« Steve Jobs était totalement à la hauteur de son mythe. Il réunissait deux points de vues rarissimes chez une même personne : une vision d’artiste sans concession, à la Michel Ange, et une vision d’entrepreneur doté d’une immense envie de marquer son temps. On ne peut pas vraiment le comparer à une rock star, davantage à une personne qui imprime un changement majeur sur son époque. »Daniel Ichbiah – 21 Janvier 2016
Voici un extrait du best seller, en exclusivité, pour les dix ans de l’annonce de l’iPhone.
Extrait du chapitre 15 – iPhone mania
Pourtant, vers la mi-avril 2007, Jobs réunit plusieurs de ses hauts cadres en urgence. Voilà plusieurs semaines qu’il se ballade avec un prototype d’iPhone dans la poche et il n’est vraiment pas heureux du résultat.
Faisant tourner l’appareil sous divers angles, il montre à tous les petites rayures qui se sont accumulées sur l’écran de plastique. Il sort alors des clés de son jean.
« Les gens porteront ce téléphone dans leur poche » , clame Jobs. Et les gens transportent aussi des clés dans leur poche. Il n’est pas question que je vende un produit qui puisse accueillir des rayures.
La seule solution serait d’utiliser du verre anti-rayures explique alors un cadre, impliquant que cette voie a déjà été envisagée, mais qu’il n’y a pas été donné suite.
« Et bien, je veux un écran de verre et je veux qu’il soit parfait d’ici six semaines ! »
Apple a envisagé de faire appel à une entreprise américaine, Corning Inc, afin qu’elle puisse manufacturer le cas échéant les panneaux de verre nécessaires pour l’iPhone. Et les ingénieurs maison ont testé diverses méthodes de découpage du verre et pensent avoir trouvé la formule adéquate. Seulement voilà, il manque un élément essentiel : l’usine qui serait en mesure de découper ces panneaux en millions d’écrans pour l’iPhone n’existe pas en Amérique. Si Apple devait la construire, le coût serait titanesque.
Or, une entreprise chinoise a fait savoir à Apple qu’elle pourrait relever le défi. Ayant bénéficié d’aides du gouvernement, elle se propose de mettre sa compétence à la disposition de l’iPhone. Elle a même prévu des dortoirs pour ses employés afin qu’il soit possible de travailler 24 heures par jour.
Dès la sortie de cette réunion, l’un des hauts cadres réserve immédiatement un vol pour Shenzen en Chine afin d’aller commander à ladite usine d’astronomiques quantités d’écrans de verre.
La production du verre pour l’iPhone est sous-traitée à Corning Inc dans le Kentucky, mais le découpage lui-même est effectué dans l’usine chinoise. Et l’assemblage de l’iPhone lui-même est réalisé manuellement, à Foxconn City, un complexe chinois de 230 000 employés parfois rémunérés à moins de 17 dollars la journée.
Pour le meilleur ou le pire, Apple peut vérifier sur le tas qu’en faisant appel à de telles industries de l’Empire du Milieu, ce qui doit être accompli est accompli en temps et en heure. C’est Tim Cook, le cadre embauché en 1998 et devenu directeur des opérations en 2005 qui a poussé en ce sens, arguant qu’en Asie, les usines sont en mesure de s’adapter très rapidement à une demande donnée.
Quelques années plus tard, en février 2011, lorsque Barack Obama demandera à Jobs pourquoi cette production n’est pas réalisée aux USA, il se contentera de tourner autour du pot. En dépit de son image cool et de sa référence à des figures comme John Lennon, Gandhi ou Bob Dylan dans la publicité Think Different, Apple fait appel aux mêmes prestataires que des concurrents comme Hewlett-Packard, Amazon, Dell, Samsung ou Sony. Et plusieurs cadres de la société de Cupertino expliqueront ici ou là qu’ils n’avaient pas le choix.
Le 29 juin 2007, l’iPhone qui est mis en vente est doté d’un écran de verre irréprochable. Devant l’Apple Store de San Francisco une queue interminable d’Applemaniacs attend l’ouverture à 18 heures. Certains sont là depuis une journée et ont emporté siège et Thermos. Dès l’ouverture, après un compte à rebours scandé dans l’enthousiasme, les gardes tentent de contenir le raz-de-marée en faisant entrer les fans un à un.
