Imaginez une croisière. Alors que le navire est en pleine mer, une épidémie se propage à bord et transforme le voyage de milliers de voyageurs en cauchemar. Non, ce n’est pas une adaptation de la pandémie actuelle du Covid-19 mais bel et bien le scénario initialement pensé pour Resident Evil troisième du nom. Ambitieux, le projet a finalement été abandonné car Capcom s’est aperçu que le développement n’aurait pas été terminé à temps sur PlayStation, alors que Sony commençait à communiquer sur la PlayStation 2. Toute cette réflexion a finalement abouti à un épisode canonique suivant la chronologie de la série et s’appuyant sur les mêmes techniques visuelles (plans fixes, mélange 2D/3D). Bien que très bien accueilli à l’époque, le jeu n’a pas convaincu tous les fans, la faute à une orientation plus nerveuse (plus d’action, apparition de l’esquive), des nouveautés en filigranne et un scénario anémique. Fidèle à sa philosophie, Capcom propose aujourd’hui le remake de cette aventure haletante, notamment marquée par le Nemesis, un ennemi spectaculaire inspiré du T-1000 de Terminator 2.
C’est surprenant mais le jeu débute par une séquence en vue subjective. Alors que la pluie s’abat sur la ville, on se réveille dans une chambre sombre, simplement éclairée par la lumière d’une lampe de chevet. En s’approchant de la commode sur laquelle se dresse une chaîne-hifi, un craquement se fait entendre et un éclair zèbre la pièce. Le pas méfiant, on se rapproche de la salle de bain, d’où s’extirpe les néons de la ville, en se dirigeant vers le miroir. Alors que le visage de Jill se dessine, sa respiration s’intensifie à mesure que se craquèle sa peau. Resident Evil 3 dissémine petit à petit ses intentions et on comprend, très vite, que notre bourreau ne va pas nous lâcher. Les cinq premières minutes du titre de Capcom sont très intenses, oscillant entre cinématiques exploitant le moteur du jeu et phases de gameplay. Évidemment, l’ensemble est scripté mais, au moins, les développeurs montrent la voie d’une œuvre qui assume ses choix décomplexés.
Plus vraie que nature
Lorsque Jill parvient à rejoindre la rue, elle découvre une ville dévastée, envahie par les habitants zombifiés et en proie aux flammes. La nuit de notre chère héroïne s’apprête à être sérieusement bouleversée… Resident Evil 3 reste très classique dans sa progression (vue à la troisième personne, caméra à l’épaule, action teintée de timides énigmes, etc.) et mise beaucoup sur son aspect cinématographique. Ce qui est plutôt logique car on devine assez vite les ficelles de cet épisode, entre les évènements scriptés, les jump scares et l’impression d’évoluer dans un couloir avec des éléments (bus, voitures, décombres…) qui font office de barrières. Et pourtant, en tout cas en ce qui concerne votre serviteur, ça a fonctionné à plein régime grâce à sa réalisation exceptionnelle et le plaisir de retrouver l’inventaire si caractéristique de la série, avec la gestion des armes, les combinaisons d’objets (les plantes, la poudre pour créer des munitions) ou des sauvegardes via la machine à écrire. Resident Evil 3 ne renie pas (toutes) ses origines et c’est tant mieux ! Mais il n’est pas pour autant un copier-coller du jeu de base. Concrètement, Resident Evil 3 est intense mais… sans surprises. Il y a tout un pan du jeu original (le beffroi notamment) qui a disparu, Capcom ayant misé à la place sur un combat de boss inédit. L’éditeur a aussi fait une tambouille des séquences originelles et on a parfois tendance à s’y perdre si on se remémore la construction de la mouture 32-bits. On a donc clairement un déséquilibre des évènements (certaines phases sont bien moins inspirées que d’autres) et on a l’impression que le jeu tangue entre le remake parfaitement fidèle et la relecture. Mais cela n’empêche pas ce Resident Evil 3 d’être un très bon titre et c’est ce que l’on retient des 5/6 heures qui composent cette lutte contre le Nemesis.
