Près de six mois séparent l’annonce et la sortie de Fallout 4 en boutiques. Un délai extrêmement court dans cette époque de sur-communication, surtout pour un jeu AAA. De quoi se poser quelques questions sur la qualité finale de ce RPG que Bethesda essaye peut-être de nous refourguer à la sauvette ?
Ce nouvel opus se déroule dans les ruines de Boston et ses environs. Et c’est sans doute le début des problèmes. Quelques centaines de kilomètres séparent Boston de Washington. Difficile du coup de vraiment se démarquer de Fallout 3 avec un contexte géographique vraiment différent. Ce n’est pas comme s’il serait intéressant de faire un Fallout au Japon, dans des ruines Européennes ou même dans le grand nord. Au lieu de ça, c’est le même type de paysage vaguement vallonné et parcouru de ruines interchangeables qui attend le survivant de l’abri 111.
La surface de jeu est comparable à un Skyrim, et donc plus grande que Fallout 3. Néanmoins, elle possède plus de points intéressants, comprenez de points avec des méchants à tuer ou des gentils avec qui commercer. À tel point qu’elle est presque trop dense, avec une impression grandissante de tomber sur une aventure tous les dix mètres.
Massachusetts troué
Fallout 4 n’invente pratiquement rien, se contentant de reposer sur les acquis des épisodes précédents. Même univers, même charte graphique, même monstres, même situations. Le scénario est assez générique (mais l’éditeur nous demande de ne pas le spoiler). C’est à peine si la présence de l’institut et ses synthétiques très « Galactica » vient nous hausser un sourcil pour nous rappeler que c’est une nouvelle aventure et non pas un gros DLC pour le troisième épisode.
Mais il faut bien s’en remettre à l’évidence : si ce jeu était sorti un an après New Vegas, il ne serait pas très différent.
C’est d’autant plus gênant que le monde bouge, le jeu vidéo avance, certes à un rythme de grabataire, mais il est en perpétuelle mutation. Pour un ténor du genre comme Fallout, difficile de faire la même chose qu’il y a dix ans, encore moins après un Witcher qui a collé un sacré coup de vieux à Skyrim et consorts.
Et si encore il s’agissait d’un bon épisode de Fallout. Hélas, le jeu a perdu une partie de ce qui fait l’essence de la série. À commencer par le coté décalé, et moralement ambigu. Certes, vous aurez toujours l’occasion de passer à coté d’une quête ou de privilégier un PNJ plutôt qu’un autre. Mais dans Fallout 4, pas de grands choix moraux, pas de situations ultra décalées ou d’étrangeté au quinzième degré. Certes, quelques missions sortent du lot, mais il s’agira dans 99% des cas d’aller tuer tout ce qui bouge de l’autre coté de votre viseur. Si vous croisez des goules, elles seront hostiles, idem pour la quasi totalité des super mutants.
Moi vois, moi tue !
Dans Fallout 4, tout tourne autour de la baston. Plus que jamais, le jeu essaye de ressembler à un FPS plus qu’à un RPG. En témoigne la transformation du VATS qui ne permet plus de mettre le jeu en pause. Au lieu de ça, le jeu est fortement ralenti,vous permettant de passer quelques ordres d’actions. Le hic, c’est que lorsque le temps reprend, la situation bouge très vite. Votre super tir à la tête n’est plus possible car il a fallu un quart de secondes à votre cible pour se planquer derrière un arbre ou sauter de sa tourelle. Énervant. D’autant plus que le jeu va assez vite, empêchant de viser efficacement. Quand les munitions se font rares, c’est un peu rageant de gâcher un demi chargeur sur une mouche géante qui ne cesse de bouger !
Heureusement, l’IA des adversaires est toujours exécrable. Ils se contentent de foncer sur vous ou d’envoyer explosifs et cocktails Molotov. Pour les contournements, les tactiques de groupe et autres complications, ce sera pour Fallout 5. Seule petit casse tête, les Boss uniques. Pas tant car ils sont plus malins, mais simplement car ils ont des sacs à points de vie qui peuvent « muter », ce qui signifie qu’ils récupèrent leurs points de vie initiaux au milieu du combat. On a les neurones qu’on peut !
Nivellement par le bas
Le système de dialogue renvoie à celui de Mass Effect, en moins bien. Pour chaque conversation avec un PNJ vous disposez de plusieurs options qui ne sont que très vaguement présentées. En général elles se limitent à Oui/Non/Sarcastique/Vous pouvez répéter la question ? Impossible de savoir exactement ce que va balancer son héros, mais ce n’est pas très grave car le plus souvent ce sera sans conséquences sur la suite. Seul un haut charisme permet d’avoir des options supplémentaires, également très floues.
