Il était une fois un poulpe qui décida de se rebeller contre ses confrères pour sauver les humains. Il s’appelait Mr Tako, et ses crachats paralysaient tous les ennemis sur son chemin. Pas comme les autres, aussi mignon que Kirby et téméraire que Link, ses aventures l’emmèneraient vers de nombreux horizons.
Pour fêter les 25 ans de la Game Boy, Christophe Galati, développeur indépendant français a sorti une démo jouable de Save Me Mr Tako (Tasukete Sako-San). Un hommage qui ne manque pas de clins d’œil et d’humour à cette console qui a marqué toute une génération de joueurs.
Pour en savoir plus, le papa de Tako-San a accepté de répondre à mes nombreuses questions sur l’univers, le gameplay, la création de son jeu, son amour pour le Japon et les poulpes, etc…
La démo est jouable ici, et voici le teaser de Save Me Mr Tako :
Aurélie Koulpe : Bonjour Mr l’humain. Pourquoi cet amour de mes confrères poulpes ?
Christophe Goulpe : Bonjour ! Je ne sais plus trop comment ça m’est venu. Quand j’ai commencé la création du jeu, je venais de finir d’écrire mon livre. Et je voulais créer quelque chose sur une thématique moins triste. J’allais souvent dans des restaurants Japonais Parisiens pour manger des Takoyaki, plat à base de poulpe que j’ai aimé dès la première bouchée. Ils m’ont surement inspiré.
A.K : Qu’a de particulier ce monsieur Tako et qui doit-il sauver, pourquoi ?
C.G : Mr Tako appartient à un peuple en déclin, qui autrefois régnait sur la terre, mais qui maintenant est supplanté par les humains. Son frère est devenu le chef de l’armée après avoir volé des savoirs humains en armement. Et il lui met une grande pression pour venger l’honneur de son peuple. Mais Tako ne veux pas se battre. Pour lui, les humains ne sont pas foncièrement mauvais comme son frère les lui décrit. Il refuse de se battre contre un ennemi qui lui est inconnu. C’est cette curiosité pour les Hommes qui va le pousser dans sa quête. Son premier acte symbolique est le sauvetage d’une humaine, d’où le titre.
A.K : As-tu un message à donner, ou juste beaucoup d’humour ?
C.G : Merci pour mon humour. Mais oui, j’essaye de glisser des messages dans le jeu. Il n’y a pas vraiment de méchant dans cette histoire, juste des clichés, de la peur et de l’incompréhension entre deux peuples opposés. Si on transpose ça à notre société, on retrouve beaucoup de nos problèmes quotidiens. Un message de tolérance en soi.
A.K : Quelle est l’idée de départ pour développer Tasukete Sako-San ? Quel est ton leitmotiv pour faire le plus bel hommage possible à la Game Boy ?
C.G : Au départ, je voulais faire un jeu qui renverse le cliché des Hentai. Un jeu où ce n’est plus le poulpe qui enlève la jeune fille, mais qui la sauve. L’année dernière était aussi l’année des 25 ans du Game Boy. Et j’avais depuis longtemps envie de m’essayer à ce style. Dans mon idée d’hommage, j’ai essayé de rassembler tout ce que j’adorais dans les jeux de l’époque. Puis de le transposer sur Tako, tout en essayant de lui insuffler une identité, une histoire propre, pour qu’il soit reconnaissable et iconique comme les grands héros Nintendo.
A.K : Es-tu pour le moment fier du résultat ? Pourquoi (les plus et moins) ?
C.G : Je suis déjà très content de l’évolution du projet, mais il y a encore beaucoup à faire. Ce dont je suis le plus fier, c’est le style de Sprite que j’ai pu créer pour les personnages, l’histoire, ainsi que mon système de Chapeau et les musiques du jeu. Je pense avoir réussi à trouver une alchimie qui fonctionne. Je suis moins fier de certains de mes backgrounds, et de ma gestion du Pixel Perfect, mais cela va évoluer. J’apprends beaucoup sur ce projet, j’y fais mes armes, et c’est très enrichissant.
A.K : Peux-tu expliquer quelques références (comme Kirby et Zelda, ..) ? Quel a été ton premier jeu Game Boy, y fais-tu référence ?
