Bioshock Infinite
Aurelie Knosp
- L'univers steampunk, avec ses machines, montgolfières, affiches d'Art nouveau, nuages...
- L'ambiance colorée, les lumières du soleil, les décors perdus dans le ciel
- Les passages d'une cinématique à du « in-game » invisibles
- La « merveilleuse » Columbia, ville uchronique du mouvement d'indépendance américain
- Elizabeth, ses humeurs, sa force de caractère, son visage, ses questions
- La musique, qui nous fait voyager
- Le grappin qui permet de prendre l'air
- Des actions simplifiées pour une prise en main immédiate
- Les délires de Comstock, et la machination qu'il a créé
- L'incroyable cohérence de tout cet ensemble !
- Certains ralentissements (sur consoles) quand il y a trop d'ennemis à l'écran
- La répétition de certains combats, pouvoir, tirer, fouiller cadavre
- Le bouton d'action qui sert à tout, ouvrir, manger, boire, se soigner, attirer l'attention...
- Le mal de l'air quand on prend les rails et que l'on ne sait pas où aller
- On aimerait rencontrer Elizabeth et l'épouser, mais ce n'est qu'un jeu
« Aimez le pêcheur, car vous êtes le pêcheur. »
Un monde où la violence fait loi, où l’histoire s’écrit dans un bain de sang. Cette aventure, c’est la votre, celle de Booker DeWitt, et de la ville Columbia. Terrible dystopie de l’ »Amercian way of life » , et uchronie de la naissance du nouveau monde, Bioshock Infinite n’est pas rassurant à plus d’un égard.
Développé par Irrational Games, Bioshock Infinite est un jeu de tir à la première personne. Vous incarnez Booker DeWitt, ancien détective corrompu par le jeu et l’argent, prêt à tout pour arriver à vos fins. Votre mission, aller à Columbia, et « ramener la fille pour effacer vos dettes ».
Une histoire qui se joue de vous
Un phare dans la nuit, une tempête, une fusée qui décolle, et vous voilà à Columbia, au milieu des nuages. Vous trouvez ce début de jeu potentiellement ridicule ? Et bien, impossible quand c’est Ken Levine, du studio Irrational Games, à l’écriture.
Bioshock Infinite vous emporte en 1912, vous arpentez la ville flottante de Columbia, à la recherche de « the » fille. Dans ce nouveau jardin d’Eden, parmi les fleurs et les prêtres, une ballade bucolique ne dure jamais longtemps.
Inquiet, le prophète Zachary Comstock s’exclame : « Mais lorsque le grand hérétique est arrivé, il a amené la guerre, et les champs de l’Eden se sont retrouvés gorgés du sang de leurs frères ».
Alors que vous venez de tuer le premier policier d’un grappin dans la tête, Comstock semble bien parler de vous, Booker DeWitt. Etes-vous prêt à tuer des centaines de fidèles pour sauver votre peau et récupérer la fille ? N’avez-vous aucun remord, est-ce le prix à payer pour défendre vos idéaux ?
Premier point fort, le scénario de Bioshock Infinite est narré sur plusieurs niveaux. Il faut donc vous armez d’une nécessaire violence, de patience, de dextérité et d’une pincée de curiosité, pour en découvrir tous les amoncellements. En effet, l’intrigue se révèle au cours de différentes phases. D’une part, celles-ci sont scénarisées . Lors de cinématiques à la première personne, vous êtes simple observateur. D’autre part, elles sont jouables, avec les nombreuses rencontres, plus ou moins hostiles, au cours du jeu.
Enfin, pour tout connaître de la genèse de Columbia, voir de l’univers Bioshock, préparez vous à fouiller chaque recoin. Car rien de tel que la recherche d’enregistrements vidéo sur kinétoscopes, et audio sur voxophones pour comprendre ce qui se trame malgré vous.
Un gameplay tonique et sanguin
L’intrigue de Bioshock Infinite vous emmène donc dans un monde fantastique, mais dystopique. Dans la peau de Booker DeWitt, entre raisonner vos opposants ou les supprimer, le jeu ne vous laisse pas beaucoup de choix. Car l’histoire de Columbia a commencé, et va finir, dans la violence et le sang. Or, c’est presque malheureux à dire, avec un système de combat à la première personne aussi simple et réactif, quel plaisir de tuer.
D’une simple pression de la gâchette (donc votre main) gauche, vous déclenchez un pouvoir, appelé « tonique ». Au nombre de huit, vous les trouvez disséminés dans les niveaux. Ce sont d’étranges fioles colorées, que vous avez bien sûr la bonne idée de boire. D’un brûlant baiser du diable, au meurtrier lancer de corbeaux, en passant par la charge, la possession et tant d’autres, tous les moyens sont permis pour vous débarrasser de vos ennemis. Seulement deux des pouvoirs sont accessibles et combinables en même temps. Vous pouvez les choisir sur la roue des huit toniques, via le bouton gauche (L1/LB). Vous pouvez enfin recharger votre barre de tonique en trouvant des cristaux, ou en fumant des cigarettes contre un peu de vie .
