je ne comprend pas trop l’intérêt de la chose et c’est bien le seul Mario qui ne me fait pas envie. Peut être parce que je ne suis pas level designer mais plutôt joueur… Ce qui me plait, c’est de jouer aux jeux Mario que Nintendo va me proposer. Mais depuis la mi-septembre, ce sont des millions de joueurs qui ont pu s’essayer au concept.
Hélas, d’après de nombreux retours chez nos confrères spécialisés ou même sur les réseaux sociaux, les niveaux de Super Mario Maker sont très loin d’être intéressants et pour la grande majorité (on parle de 90% des résultats) mauvais… Super Mario Maker est la réponse de Nintendo à Little Big Planet. Même si le concept est probablement génial, on ne se grime pas level designer du jour au lendemain. La force du titre de Média Molecule, c’est qu’il s’agit d’une licence neuve, qui a pour unique but de créer un peu tout et n’importe quoi. Même si un mode solo existe, Little Big Planet a plus ou moins créé un genre. Il n’y avait pas vraiment d’équivalent lors de la sortie du premier volet.
Cela fait 30 ans que les niveaux de Super Mario bercent notre cœur de joueur et là, Nintendo a décidé de donner la possibilité de s’approprier son univers. Sauf que l’on ne s’improvise pas level designer. Même si le jeu est simple à prendre en main, on se rend vite compte, sur les niveaux partagés, qu’il manque l’essentiel de ce qui fait un Super Mario : le savoir faire made in Nintendo.
Pour ma part, j’ai l’impression que Super Mario Maker est une super bonne idée, sur le papier et en démo avec des pros (comme Michel Ancel). Elle est beaucoup moins bonne entre les mains de nombreux joueurs, qui sont avant tout des joueurs. Il peut cependant être un très bon outil à la formation de ce métier de level designer en école de jeu vidéo. D’ailleurs, nous pourrons constater cela à la Paris Games Week, où Nintendo y tiendra une compétition inter-écoles pendant l’événement.
Mardi : Le point de vue de Nicolas
Peut-être que le problème ne vient pas des joueurs, mais du jeu lui même ? Après tout, Little Big Planet aussi foisonnait de niveaux réalisés par des amateurs. Pourtant, de nombreuses créations n’avaient pas à pâlir face à des level-designers. Je ne suis pas un architecte en la matière, mais si LBP donnait des résultats, alors que Mario Maker semble ne pas y parvenir, j’incriminerais plutôt les outils. D’autres jeux ont permis de biens belles réalisations, comme par exemple Portal 2. Je suis certain que dans le tas, il y avait de nombreux noob qui n’avaient aucune notion de level-design. Par conséquent, il serait intéressant d’avoir l’avis d’un créateur de niveau en herbe, qui puisse expliquer et comparer entres plusieurs modèles.
S’il s’avère que l’éditeur de niveau est trop complexe pour le commun des mortels, cela risque de pénaliser le titre de Nintendo. Certes, les étudiants en level-design pourront s’en donner à cœur joie en se faisant la main dessus. Cependant, le dernier né de la licence Mario risque d’en prendre un sérieux coup sur le nez en terme de ventes. Ne connaissant pas bien le sujet, est-ce qu’un bâtisseur de niveau se trouve dans la salle et peut nous donner son avis ?
Mercredi : Avis d’Aurélie
Les développeurs n’ont pas attendu Little Big Planet pour créer des éditeurs de niveaux ! Depuis Dark Cloud sur PlayStation 2 (et Actraiser, un RPG sur NES), les joueurs peuvent s’amuser à mettre en place des éléments du jeu, voir les chambouler. L’ultime impression d’être le roi de la création en a sûrement amusé plus d’un. C’est sans compter sur les God Game, comme Black and White et Sim City/ Les Sims, où le jeu nous laisse libre de construire nos propres mondes. Là où Media Molecule a fait fort, c’est dans l’appropriation du genre de jeu et des règles par les joueurs. Une liberté totale laissant au créateur le choix d’ériger les conditions de victoire et d’échec. Un concept novateur basé aussi sur le partage et l’expérimentation.
