Smokitten est un jeu pour arrêter de fumer et sensibiliser les (petits et grands) enfants à ne jamais commencer !
Dowino, studio français basé près de Lyon, revient avec le jeu le plus dur au monde : Arrêter de fumer ! Alors si vous aimez les défis et que vous avez de la volonté, ce titre est fait pour vous. De plus, il sensibilise les enfants aux dangers du tabac.
Ainsi les créateurs de Smokitten veulent montrer que l’innovation peut être utile à l’intérêt général et que les nouvelles technologies peuvent servir des causes justes. Ils l’ont déjà fait avec A Blind Legend (à découvrir ICI) ou encore GlucoZor, le serious game pour aider les enfants diabétiques à gérer leur maladie au quotidien.
Malgré son but pédagogique, Smokitten c’est avant tout un jeu vidéo, c’est-à-dire, un outil engageant, avec lequel le joueur s’amuse, et prend du plaisir à jouer et à rejouer. En résumé, un bon jeu !
Pour en savoir plus, nous avons rencontré Pierre-Alain Gagne qui nous explique l’histoire de son studio, les premiers jeux puis l’arrivée et le développement de Smokitten.
Aurélie Knosp : Comment es-tu arrivé à monter ta boîte ? Quel est ton parcours ? Tu as toujours voulu être dans le jeu Video ?
Pierre-Alain Gagne : Je n’ai pas un parcours classique, j’ai commencé à travailler dans le fromage, dans l’agro-alimentaire. J’ai fait une école de commerce puis du marketting . J’avais envie de faire autre chose, de monter mon studio. J’avais cette envie et ça devenait concret.
Un ami, Nordine, qui travaillait dans le web, le jeu video, et le serious game. Et il se trouve que sa boîte se faisait racheter par une grosse agence de communication. Il partait. Et je ne sais pas faire ce qu’il sait faire et inversement. Alors on s’est dit pourquoi ne pas travailler ensemble. Ça m’intéressait, car je connaissais plutôt bien le jeu vidéo. J’ai commencé tout petit, et j’ai connu l’évolution, en commençant par Pong pour continuer jusqu’à la PS2.
AK : Ah donc t’as quand même pas mal joué ?
PG : J’aimais bien jouer et surtout j’étais convaincu du potentiel du jeu vidéo. On pouvait faire autre chose que juste s’amuser.
Puis on a été rejoints par une troisième personne, qui était Jérôme. Et on a créé Dowino.
AK : Et qui est-ce ?
PG : Il travaillait avec Nordine, mais côté animation. C’est le directeur artistique.
AK : Sur tous vos projets ? Il devait moins s’amuser sur Blind Legend ?
PG : Ouai. Mais il a beaucoup travaillé sur la partie scénario. Ça prend du temps d’écrire pour un jeu sans image. Et ensuite, il a travaillé sur les Artworks.
AK : Et y-a-t-il un lien entre le marketting pour fromage et le marketting pour jeux vidéo ?
PG : Bah oui, il y a le marketting !!
Pour faire son chemin, il y a deux questions à se poser : « Qu’est ce que tu aimes faire et qu’est ce que tu sais faire ? ». Par exemple, moi je voulais faire du marketting dans le sport. Mais je n’ai pas trouvé alors j’ai commencé dans le marketting. Il faut toujours commencer par un de ces deux points plutôt qu’aucun. Et on garde en tête l’autre point. Après c’est compliqué car, en France, on met des étiquettes sur les gens. Donc quand on cherche quelqu’un pour bosser dans le marketting jeu vidéo, on lui demande d’avoir déjà travaillé dans le marketting jeu vidéo. C’est donc prendre un risque de fonctionner comme ça. Je suis arrivé à faire du jeu vidéo que j’aimais bien aussi mais pas de marketting sportif.
AK : Et c’est l’entreprise ou le projet en premier ?
PG : On a démarré avec l’envie d’avoir une boite. Et on a démarré avec un modèle économique fiable et sécu dans un premier temps, le Serious Game. Puis on va voir les entreprises. D’abord on vend et après on fabrique. Comme ça on n’engage pas de fais et ça permet de voir si notre positionnement sur les sujets à forte utilité sociale intéresse les gens. On décide de faire un projet tous les deux ans ou on est un peu plus créatif . En gardant toujours cette envie de faire des jeux à forte utilité sociale.
Donc Blind Legend est votre premier projet perso ?
Oui Blind Legend et maintenant nous avons Smokitten. Donc ça fait deux jeux en presque 4 ans.
Et d’où vient le nom « Dowino » ?