Conformément à la volonté de Steve Jobs, l’appareil a été « bloqué » : il ne fonctionne qu’avec un seul opérateur téléphonique qui en a la licence exclusive, comme AT&T Wireless aux USA – ce sera plus tard Orange en France.
Pourtant, dix jours après le lancement de l’iPhone, la nouvelle tombe : l’appareil a été « jailbreaké ». Dès le 3 juillet, un dénommé ‘DVD Jon’ annonce avoir contourné le système de blocage de l’iPhone. Une semaine plus tard, une équipe de hackers, iPhone Dev-Team, déclare avoir déniché des failles dans le système de l’iPhone (iOS) et l’avoir rendu compatible avec d’autres opérateurs que AT&T Wireless. Un programmeur, Jason Merchant a réussi à percer les mystères de l’iOS et a réalisé un jeu pour les iPhones ‘jailbreakés’, le tout premier du genre. Ce jeu est une farce : il consiste à tirer sur le Zune, l’appareil lancé par Microsoft pour concurrencer l’iPod !
De passage en Chine quelques jours plus tard, l’éditeur Bart Decrem découvre un autre phénomène : un grand nombre de Chinois possèdent déjà des iPhones. Et là encore, l’iPhone a été ‘jailbreaké’ afin de fonctionner sur le réseau 3G de l’opérateur chinois Unicom. Dans la foulée, quelques apps ‘pirates’ ont commencé à apparaître.
Un commerce a même pris forme. Certains Américains font la queue devant les Apple Store des heures durant afin d’acquérir des centaines d’iPhone. Ils se rendent ensuite à Shanghai pour les écouler à un prix surmultiplié !
Très vite, les ventes de l’iPhone établissent un record en matière de téléphone mobile. Il devient le plus gros succès de toute l’histoire d’Apple et va bientôt représenter la moitié des revenus maison. Un nouvel appareil mythique est né et l’aura de son fondateur n’en ressort que renforcée.
Au cours de l’été 2007, Apple déclare un bénéfice record de 818 millions de dollars. Au même moment, Dell, qui détient 30 % du marché américain et vend plus de cinq fois plus d’ordinateurs qu’Apple, n’enregistre que 2,8 millions de profit ! Le temps où Michael Dell se gaussait de ce constructeur qui ferait mieux de rendre l’argent aux actionnaires est bien loin…
Au niveau du ‘jailbreak’ de l’iPhone, un tournant se produit durant le mois d’août. Un jeune garçon de 17 ans aux cheveux touffus, George Hotz, s’est rendu dans une boutique Apple afin d’acheter un iPhone. De retour à son domicile, il a eu la contrariété de constater que son nouveau téléphone était incompatible avec le réseau T Mobile auquel il était abonné. Ravalant son amertume, Hotz s’est mis en tête de dépecer son iPhone afin d’en cerner les moindres secrets. Au bout de cinq cents heures de ce loisir estival, il est parvenu à ses fins. Hotz a alors décidé de rendre ses trouvailles publiques. Il propose un logiciel qui rend l’iPhone compatible avec n’importe quelle carte SIM.
Du jour au lendemain, Hotz devient une star sur certains forums Apple – il reçoit aussi une offre de stage de la part de Google !
Une fois que Hotz a rendu publiques les entrailles de l’iPhone, des applications destinées aux iPhones ‘jailbreakés’ apparaissent spontanément les unes après les autres.
Steve Jobs, qui a toujours souhaité demeurer maître des moindres aspects des produits Apple, est pris de court. La firme à la Pomme réagit avec véhémence. En septembre, une mise à jour du système, la iOS 1.1.1 est publiée. Une fois qu’ils l’ont téléchargée, les utilisateurs découvrent que toutes les applications « jailbreakées » sont supprimées purement et simplement. Et ceux qui ont débloqué leur téléphone afin de pouvoir accéder à d’autres opérateurs que AT&T se retrouvent avec un téléphone qui ne fonctionne plus !
