La scène indépendante est si riche qu’il est tout simplement impossible de suivre effréné des sorties. Même en essayant de garder un œil sur les nouveautés, il n’est pas rare que l’on passe à côté de petits bijoux, même si cela impose parfois de se plonger dans l’esprit des développeurs. Les titres indés ne répondent pas aux codes habituels des blockbusters grand public et certaines œuvres d’auteur ont de quoi interloquer. Ensuite, c’est quitte ou double : soit on comprend et on s’imprègne du message et de l’expérience, soit on passe complètement à côté. Et je dois bien l’avouer : Season m’a déstabilisé, au point où je me suis dit, à un moment, que ce n’était tout simplement pas un jeu pour moi. Et c’est probablement le cas.
Pour commencer, on va tout de suite évincer ce qui représente, à mon sens, l’un des plus gros défauts du jeu. Le choix des dialogues lents et monocordes à beau être assumé par le studio, cela m’a totalement sorti de l’expérience ! En écoutant les premières phrases au délicieux accent québécois, j’ai eu la désagréable sensation d’être en présence de doubleurs lisant un texte sans faire transparaître la moindre émotion. Même si l’univers est poétique et que l’expérience est contemplative, ce n’est juste pas possible de proposer un rythme aussi mou ! Par moments, j’avais la sensation de me faire raconter une histoire… par un assistant vocal ! On parle quand même d’une jeune adulte qui décide de quitter le foyer familial pour toujours, laissant sa mère dans son village perdu, pour suivre les traces d’un père qui a toujours voulu découvrir le monde. Et pourtant…
Mémoires d’hier
Estelle ne peut plus attendre. Après qu’un de ses amis ait fait un rêve prophétique, elle a décidé de quitter sa terre natale pour profiter de la saison avant que celle-ci ne se termine. Dans Season, les saisons correspondent à des périodes ayant été marquées par des évènements divers et pas très joyeux. Guerre, société en perdition, rébellion, maladie… le tableau dépeint par le titre de Scavengers (qui, pour le coup, changent totalement de braquet après le battle royale Darwin Project) n’est vraiment pas reluisant. Mais, par chance, la saison vécue par Estelle est d’un calme plat et cette paix se matérialise au travers d’environnements colorés de toute beauté. Sentant que cela ne va pas durer (le rêve de son ami n’annonçant rien de bon), la demoiselle s’échappe de son quotidien. Mélancolique et basé sur le concept de la mémoire et de la transmission, Season est une expérience posée qui se résume à évoluer dans des décors en essayant de reconstituer le puzzle des événements du passé. Interaction avec des objets, photographie d’affiches ou d’éléments divers, enregistrement audio… chaque élément peut être ensuite consigné dans un carnet personnalisable. Les séquences en bicyclette permettent, en parallèle, de profiter de panoramas absolument superbes. Season est un jeu à la direction artistique léchée et le talent des graphistes est indéniable, mais il est plus que nécessaire, à mon avis, de le faire au bon moment. Privilégiez un moment calme, le soir de préférence, pour vous plonger dans la chaleur de ses couleurs et le calme de son récit.
Balade onirique
Season apparaît ainsi comme une balade contemplative de six heures qui ne pourra que diviser. Si vous accrochez à ce type d’expériences, l’histoire d’Estelle pourra vous interpeller, mais il faut avouer qu’il n’est clairement pas fait pour tout le monde (et certains n’hésiteront pas à trouver prétentieux). Personnellement, j’accroche aux œuvres de Quantic Dream et aux jeux d’auteur en général (Ico, Shadow of the Colossus, Journey…). Là, si le titre m’a immédiatement charmé visuellement, j’ai malheureusement eu un mal fou à entrer dans cette histoire. Outre les dialogues lancinants, le manque de rythme et l’aspect répétitif de la quête initiatique d’Estelle ont fait que je ne me suis pas imprégné de l’ambiance sur le moment. Il faudra peut-être que je le refasse à un autre moment. C’est d’autant plus vrai que Season affiche un soin évident (quelques problèmes techniques, mais l’utilisation de la DualSense sur PS5 est réussie).
ONIRIQUE
Impossible de noter Season sur un plan purement numérique. Le jeu de Scavengers est une expérience si unique qu’elle ne peut convenir à tout le monde. En dépit de procédés narratifs intéressants et de phases en bicyclette absolument superbes, le récit de la jeune Estelle a tout de la carte postale interactive, mais qui peine à trouver une direction claire. C’est l’impression que j’en ai sur le moment, mais elle pourrait changer si je refais le jeu dans quelques mois. Season fait partie de cette catégorie de titres aussi séduisants que déstabilisants. J’ai essayé, mais je suis passé à côté de l’expérience. Cela n’enlève en rien la qualité de cette œuvre et les différents tests que l’on peut trouver sur le web le démontrent.
Points positifs :
Graphismes enchanteurs
L’écriture et le récit d’Estelle
Les passages à bicyclette
Les différentes interactions
Points négatifs :
(Très) lent et répétitif
Les doublages sans rythme
Soucis techniques (ralentissements, clipping, textures qui clignotent…)
Une expérience assumée, mais qui ne plaira pas à tous
Éditeur : Scavengers Studio / Développeur : Scavengers Studio / Genre : Jeu contemplatif / Date de sortie : 31 janvier 2023 / Supports : PS5, PS4, PC