C.G : Comme tu le dis, Kirby Dream Land et Zelda Link’s Awakening sont les principales, mais ce ne sont pas les seules. Mario Land 2, les Castlevania GB, Zelda II, Metroid II, et même des jeux plus récents comme Blinding of Isaac font partie de mes références. J’ai commencé le jeu par le mode Runner. Je cherchais donc à y glisser un coté Rogue Like, qui a vu naitre le système de chapeau, mélange entre les pouvoirs de Kirby et ceux d’Isaac. De nombreux pouvoirs sont aussi des clins d’œil aux jeux que j’affectionne. Je ne me rappelle pas exactement de mon premier jeu Game Boy, mais je sais que j’ai passé beaucoup de temps sur ceux que j’ai mentionné, ainsi que Pokémon Bleu.
A.K. : T’inspires-tu de la culture japonaise dans une plus large mesure (que les jeux vidéo) ? Si oui, comment, pourquoi ?
C.G : Je m’inspire presque essentiellement du jeu vidéo Japonais, mais aussi du Folklore et du film d’animation. Au niveau du scénario et de l’univers par exemple, Nausicaa et Ponyo de Miyazaki sont mes deux principales références. Il y a aussi des clins d’œil à la culture japonaise dans certains personnages et passages du jeu. Ne soyez pas étonnés de tomber nez-à-nez avec l’estampe de la Femme du Pécheur, caché quelque part dans le jeu. En soit, le jeu est un peu ma déclaration d’amour au Japon, et il me le rend bien.
A.K : Tu es actuellement étudiant, mais Mr Tako est un jeu indépendant… Depuis combien de temps travailles-tu dessus et à quelle fréquence ?
C.G : Le projet a commencé il y a un peu plus d’un an. Il y a eu un creux dans ma deuxième année d’étude, et je n’étais pas très épanouis en stage, j’ai donc comblé en concentrant mes efforts sur un projet personnel. Ma formation (Game Design & Programming à Isart Digital) étant en alternance, j’alterne entre cours et stage une semaine sur deux. Cela me laisse seulement mon temps libre pour travailler sur le projet, à savoir mes nuits et mes Week End, quand je n’ai pas trop de travail à fournir sur mes cours. Le projet avance donc lentement, mais surement. Et ça me permet de réfléchir beaucoup sur le projet et sa direction. D’ici un mois, j’aurais terminé mes études, et je pourrais donc passer plus de temps sur le projet.
A.K : Quel logiciel as-tu utilisé pour développer ton jeu ?
C.G : Je développe le jeu sur Unity, en utilisant leurs outils 2D. Pour les graphismes, je travaille essentiellement sous Paint, ainsi que Photoshop pour vérifier mes animations et la transparence.
A.K : Alors que tu es programmeur, graphiste et game-designer sur le jeu, Marc Antoine Archier est à la musique. Quelles intentions lui fournis-tu ? Peux-tu définir son travail ?
C.G : Avec Marc-Antoine, on fait régulièrement des réunions Skype pour parler du projet. Je lui fais des listes des morceaux et sons dont j’ai besoin, le message et l’émotion que je veux que la musique fasse passer, et je lui envoie des références. Il compose ensuite une première version, je lui fais des retours dessus, et on itère ainsi jusqu’à ce que le morceau soit parfait. Il est très intéressé et fait tout pour que les musiques soient le plus proche possible de celles de l’époque.
A.K : En mode aventure, prévois-tu un monde ouvert à explorer ou une suite de niveaux à débloquer ?
C.G : Je prévois un mix entre les deux, un peu comme on trouvait dans les premiers Kirby. En soit, une carte du monde divisée en plusieurs maps, mais où on peut se promener comme dans un niveau, et où on peut faire des allers retours. Dans ces mondes, il y a les portes des niveaux, qui se débloquent au fur et à mesure. Il y a aussi des lieux importants et des villages, où il faudra revenir pour faire des choses annexes, comme trouver des nouveaux pouvoirs.
A.K : Mr Poulpe peut posséder 25 chapeaux. Comment les trouve-t ‘on ? Sont-ils disponibles dans tous les niveaux ? Quels sont les différents pouvoirs qu’ils débloquent, en plus du crachât qui paralyse ?