Quel bel écrin
Là où le jeu de Capcom est redoutable, c’est dans son ambiance visuelle et son sound design. Visuellement, en plus d’être hyper varié, l’ensemble tue la tronche ! Les personnages sont très réussis, les effets spéciaux sont remarquables et le travail sur les ombres et la lumière est impressionnant. Bien sûr, on peut trouver à redire sur certaines textures mais la ville de Racoon City est si fouillée qu’elle nous garde constamment en éveil. Les environnements ont été calqués sur l’original et on retrouve, sans mal, les lieux que l’on a parcouru en 1999 à la sortie de la version PlayStation. Franchement, ça déboite ! Et on ne parle même pas des animations faciales qui sont criantes de vérité. Cela fait un petit moment que les programmeurs de Capcom ont le nez dans le RE Engine et cet épisode est là pour le prouver. Pour ne rien gâcher, les voix et les thèmes musicaux sont à la hauteur des différents chapitres. Les doubleurs français, dans leur intonation et leur capacité à adapter leur performance (selon que le personnage marche, fuit, etc.), sont excellents ! Resident Evil 3, à défaut d’être parfait, est un remake réussi. Il aurait mérité à être plus long mais les joueurs chagrinés pourront se rabattre sur le mode multijoueur.
Guet-apens
Resident Evil 3 propose en effet, en complément de l’aventure principale, un mode multijoueur asymétrique en 4 contre 1. Sur PC, la version testée ici, le mode est à télécharger en parallèle sur Steam. Le but est assez simple, une équipe de quatre survivants doit résister aux vagues de zombies alors que le Mastermind – le maître du jeu – doit tout pour faire pour les en empêcher. L’escouade doit ainsi parvenir à accomplir différents défis (trouver des objets, affronter un ennemi puissant, détruire des cuves, etc.) tandis que le Mastermind – qui n’est autre qu’un membre d’Umbrella, utilise des cartes permettant d’invoquer des créatures ou d’installer des pièges. Et c’est clairement dans cette position, très stratégique, que le mode gagne en intérêt. En effet, le Mastermind doit veiller à son énergie qui baisse à chaque utilisation de carte et il est donc indispensable de réfléchir à chacun de ses actes. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de la troupaille composée des quatre survivants. Interface, visibilité, manque de compétences spéciales et d’objectifs… cette position n’est pas passionnante. La coopération demeure assez complexe à mettre en œuvre et il faut avouer que le level design, allié au manque flagrant de maps (seulement 4 !) n’aide pas. En clair, il y a du potentiel mais l’ensemble manque de consistance (avec du pay-to-win dont il aurait pu se passer) et souffre d’une différence visuelle flagrante avec le solo.
VERDICT DU RÉDACTEUR : BON
Resident Evil 3 est une baffe, solo et vite expédiée, mais qui n’en demeure pas moins une claque. Mais que l’on ne s’y trompe pas, il reste moins dense que le remake de Resident Evil 2 et souffre de quelques passages à vide. C’est tout de même une aventure haletante, portée par un Nemesis spectaculaire et une réalisation à en décrocher la mâchoire. Par conséquent, on ne peut que regretter cette durée de vie minimale et l’absence d’une replay value. Le multijoueur, plein de bonnes intentions, manque le coche à cause d’un intérêt à deux vitesses. Mais rien que d’imaginer un remake de cette qualité pour Resident Evil : Code Veronica, on en salive déjà. Alors mesdames et messieurs de Capcom, entendez notre appel.
Points forts :
Une bonne grosse tarte graphique
La qualité du son et des voix
Un rythme fou
Points faibles :
Des passages moins inspirés
Un multi prometteur mais défaillant
Plusieurs séquences totalement supprimées
Éditeur : Capcom – Développeur : Capcom – Genre : Action/Survival Horror – Date de sortie : 3 avril 2020 – Plateforme : PS4, Xbox One, PC