Voici une nouvelle rubrique qui vous présente un portrait original d’auteurs qui concourent à la diffusion ou la création du patrimoine vidéoludique.
Ce projet est le résultat de très belles rencontres avec des « personnalités fortes » passionnées de jeux-vidéo.
Le Portrait chinois se dresse en répondant aux questions « Si j’étais un… Je serai… »
Si j’étais un animal,
je serais probablement un gros truc en voie de disparition, c’est un peu l’impression qu’on a quand on est idéaliste ou romantique, que tout le monde est trop occupé par le monde qui bouge vite, par la réalité des choses immédiates plutôt que par leur nature. Peut être un tigre, ça serait pas plus mal qu’il y en ait quelques uns en plus, il n’en reste qu’une poignée vivant dans la nature et je ne voudrais pas que mes enfants naissent dans un monde où il n’y a plus de tigres ce sont des animaux si beaux…
Si j’étais une plante,
j’aimerais être la forêt de Pando aux états unis. On dirait une forêt mais en fait c’est un seul arbre avec un réseau de racines titanesque. Environ 47000 arbres génétiquement identiques et pourtant si différents les uns des autres, 6000 tonnes d’arbres probablement vieux de 80000 ans, apparemment si différents comme une forêt normale mais au fond tous connectés je trouve que c’est une belle image de l’humanité.
Si j’étais une saison,
ce serait le printemps et ses teintes vert clair, toujours incomplet, toujours changeant, un peu trop jeune et crétin pour avoir la maturité de l’été ou le froid de l’hiver, ça m’irait bien d’être une demi -saison.
Si j’étais une œuvre d’art,
je pense que je serais The Tenth Sentiment de Ryota Kuwakubo, une installation qui m’a bouleversé. Je m’y identifie peut être parce qu’elle donne à voir qu’avec quelques jouets on peut faire des merveilles, finalement c’est un peu ça mon travail dans le jeu vidéo.
Si j’étais une invention,
j’aimerais bien être celle du jeu, le moment où quelqu’un a décidé qu’on allait faire des règles et consciemment arrêter d’obéir à la réalité pour un temps donné. Evidemment, le jeu est un produit du cerveau limbique qui existe déjà chez les animaux donc ça n’est pas vraiment une invention, c’est plutôt une redécouverte… Mais après tout, toutes les inventions ne le sont-elles pas ?
Si j’étais un continent,
je porterais des couches. Et sinon ça serait l’Europe, c’est le continent que j’aimerais être, bouffis de ruelles, creusé d’histoire et pas foutu de penser droit.
Si j’étais un poème,
ce serait La Conscience de Victor Hugo, je parle toujours trop, je ne peux pas faire une connerie et pas le regretter après pendant des mois et j’aime les mythes antiques.
Si j’étais un jeu,
ça serait Hanabi, un jeu de cartes où on doit compter sur les autres, où on est finalement tous ensemble et que le regard des autres nous fait avancer.
Un verbe :
Faire. La musique donne à entendre et la peinture donne à voir mais le jeu donne à faire. C’est ce qui m’a attiré vers ce média quand à l’école tu n’es qu’un parmi les autres, que tu ne comptes finalement pas beaucoup, le fait de pouvoir faire, de pouvoir prendre les choses en main. Vivre et le célébrer, c’est ça jouer, c’est être en vie. J’aime faire, peindre, sculpter, modeler ou écrire avec mes mains, j’aime voir le résultat me quitter quand j’offre un dessin et qu’il ne m’en reste finalement que le souvenir et le plaisir d’avoir fait.
Si j’étais un héros,
ça c’est plus dur, je n’aime pas les héros grecs qui font tout le temps des trucs complètement crétins et qui se font taper dessus par les Dieux, je n’aime pas les héros japonais modernes qui représentent le fantasme du nobody qui réussi parce qu’il a été choisi, je serais peut être l’héroïne de Gone Home Kaitlin Greenbriar qui cherche surtout à comprendre et dont l’héroïsme se passe entre les 4 murs de sa maison.
Si j’étais une musique,
je voudrais être heureuse, être chantée dans une belle langue parce que c’est beau la langue… Tiens je serais Qongqothwane de Myriam Makeba, c’est une chanson de mariage d’Afrique du Sud et ça m’irait bien d’être une chanson qui rappelle aux gens que la culture humaine c’est pas QUE la culture Européo-Américaine.