C.G : Il peut maintenant en avoir 35 ! Je travaille beaucoup dessus pour créer des pouvoirs amusants. J’en ai 50 de prévu en tout, pour l’instant. Dans le mode histoire, on les trouve au fil de l’aventure. Une fois qu’un pouvoir a été débloqué, on peut revenir le chercher dans certains lieux, comme la maison de Tako. On peut stocker un chapeau, en plus de celui qu’on a sur la tête. Les pouvoirs se regroupent en trois catégories, ceux qui paralysent (comme le crachat d’encre de base, arc, fouet, gant de boxe,…), ceux qui tuent (épée, hache, lance, oiseaux,…), et ceux qui ajoutent des capacités en plus (Double saut, augmentation de la vitesse, bombes, …). A la manière d’un Kirby, un coup fait perdre le pouvoir, donc il faut faire très attention.
A.K : Le mode Runner est-il juste une course folle dans des niveaux générés aléatoirement ? Y a-t’il de scorring (autre que le temps) ?
C.G : En effet, le mode Runner reprend tous les pouvoirs du jeu, mais on les obtient de manière aléatoire. Les niveaux sont générés semi aléatoirement, et divisés en plusieurs mondes (3 dans la démo), chaque monde possède deux boss. On y rencontre souvent des enfants à sauver, qui donnent du Score en plus. Il y a du Scoring, qu’on peut gérer via la vitesse du Scrolling. Des checkpoint permettent de l’accélérer ou de le ralentir. Plus il va vite, plus on gagne de points, mais plus le jeu devient difficile. Je prévois d’y ajouter plusieurs options pour proposer différents Challenges aux joueurs.
A.K : Qu’apporte de plus le mode multijoueurs (1 à 4), dans quel(s) mode(s) ? Et en local ou en ligne ?
C.G : Le mode Multijoueurs permet de jouer à 4 en coopération dans le mode Runner, mais permettra aussi de s’affronter à 4 en arène avec les différents pouvoirs. Il se jouera en Local seulement.
A.K : Quels ont été les retours sur la démo que tu as mis en ligne ? Prends-tu en compte ces remarques ?
C.G : Globalement, les retours ont été bons, les joueurs ont éprouvé de la nostalgie. Et cela a ravivé leurs souvenirs, donc le pari est gagné. La plupart des retours ciblaient le paramétrage du saut, ainsi que certains Sprites qui ne ressortaient pas assez du décor, ou encore l’UI qui n’était pas claire, j’ai du coup passé du temps à améliorer ses points. J’ai aussi eu des retours de gens qui aimeraient que le jeu soit fait en couleurs, mais cela je ne peux répondre à leurs attentes, car ça briserait le coté Game Boy du jeu. Je suis toujours ouvert aux retours, et ai présenté le jeu sur différents Forums pour en avoir.
A.K : Quand et où pourra-t’on essayer une nouvelle version de Tasukete Sako-San ?
C.G : Sur Internet je ne sais pas si je ressortirai une démo, mais vous pourrez en voir une nouvelle lors du Stunfest à Rennes (22-23-24 Mai), au Pitch My Game (28 mai à Isart Digital), ainsi qu’à la soirée Take The Blow (le 5 juin au Badaboum), où je serai présent.
A.K : Pour quand et sur quel(s) support(s) prévois-tu une version finale ?
C.G : Mon support premier est la Wii U, suivi de Steam pour PC/Mac OSX et Linux. Maintenant que Nintendo a annoncé l’export Unity pour New 3DS, j’espère aussi pouvoir le sortir sur cette plateforme.
A.K : Enfin, un conseil pour ceux ou celles qui aimeraient se lancer dans le développement de jeux vidéo ?
C.G : Créez dès que vous en avez la moindre occasion. Dès qu’une idée de concept ou d’histoire traverse votre esprit, écrivez la, même si elle vous semble insignifiante. Peut être qu’un jour vous la retrouverez et qu’elle s’imposera à vos yeux. Il n’y a pas d’âge pour commencer, surtout dans le monde d’aujourd’hui où il existe de nombreux logiciels qui ne requiert pas de connaissances en programmation. Si vous savez programmer, c’est un gros plus. Essayez de participer à des Game Jam, d’être touche à tout. Intéressez-vous aux autres corps de métiers du jeu vidéo, car en les comprenant, vous deviendrez plus efficace. Un dernier conseil, ne sous-estimez jamais la communication autour de votre jeu, sinon personne n’y jouera.
Merci à tous pour votre soutien, et merci à toi de m’avoir accordé cette interview.