Depuis des décennies, l’univers de la mafia, avec ses codes et ses principes, intrigue et inspire. Du septième art au jeu vidéo, nombreuses sont les œuvres à s’être intéressées à ces organisations criminelles aux ramifications diverses. Tout le monde a gardé à l’esprit les séquences cultes du film Le Parrain de Francis Ford Coppola, campé par des acteurs au sommet de leur art. Dans l’univers numérique, cette thématique a été également maintes fois traitée et c’est aujourd’hui le bien-nommée Mafia qui revient avec une édition remastérisée du premier épisode. Un véritable film interactif, passionnant et viscéral qui nous a tout simplement scotchés.
Années 30, Lost Heaven. En pleine période de prohibition, le peuple survit tant bien que mal après le krach boursier de 1929. L’emploi se fait rare, la corruption est à chaque coin de rue et les trafics de toute nature gangrènent la métropole. Thomas Angelo est un chauffeur de taxi qui ne comptent pas ses heures pour joindre les deux bouts en ces temps de Grande Dépression. Célibataire sans enfant, il tente, comme tant d’Américains frappés par la crise, de maintenir un certain niveau de vie. Et puis, un soir, tout bascule…
Wrong time at the wrong place
Alors qu’il termine sa tournée, l’homme est alpagué par deux individus qui lui ordonnent, sous la menace, de prendre le volant pour échapper à des hommes armés. Lors de cette séquence, le joueur fait connaissance de Paulie et Sam, deux figures notoires du jeu. Le duo – au tempérament bien différent – travaille pour le compte de Don Salieri, le parrain de la famille éponyme. Au terme d’une course-poursuite haletante dans les rues de Lost Heaven, le bon vieux Tommy parvient à semer les poursuivants et déposent ses passagers, dont l’un est amoché, à un bar servant de Q.G à tout ce petit monde. Après avoir ramassé un beau pactole en guise de remerciements, Tommy Angelo rentre chez lui en se disant que cette parenthèse enchantée (bien que mouvementée) est une belle revanche sur les évènements sociaux du moment. C’était sans compter sur les hommes de la famille rivale, les Morello…
Hangar 13, le studio en charge du développement, a su profiter du matériau d’origine de 2002 pour livrer une œuvre incroyablement vivante et immersive. Un simple coup d’œil à l’introduction du jeu suffit d’ailleurs à donner le Don… pardon, le ton. Via un travelling cinématographique, la caméra nous offre les panoramas extraordinaires de Lost Heaven. La métropole, qui est un mélange de New York et San Francisco, propose plusieurs quartiers aux architectures diverses ainsi qu’une zone rurale menant à l’aéroport. Portée par une musique fabuleuse, cette intro en dit long sur l’aventure qui nous attend.
Deux places pour un prétendant
Raconté sous la forme d’un long-métrage interactif, Mafia Definitive Edition tire les ficelles des jeux à la Grand Theft Auto. Entre deux séquences relatant le fil de l’histoire, le jeu convie le joueur à des phases de gameplay oscillant entre de l’exploration, de l’infiltration, des courses-poursuite ou encore des gunfights à la troisième personne. L’ensemble est plutôt classique mais les développeurs de Novato ont veillé à optimiser les modèles physiques de l’original. La conduite tout comme les séquences de gunfights sont mieux calibrées. Les combats à mains nues sont, eux aussi, intéressants mais manquent de variété. Il suffit en effet de frapper son vis-à-vis à plusieurs reprises et ensuite appuyer sur un simple bouton pour déclencher un finish move. On aurait aimé qu’il y ait plus de variations dans les enchaînements. Par moments, Mafia accuse son ancienneté en termes de mécaniques et ces tares sont encore plus marquantes pour l’intelligence artificielle. Jamais très fûtée, souvent étrange, elle est assurément l’aspect qui aurait le plus besoin d’un patch. De là à dire que ça entache l’expérience ? Pas vraiment. On est plus que jamais embarqué dans la même galère que Tommy et les missions parviennent suffisamment à se renouveler pour ne pas tomber dans une redondance qui fasse lâcher la manette. L’histoire a d’ailleurs cette bonne idée de ne pas s’étirer en longueur, si bien que les évènements s’enchaînent assez vite et qu’on subit de plein fouet l’ascenseur émotionnel vécu par le personnage principal. Il y a aussi plein de bonnes idées, comme le fait d’activer le limitateur de vitesse pour traverser la cité sans encombre. On apprécie aussi la vitesse de certains véhicules alors qu’on aurait pu craindre un côté un peu trop « dominical » au vu de l’époque. Certaines personnes regretteront que les missions secondaires et activités annexes ne vont pas plus loin mais cela montre une autre réalité qui participe à l’immersion : les développeurs ont eu le temps de peaufiner leur aventure, de prendre au sérieux les différents doublages et de pousser la refonte à son paroxysme. Et ça change tout !