On est partis sur Domino, c’était cool, le jeu ancestral où tu joues avec tes grands parents. En même temps, on ne voulait pas se faire appeler Domino Pizza. Donc, on a changé une lettre pour finalement la retourner. En anglais, ça fait un jeu de mots, et le domaine était libre. On a mis deux jours à trouver le nom (et à boire des bières) !
Vous êtes installés au Pôle pixel de Villeurbanne ? Quels sont les critères pour y rentrer ?
Il fallait être sur le pôle créatif, et remplir un dossier. Ce n’est pas compliqué. Il y a beaucoup de monde et donc beaucoup de turn-over. On paie 800€ pour 42 m carré, avec bureaux partagés, Internet, téléphone, salle de réunion, salle à manger, toilettes… Surtout les toilettes, et ce n’est pas rien. Puis on n’a que trois mois de préavis, alors que les bureaux commerciaux, c’est 3, 6 ou 9 ans… Donc c’est dur pour commencer et là nous avons beaucoup de souplesse.
Quel a été le premier jeu, donc client, à vous faire confiance ?
C’est un ancien client de Nordine. A l’époque il avait fait un jeu pour expliquer le papier eco-responsable, ici le papier Rey. C’était un jeu à la farmville, il s’appelle » Mon exploitation forestière ».
C’est pour expliquer ce que permet le Papier Ecoresponsable. Il faut gérer une forêt et la vente du papier. Mais il faut Faire attention à la biodiversité, aux périodes de la coupe des arbres. Car les gens pensent que le papier ecoresponsable c’est du papier recyclé. Ce n’est pas que du papier recyclé , ça va beaucoup plus loin et ce n’est pas facile à faire.
Et puis il y avait le Classement FB, le leaderboard. Donc on fait le 2. Avec des règles un peu plus complexes.
Donc c’est une image positive de la marque, pour sensibiliser ? Et elle fait des sous par son image ?
Elle ne fait pas forcément des sous . Elle explique ce qu’elle fait. Donc c’est pour sensibiliser sur tout le travail, l’implication sur toute la filière. Çe n’est pas juste du papier bio, c’est plus que ça et ce n’est pas facile à faire. Donc ça donne une image de marque positive : » on fait tous des efforts pour sauver la planète « .
Le dernier jeu par EDF, c’est quoi et pourquoi pour les adultes ?
C’est un nouveau casual game plutôt pour adultes. Ça ne veut pas dire que les enfants ne peuvent pas y jouer, mais on a plutôt penser à un casual game type Candy crush où la moyenne d’âge est de 40 ans. Aussi, les contenus pédagogique sont assez complexes.
C’est de créer une communauté d’énergie en Rhônes Alpes… Mettre en place des actions pour mettre les gens ensemble. Mais aussi de créer des partenariats avec les agences locales, les différents acteurs publiques, etc.. Plutôt que le power point de 200 pages, on peut faire passer des messages sans s’en rendre compte. On leur fait passer un truc sexy, sans qu’il s’ennuie et le message passe.
Parfois, il y a des messages écolos cachés dans certains jeux (long blabla sur Abzù dont je vous préserve)… Tu en penses quoi ?
C’est aussi la sensibilité du Game Designer et du Directeur Artistique. S’ils sont sensibles à ça, ça passera par le jeu, par petites touches.
Et vous n’avez pas envie de faire un message mais que dans du jeu ?
Ça ne veut rien ce que tu dis… Quand on est dans Blind Legend, il y a un scénario, c’est un vrai jeu d’aventure avec un chevalier qui casse des gueules. Et en même temps on est dans la peau d’une personne aveugle. On est sensibilisé aux handicapes visuels et en même temps on permet aux aveugles de jouer.
C’est justement la barrière qui est très fine entre le jeu et le serious game. Et c’est difficile. Par exemple, là il y a « Enterre moi mon amour » de Florian Morin. C’est un vrai jeu, c’est un jeu narratif donc on aime ou on n’aime pas. C’est comme « Paper Please « , on aborde une thématique rarement abordée et toutes les mécaniques et le scénario sont pensés autour de cette thématique.
Il y a un objectif derrière. Par exemple, pour nous, dans Smokitten, l’île est toute cracra. L’eau est toute polluée comme les poumons, puis l’eau s’éclaircit, la verdure revient…. C’est métaphorique, ça représente aussi nos valeurs. On est quand même mieux dans un champ avec des oiseaux et des arbres plutôt qu’une mine de charbon.
Si des gens te disent moi je préfère la ville, la fête, boire et fumer ?