Quant aux armes à feu, ne vous en faîtes pas, c’est à cela que sert votre main droite (non, rien d’autre). En parcourant le jeu, pistolets, fusils à pompe, mitraillettes, sont à votre disposition en fouillant caisses et cadavres d’ennemis. Vous pouvez ainsi vous servir d’une bonne douzaine d’armes, tant que les munitions vont avec, tout va. Et même principe que pour les toniques, vous disposez seulement de deux armes simultanément, et interchangeables par une simple pression du bouton droit (R1/RB). Bien évidemment, via quelques monnaies clinquantes, toutes ces armes et ces pouvoirs sont customisables via l’achat d’améliorations dans des distributeurs.
Avec Booker DeWitt, vous êtes bien armé, mais encore faut-il être bien équipé. N’étant pas immortel, vous devez faire face à quelques assauts musclés, et méritez bien un petit bouclier. Celui-ci se recharge alors que vous êtes accroupi ou abrité . Vous pouvez aussi, et surtout, fouiller les décors jusqu’à trouver votre parfait petit ensemble de tueur. Quant à votre santé, mangez des pommes et des hot-dogs, et vous irez beaucoup mieux (surtout le cholestérole). Toutes ces commandes se font de la simple pression du bouton action (A/croix), et ne ralentissent en aucun cas les bons moments d’adrénaline apportés par le jeu.
Dernier élément de Gameplay, et pas des moindres, Bioshock Infinite se passe dans les airs. Booker dispose donc d’un grappin (oui, celui qui fut planté dans la tête du policier) afin de vous déplacez sur des rails, et de vous suspendre en hauteur. Là aussi, une simple pression du bouton action en pointant une zone en surbrillance, et vous sauvez votre peau à de nombreuses reprises.
Mais n’allez pas croire que le personnage de Booker DeWitt n’est qu’une coquille sans âme, aux gros bras maculés de sang. N’oubliez pas, que c’est vous qui le faîtes jouer. Ces réactions sont donc les répercussions de vos actions. Et il ne tient qu’à vous d’essayer de faire changer le cours des événements.
L’oiseau ou la cage
La tête dans les nuages et les deux mains armées, les décisions à prendre, ce n’est pas ce qui manque. Certains problèmes vous demandent de tuer ou d’épargner un personnage, alors que d’autres vous demandent de choisir entre deux éléments faussement insignifiants.
En effet, la ballade à Columbia n’est pas de tout repos. Cette ville soit-disant idyllique, a plus de points communs avec un manège de l’horreur, que le paradis annoncé. Etrangement, les citoyens ne bougent pas de leur pied d’estale, tout juste quelques mouvements mécaniques leur donnent vie. Alors, ils prennent parole sur votre passage, pour ensuite retourner dans leur torpeur.
Dans cette histoire, votre rôle semble donc important, car vous, Booker, semblez bien le seul à pouvoir réagir. Vous n’êtes pas prêt à vous laisser marcher sur les pieds, et le jeu vous en donne les moyens. Seulement, à vous, d’en profiter avec parcimonie et de prendre de justes décisions.
Dans Bioshock Infinite, cette machine infernale, orchestrée par le tout puissant, cache pourtant le plus beau des joyaux. Et vous ne restez pas si longtemps le seul être (vraiment) vivant. Alors, la mécanique de survie, laisse place à la mécanique du cœur.
Elizabeth, reviens
Le fil rouge (en plus du sang) de l’histoire est Elizabeth, cette jeune femme enfermée dans une tour, par le prophète. Et vous, Booker DeWitt, sombre personnage, devez la libérer, non pour ses beaux yeux, mais pour votre dette à effacer. Du moins, au début…
C’est vraiment au moment de votre rencontre avec Elizabeth que le jeu prend toute son ampleur et sa force. Autant au niveau de l’histoire, du gameplay, que de l’interaction avec l’environnement. Bioshoch Infinite se dévoile pas à pas, en découvrant les secrets et les pouvoirs d’Elizabeth. Même si elle ne figure pas sur la jaquette, sans elle, vous ne seriez déjà plus de ce monde.
Avant même votre rencontre, vous vous retrouvez bon gré, mal gré, à l’oberver plus d’une fois. Or, ce n’est ni sa fragilité, ni ses formes voluptueuses qui vous attirent, mais bien le panel de ses émotions, et la richesse de son caractère. Les développeurs d’Irrationnal Games ont vraiment consacré leurs efforts sur la création de ce personnage, en prenant soin de lui donner vie et consistance. Elizabeth vous questionne sur votre passé, s’interroge aussi sur le sien, tout en critiquant vos actions. La finesse de son animation, les traits si expressifs de son visage, vous font presque oublier que d’autres citoyens et esclaves rêvent de liberté à Columbia. Votre relation passe donc au cœur du jeu, de l’intrigue, mais aussi du gameplay.