Au moins vos compagnons d’aventure sont à peu près réussis. À peu près, car si leurs histoires sont intéressantes pour la plupart, ils s’avèrent être de véritables boulets, inutiles voire gênants pendant les combats. La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont immortels et que vous n’avez pas à vous soucier de leur santé. La mauvaise, c’est qu’ils sont nuls, déclenchent les pièges et vous font repérer. Leur passer un ordre est même une plaie grâce à une interface encore une fois foireuse.
La casualisation du jeu touche également ses mécanismes. Exit les compétences remplacés par des « super perks » qui vont un peu personnaliser votre héros. Ainsi, plus de score de crochetage mais un perk à plusieurs niveaux qui sera le même que vous ouvriez une ou cent serrures dans le jeu. Difficile de planifier la progression de son personnage d’autant plus qu’il faut souvent passer par des étapes intermédiaires inutiles pour débloquer la compétence bien utile.
Mac Gyver vient de l’abri 111
S’il y a une chose à sauver de cet opus, c’est son système d’artisanat. Très poussé, il permet de bricoler ses armures, ses armes et même son exosquelette de combat. Chacun de ces objets peut-être customisé en ajoutant des modules qui vont modifier les caractéristiques de l’arme ou de l’armure. Très fun et effectivement très efficace dans la pratique, cette fonctionnalité est un peu plombée par la nécessité de posséder les talents nécessaires (bien trop nombreux; un pour les armes énergétiques, un autre pour les armures, les armes de corps à corps etc, et le tout avec plusieurs rangs), ainsi que trouver les pièces détachées. Chaque objet peut être ramassé et démonté pour fournir des ingrédients aux recettes d’artisanat.
Au lieu de jouer les Mad Max badass, vous vous transformez donc en Max l’éboueur, qui vide chaque poubelle et ramasse canettes et cuillères en plastiques pour espérer fabriquer le module qui rendra votre arme ultime. Tout le problème, c’est que les cochonneries ont vite fait de peser lourd dans votre inventaire, et vous passez donc un temps fou à trier les bons et les mauvais déchets, ce qui se fait au détriment du rythme.
Inconfort d’utilisation
Enfin comment ne pas parler de cette abomination qui consiste en la possibilité de customiser votre base. Oh, ça partait d’un très bon sentiment : construire son petit village, y faire venir des colons et installer de quoi produire ses armes ou sa nourriture, c’était une bonne idée.
Encore aurait-il fallu qu’elle soit utile. Non seulement les bases font de la figuration dans l’aventure, mais en plus, l’interface pour les construire a été conçue par quelqu’un qui remet en cause la disparition du pilori avec jeter de tomates. Construire une maison est un calvaire, ordonner à un des ses protégés d’aller s’occuper d’une boutique un calvaire. Du coup, à moins d’être vraiment masochiste, vous risquez de vous contenter de fabriquer quelques ateliers, planter trois poireaux mutants et basta !
Pour finir, un mot sur l’interface : elle est exactement la même que dans les précédents opus, et donc elle est pourrie. Il n’existe pas d’enfer assez chaud pour enfermer le malade qui a conçu cette horreur et celui qui l’a reprise pour Fallout 4. L’immersion dans le « Pip Boy » aurait du passer après le confort de l’utilisateur. Au lieu de ça, il faut naviguer dans trois menus pour trouver une info ou le bon équipement dans son inventaire. Le plus déprimant, c’est de s’apercevoir que ces infos occupent à peine un quart de l’écran ! De la même façon, impossible d’avoir les infos nécessaires sur un objet ou une arme sans d’abord le ramasser et l’étudier. Même la nomenclature des noms des armes est un fouillis sans nom !
Conclusion du rédacteur : MOYEN
Fallout 4 n’est pas un mauvais jeu et malgré tous ses défauts, vous y trouverez de quoi vous occuper plusieurs dizaines d’heures. Mais il n’invente rien, ne propose rien de mémorable et ne fait pas évoluer la série dans la modernité. C’est en gros un super mod de Fallout 3 qui vit sur son nom plus que sur ses qualités.
Éditeur : Bethesda Softworks – Développeur : Bethesda Game Studios – Genre :RPG – Sortie : 10 nov. 2015 – Supports : Xbox One, PS4, PC