Très bien, ce n’est pas antinomique ! On peut aimer la ville et la campagne. Juste la ville faite n’importe comment n’est pas durable dans le temps.
Oui, il y avait une phrase qui dit : “ La terre ce n’est pas un don de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent”.
C’est tout à fait ça ! Il faut donc un peu des deux. J’aime aussi sortir et boire des bières. Mais on a besoin aussi d’autre chose et il ne faut pas que ça prenne le pas… Vu qu’on embitume un terrain de football toutes les trois secondes par jour.
Quels sont les débuts du jeu A Blind Legend ?
C’est Nordine qui a entendu une démo de son binoral « A Virtual Baker Shop ». Tu te sens vraiment chez le coiffeur. T’es sur ton siège, t’entends le coiffeur derrière toi, puis les ciseaux, où ils se trouvent et quand ils coupent. Tu sais localiser les sons autour de ta tête. Pour enregistrer un son binoral, il faut créer un mannequin avec deux micros dans les oreilles. On entend en 3D car notre tête est ronde et nos oreilles ont des aspérités. Donc il prenait un mannequin pour spatialiser le son. C’est super, on peut donc presque faire un jeu sans image. A l’époque, ce n’était pas faisable techniquement. Mais en montant Dowino, il a continué en recherche et développement. C’est un ami calé en technologies binorales qui nous a aidé. Il nous a montré les logiciels et Plug in pour le traitement en temps réel. Et il fallait quelque chose qui marche en cross-plateforme.
On a donc utilisé le plug-in qui s’appelle 2Big Ears. D’ailleurs, il a été racheté par Facebook, sûrement pour l’oculus.
Depuis 2015, il est disponible sur tous les supports en free to Play. Il est d’abord sorti sur les mobiles avant Steam où il a été édité par Plug in Digital.
Quel a été le passage à Smokitten ?
Avec Nordine, on a réfléchi au prochain jeu. Et il s’est dit : » Qu’est-ce qui pourrait être le jeu le plus dur au monde ? » Et on a vite trouvé l’idée.
Puis pour arrêter de fumer, t’as besoin de motivation, de concentration, de réseaux sociaux, d’oublier…Et c’est tout ce qu’apporte le jeu vidéo. C’était très challengeant, il y a des milliers de profils différents.
C’est un outil comme un autre, comme les patchs, les e-cigarettes…
Avez-vous d’autres applis en référence ?
On a regardé d’autres applis pour arrêter de fumer, ce qui montre bien que les gens en ont besoin et trouvent ça utile.
Elles ont toutes plutôt des bonnes notes mais elles se ressemblent toutes. Et on voulait aller un peu plus loin que les cinq euros économisés. Il y a bien des mécaniques utiles qui peuvent être utilisées pour arrêter de fumer.
Pour financer une partie du développement, vous avez choisi le financement participatif via Ulule. Pourquoi ce choix ?
C’est très affinitaire tout ça. Il faut des potes qui vont parler à des potes, etc… » Il vaut mieux un petit chez soi qu’un grand chez les autres ». Nos amis et notre communauté sont en France. Et je ne sais pas communiquer en Amériques. J’ai fait de la communication en France et je ne connais personne aux États Unis.
On n’était pas d’accord. Il était tous les deux contre moi. Mais c’était ma responsabilité donc j’ai pris le risque. Il a fallu que je négocie.
Puis on a rencontré les gens d’Ulule. On a rencontré Mathieu qui était DG adjoint à l’époque. On a tout de suite accroché et il était très geek. On s’est sentis les bienvenus. Il y a une vraie démarche d’accompagnement, avec des idées et des contreparties. Et ils nous ont rassuré pendant la campagne. Dans le creux de la vague, quand tu flippes ta race, eux ils savent et ils t’aident à préparer ta dernière semaine. Donc il y a un vrai accompagnement ONE TO ONE.
Et qu’elle était l’aide de Pôle pixel ?
Sur Ulule, il y a la possibilité pour une boîte d’être un Official User, afin de financer les projets qui plaisent. Et Pôle pixel nous a proposé d’être Official User et de rajouter un euro à chaque euro mis.
Vous en êtes où dans le développement ? Quelles sont les dates clefs ?
Début 2016, c’est l’idée et la conception, puis la campagne de financement en mai.
De Juin 2016 à juillet 2017, c’est le développement. Et on espère le sortir en mai/juin 2018.
Donc là, on en est à la Version Alpha. Mais, le jeu c’est comme le bâtiment, on est en retard, faut toujours compter un tiers de plus.
Vous travaillez avec des experts du centre hygée ? Qu’est-ce que c’est, quelle expertise et comment ils vous aident ?