En effet, Elizabeth est loin d’être la fille fragile et assistée de nos clichés.
Grâce à ses pouvoirs, elle est capable d’ouvrir des failles temporelles, et ainsi faire apparaître des munitions, trousses de soin ou cristaux, pour vous aider au combat. Avec ces failles, elle peut aussi agir sur l’environnement en créant des abris, et des points d’accroche en hauteur. Notez aussi qu’elle ne vous ennuie jamais dans vos combats, puisqu’elle trouve les meilleures cachettes d’elle-même. Enfin, Elizabeth vous aide en fouillant les décors afin de trouver de l’argent, mais surtout des crochets permettant d’ouvrir portes et coffres au trésor.
Cette mystérieuse fille est donc incroyablement vivante dans cette manichéenne Columbia. Elle ne vous suit pas comme une brebis galeuse, qu’il faut constamment surveiller. Au contraire, elle prend souvent le pas devant vous, jusqu’à parfois vous semer ou vous fuir.
Le bleu du ciel, et le rouge de l’enfer
Les artistes d’Irrationnal Games ont créé d’impressionnants décors, où la ville se fond dans la lumière du soleil et le bleu du ciel.
Dans un univers Steampunk, la cité de Columbia flotte sur des dirigeables, alors que le monde est éclaté en îlots rejoints par des rails. Les bâtiments, à l’architecture « néo-victorienne », s’étendent à perte de vue, sous une mer de nuages. Et les intérieurs, comme les extérieurs, restent fidèles à une réinterprétation du début du 20ème siècle, en Angleterre.
Certes, les temps de chargement entre différentes zones peuvent parfois agacer. Mais la narration utilise ce défaut à son compte, pour vous plonger dans les différents méandres de Columbia.
En tout cas, quelque soit l’environnement, les effets colorés de la lumière sont superbes. Et vous êtes baignés de la chaleur, pourtant si froide, de la ville.
Car, rien ne semble vraiment naturel. Vous voyez des fleurs, de l’eau, mais aucune forme de vie ne se manifeste, pas un clapotis, ni piaillement d’oiseau. A part vous et Elizabeth, tout semble faux, dans ce silence brisé par les bruits de mécanismes et de vos tirs.
Le contraste est d’autant plus brutal et réussi. Alors qu’Elizabeth a des yeux aussi bleu que le ciel et la liberté, vos mains se tachent d’un sang aussi rouge que les rideaux de l’enfer et du pouvoir.
Bioshock Infinite, avec Columbia et Booker DeWitt, c’est avant tout le calme précédant la tempête.
De la mélodie de Song bird, aux chants des opprimés
Ce même puissant contraste existe aussi avec les thèmes musicaux de Bioshock Infinite.
Subtile mélange de musique noire et de classique, sa bande son étonne par la diversité des morceaux choisis, et la cohérence de cet ensemble. De Wagner à Amstrong, en passant par Nico Vega, chaque morceau ne fait qu’étoffer le riche univers de Bioshock Infinite.
Ainsi, l’action est emportée par des cuivres et des percussions, qui ne s’arrête qu’avec la mort de vos assaillants. De plus, les apparitions de Song Bird sont accompagnées de mélancoliques accords au piano, tandis que la Vox Populi s’illustre par le chant des esclaves.
Et cette musique réchauffera vos cœurs et vous emportera à cette époque révolutionnaire où, Eglise, Etat, et Voix populaire s’affrontent pour un idéal de croissance et de liberté.
Enfin, les doublages de Booker et d’Elizabeth, aussi bien l’écriture, que la tonalité, sont d’une très grande qualité. Cette incroyable bande son, vous emmène dans un monde toujours plus crédible, et vivant.
Conclusion, être ou ne pas être, telle est la question
Avis de la rédactrice : EXCELLENT
Toute la force de Bioshock Infinite tient dans la consistance de son univers, et dans l’intérêt porté aux détails et au scénario. Même si l’action est très prenante, certains combats peuvent sembler répétitifs. Heureusement le grappin aère le gameplay, alors que l’aide et les mimiques d’Elizabeth vous emportent dans un vent de fraîcheur.
Bioshock Infinite vous plonge donc dans un monde parallèle, où la liberté ne s’arrête pas là où commence celle des autres. Univers steampunk, uchronie de la révolution industrielle en Angleterre et de la guerre d’indépendance aux Etats-Unis, jusqu’où pouvez-vous aller au nom de la liberté et de vos croyances?
« Car qui suis-je, si ce n’est le moi reflétant le visage de Dieu ? » Zachary Comstock (1874-1912?)