Scarface
Mafia Definitive Edition affiche une plastique de toute beauté. Au-delà de l’évolution purement technique, c’est tout simplement impossible de revenir à l’original. Lost Heaven est beaucoup plus vivante et parvient à reproduire les « fourmilières citadines » de ces années-là. La qualité des visages et de la synchronisation labiale apporte beaucoup au récit et il est difficile de décrocher, surtout quand on parcourt la ville, de nuit, illuminée de tous ses néons. Là où le jeu fait très, mais alors très fort, c’est dans ses doublages en français. Excellents en V.O, ils le sont tout autant dans la langue de Molière. On sent que les acteurs ont véritablement pris du plaisir à camper leur personnage. Au casting, on retrouve Alexis Ballesteros, Thibault Belfodil, Jim Redler, François Hatt, Garance Thénault (actrice de talent que les amateurs de jeux vidéo connaissent sans doute car elle a été animatrice sur Jeux Actu il y a plusieurs années de cela), Vincent Violette, Jérémie Covillault, Matthieu Albertini ou encore Xavier Fagnon. On ne va pas faire l’étalage de leur carrière mais il suffit de s’intéresser à chaque nom pour comprendre qu’on se trouve dans la cour des grands. Et inévitablement, cela fait passer le jeu dans une autre dimension. Couplés aux graphismes de toute beauté et aux expressions faciales criantes de réalisme, ces doublages apportent une crédibilité unique à une histoire de mafia qui accroche au fauteuil. C’est d’autant plus marquant lors de certaines séquences, notamment lors des briefings de Don Salieri.
Proposé à moins de quarante euros, Mafia Definitive Edition est une formidable plongée dans l’Amérique des années 30, à une époque marquée par des personnages aussi célèbres que John Dillinger et, bien sûr, d’Al Capone, même si la période traitée est plutôt celle de sa fin de règne. Quoi qu’il en soit, vous ne sortirez pas indemnes de l’incroyable destinée de Tommy Angelo.
VERDICT DU RÉDACTEUR : EXCEPTIONNEL
Un coup de cœur, un véritable coup de cœur ! Mafia décoche une droite et cloue au fauteuil, un peu comme les pauvres débiteurs de Salieri devant se farcir la furie de Paulie. Si certains défauts persistent (I.A, clipping sur certains décors, gameplay assez conventionnel…), le titre du studio Hangar 13 est si prenant qu’on oublie vite tous ces petits désagréments. Le travail sur la narration et la mise en scène est dantesque et l’ensemble, vendu à petit prix, mérite vraiment de figurer dans votre ludothèque.
Points forts :
- V.F absolument géniale
- Visuellement superbe
- Des missions bien amenées et intéressantes
- Une ville superbement reproduite
- Musiques très réussies
- Durée de vie très correcte
- Son prix accessible
Points faibles :
- L’IA pas très fûtée
- Un peu de clipping dans certains coins de la ville
- Des bugs peuvent apparaître durant l’aventure
- Quelques imprécisions
Éditeur : 2K Games – Développeur : Hangar 13 – Genre : Aventure/Action – Date de sortie : 25 septembre 2020 – Plate-formes : PS4, Xbox One, PC