Un jeu du chat et de la souris démarre alors : le 10 octobre 2007, iPhone Dev-Team trouve la parade à l’iOS 1.1.1 : jailbreakme.com. Apple réplique avec une nouvelle version de l’iOS qui bloque les appareils débloqués avec jailbreakme.com. Puis, cette version est à nouveau contournée par les hackers…
Dès l’automne 2007, la Chine dispose de son propre App Store qui n’a absolument rien d’officiel.
« Près de la moitié des applications sur l’iPhone ‘jailbreaké’ se vendaient en Chine depuis des serveurs pirates. En décembre 2007, on y trouvait au moins cinq cents applications ! », affirme Bart Decrem.
Aux USA, un flibustier du nom de Shaun Erickson ouvre un site d’applications destinées aux iPhone ‘jailbreakés’ et la tendance se confirme.
Pour Apple, la situation devient intenable : l’appareil prodige qui vient d’être lancé échappe à tout contrôle ! Or, Steve Jobs, esthète dans l’âme, est soucieux de garantir une qualité irréprochable pour les applications de l’iPhone. En coulisse, Apple laisse entendre qu’un kit de développement officiel va voir le jour avec pour pendant, une boutique en ligne analogue à iTunes, l’App Store.
Le grand tournant est opéré en mars 2008. Apple propose enfin son kit de développement officiel pour les apps de l’iPhone. De nombreux développeurs qui s’étaient rendus populaires avec des apps fonctionnant sur les iPhones jailbreakés rentrent dans le rang. L’une de ces apps est un logiciel musical, Tap Tap Revolution écrite par un dénommé Nate True, qui une fois réécrit devient Tap Tap Revenge.
Le 10 juillet 2008, l’histoire de l’iPhone prend un nouveau tournant avec l’ouverture de l’App Store. Cinq cents applications apparaissent et pour le commun des utilisateurs, elles semblent surgir de nulle part. Outre la qualité de ces logiciels téléchargeables directement depuis l’iPhone, la surprise vient de ce qu’ils sont proposés avec des prix souvent inférieurs à un euro.
À présent, c’est avec ces applications que l’Iphone veut faire la différence. Si des milliers de logiciels existent déjà sur la plate-forme concurrente, Windows Mobile, le succès de ces téléphones n’a pas été massif : on ne compte que 18 millions d’appareils en circulation pour un système apparu en 2003.
60 millions d’apps iPhone sont acquises en un mois, avec quelques beaux succès : 1 million de Facebook sont téléchargés en un jour alors qu’il a fallu six mois à Blackberry pour atteindre le même résultat.
Du jour au lendemain, l’iPhone bouleverse la donne en matière de jeux vidéo. Les deux stars du moment, la Nintendo DS et la Sony PSP, subissent une attaque frontale et déstabilisante. Le possesseur d’une de ces consoles de poche qui veut acquérir un jeu, doit se rendre dans une boutique et débourser de 30 à 40 euros ! Sur le téléphone d’Apple, un jeu vidéo peut être téléchargé en quelques secondes et il coûte généralement moins de 5 euros. Un grand nombre d’apps – c’est le cas de Tap Tap Revenge – peuvent même être téléchargées gratuitement, étant financées par des annonces publicitaires. Un porte-parole des éditeurs de jeu vidéo français dira d’ailleurs qu’avec ce nouveau modèle, Apple a mis en péril le système de revenus des studios de développement. Il reste que John Carmack, co-auteur du best-seller Doom apporte une crédibilité au téléphone d’Apple en déclarant que selon lui, l’iPhone serait plus puissant qu’une Nintendo DS et une Sony PSP réunies.
Si, durant le premier mois de l’App Store, la plupart des téléchargements concernent des logiciels gratuits, Apple engrange tout de même 30 millions de dollars – le constructeur prélève aux éditeurs d’applications 30 % du prix de vente.
Le véritable hit de l’iPhone n’apparaîtra qu’une année plus tard : le jeu Angry Birds du studio finlandais Rovio va achever d’asseoir la réputation de l’iPhone comme plate-forme de jeux vidéo – avec plus de 12 millions de téléchargement sur l’App Store en 2010.
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