C’est un centre à Saint Etienne qui fait de la prévention au cancer. Ils explorent plusieurs thématiques dont le tabac. Il y a des addictologues, cancérologues, psychologues du comportement. Donc ils nous accompagnent pour le travail sur les addictions. C’est aussi un centre qui reçoit du public et des expositions.
De plus, c’est un FabLab Santé donc on peut faire des Playtests avec eux ou dans les hôpitaux. On y retrouve aussi des addictologues et des cancérologues qui proposent le jeu à tester aux patient s qui veulent arrêter de fumer.
Parlons argent, le jeu est un Free To Play, il y a de micro-paiements, ou achat prenium ?
Le jeu est payant pour les adultes et gratuit pour les enfants. Il va coûter environ cinq euros, en tout cas moins qu’un paquet de clopes. Pas de monnaie virtuelle, toutes les récompenses sont par le jeu. Les activités font gagner de l’or, ce qui permet d’acheter des cadeaux et d’améliorer les activités. L’adulte doit être volontaire et c’est une première démarche de payer. L’objectif est que les enfants envoient des messages et qu’ils soient les coachs des adultes.
Le jeu, en lui-même, vous parliez de « pet game » genre Tamagochi ?
On a laissé de côté le genre Tamagochi pour se concentrer sur le fait d’arrêter de fumer. On en prend soin dans le sens on l’occupe. On verra pour une V.2 si on en met plus. Ce n’est pas vraiment pertinent pour arrêter de fumer. Plus tu mets de trucs pour compliquer, plus c’est la croix et la bannière pour jouer. Et il faut tout reconnecter au game design et rééquilibrer.
Et quel est le contenu alors ?
C’est une succession d’activités pour occuper le chat. Elles se déclenchent pendant les périodes de craving donc quand on a le plus envie de fumer. Plus on réussit et plus les activités s’espacent. L’idée c’est de caler les activités sur ces périodes-là. Il y a des mini-jeux comme des tapis de course, du yoga, le tape-taupe (avec des crabes), une montgolfière, etc. Il faut que ce soit court et relaxant. Ce sont des jeux qui durent la période d’un craving, pendant 3-4 minutes.
Les activités sont en couleur, quand elles sont débloquées au fur et à mesure.
Dans le menu, on trouve aussi les victoires, les succès, les cigarettes économisées, les craquages, etc…
Les objectifs sont-ils paramétrés selon les habitudes des joueurs ?
Au début il répond à des questions sur sa consommation, le nombre de cigarettes par jour, l’âge du joueur, depuis combien de temps il fume, etc.. Puis il fait un test de dépendance. Ça va permettre de déterminer si tu es très, moyennement ou peu dépendant.
En fonction de ça, les paramètres vont changer.
Et si je craque ?
Le joueur appuie sur « Je craque « . On lui demande s’il est sur avec des messages comme « C’est dommage après tous ses efforts ». Puis il doit remplir un questionnaire pour comprendre pourquoi il a craque. S’il répond, il retourne en arrière d’un jour. S’il ne répond pas, il retourne en arrière de deux jours. L’idée c’est de ne pas trop punir pour ne pas décourager.
J’ai lu qu’il y a avait une récompense au bout d’un certain temps ?
Au bout de 222 jours, il y a une récompense…Mais c’est une surprise.
Et il y a des paliers où vous êtes sadiques à ce point ?
Il y a des paliers de seuils psychologiques avec des félicitations et des récompenses. Et il y a les évènements à Noël, Pâques, avec des bonus.
Pour finir, petit hors sujet, ton pire et ton meilleur souvenir ?
[bip] C’est compliqué comme question, ça ! Mon pire souvenir, c’est quand ma [bip] de télé, la prise péritél qui ne marchait pas très bien. Je mettais un grand coup sur la télé et hop l’image revenait. Sinon je devais la triturer pendant des heures et la scotcher. Ça me rendait dingue. Et une fois que ça marchait, ma mère m’appelait pour passer à table. Et je devenais complètement fou.
Alors, j’ai deux meilleurs souvenirs, c’est quand j’ai joué la première fois à Zelda sur NES, j’ai vraiment accroché. J’appelais ma tante pour m’aider. Et là j’ai compris le Flow, tu restes bloqué et tu trouves en cherchant bien. Et il y a Mario Kart 4 à quatre sur Nintendo 64.. J’étais étudiant à Lille et on se retrouvait pour jouer à Mario Kart toute la nuit. Avec des bières, c’était très très drôle.
Merci à Pierre Alain Gagne pour cette longue interview et sa patience (il aura économisé une cigarette)