Or, cette tâche n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît. Un véritable Game Designer doit se mettre à la place du futur joueur pour construire la meilleure expérience possible. Pour ceux ou celles qui auraient essayé des logiciels comme RPG maker ou Game maker, ils savent ce que sait de suer pour les autres. Comment guider le joueur à l’endroit désiré, comment anticiper ses actions et lui faire accomplir les bonnes, quel rythme et quelle difficulté apporter…? Et pour bien faire, il faut faire et re-re-faire ! Et alors que Little Big Planet offre un univers original et délirant, Mario s’attaque à du très lourd.
Des dizaines d’années de savoir-faire ont marqué de nombreux joueurs par de vieux souvenirs. Donc difficile de s’approprier la finesse technique et l’expérience propre à Nintendo. Si vous voulez créer, lorgnez du côté des productions indépendantes comme Blocks That Matter ou plus récemment Badland.
Jeudi : Avis de Ghislain
Ce n’est pas la première fois que l’on donne aux joueurs la possibilité de modifier et créer pour leur titre préféré. Mais tout dépend de ce que l’on peut leur donner. Sur PC, nous sommes habitués aux modeurs, à des choses assez incroyables en termes de cartes pour les FPS, ou de niveaux pour des titres comme Trackmania.
La console a eu également ses bons moments de création, et je pense à Little Big Planet. Mais la grande différence avec un Mario, c’est que c’était un territoire presque vierge doté d’outils puissants.
Le gros problème de Mario, c’est que Nintendo nous en fait manger à toutes les sauces, et souvent en réchauffant avec des graphismes un peu améliorés d’une console à l’autre. Autant dire que ça fait au moins deux décennies que les designers tripatouillent leur Mario Maker pour essayer de maintenir l’illusion du renouvellement, avec plus ou moins de réussite.
Tout ça pour dire que je suis mitigé sur les possibilités de l’éditeur. Je ne pense pas qu’il permette d’avoir des idées géniales et vraiment nouvelles pour du Mario. Après ce n’est pas non plus d’une complexité folle, et tout le monde me semble capable de créer la perle rare. Mais ce n’est pas tout d’avoir une idée géniale, ou un niveau extraordinaire. Comment le faire connaitre et se distinguer parmi des milliers de créations ?
La nature même des jeux Mario me semble adaptée pour que tout le monde puisse créer de bons niveaux. Mais il ne faut pas s’attendre à quoi que ce soit de révolutionnaire, et surtout à quelque chose qui sorte du lot et se fasse remarquer.
Vendredi : Avis de Régis
Ce qui est sûr, c’est que Nintendo a pris le temps pour peaufiner son Super Mario Maker. Le potentiel de l’éditeur de niveaux est indéniable et on peut réaliser de fantastiques niveaux, aussi décalés que barrés. Cette enthousiasme, Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka ont, en ce sens, fait un vrai cadeau aux joueurs-créateurs. On peut jouer avec les personnages, la musique, les effets spéciaux… tout est formidablement mis en scène et cela peut s’avérer très drôle.
Le problème, c’est que les joueurs-créateurs qui vont utiliser le logiciel à son paroxysme ne sont pas nombreux. Pour essayer, j’ai relancé le jeu et force est de constater qu’il y a un sacré paquet de niveaux totalement inutiles. Et il n’est pas forcément facile, sauf à se baser sur le nombre d’étoiles obtenues, pour trouver la perle qui vaut la peine d’être parcourue. Carton indéniable pour le moment, Super Mario Maker risque donc de s’essouffler très vite. C’est un peu le syndrome de la quantité qui défie la qualité. On peut notamment le voir sur des plateformes comme Steam ou iOS. Les bons niveaux sont noyés dans la masse.