Ouvrez grand les yeux et votre esprit, pour rentrer dans un monde où l’imaginaire règne ! Apprêtez-vous à être surpris par la beauté d’un univers étrange et l’imagination d’un artiste.
Metamorphabet est un jeu qui vous permet de donner vie aux lettres de l’alphabet, mais pas n’importe comment ! Alors que vous les effleurez, tapotez, tournez, pincez, etc, elles se transforment pour évoquer des mots et l’imaginaire qui s’en rapproche. Disponible sur iOS, Metamorphabet est une porte vers l’art de mettre des mots en images. Ludique, interactif, beau et d’une certaine façon impressionnant, ce jeu est à découvrir !
Raison de plus, Metamorphabet a gagné le « Graphism Award » à l’IGF 2015 (Independant Games Festival), prix décerné pour la cohérence visuelle, l’originalité et le charme de ce titre.
Certes, nous sommes loin des triple A, techniquement bluffants, mais le travail et l’effort fourni par un seul homme sont similaires. Découvrez notre interview, de Patrick Smith, artiste et développeur indépendant derrière Metamorphabet !
Aurélie Knosp : Bonjour Patrick, quand as-tu commencé à dessiner ?
Patrick Smith : Probablement quand j’avais 3 ou 4 ans. La première chose que je me rappelle avoir dessiné est une page remplie de Pac-Man chassés par des fantômes. J’avais peut être 5 ans. J’ai dessiné cette même image encore et encore..
A.K : Que voulais-tu faire quand tu étais jeune ? As-tu réussi ?
P.S : Je ne pense pas que je savais vraiment quoi faire ! Et je ne suis toujours pas sûr de ce que je veux faire maintenant. Donc peut être que j’ai réussi ?
A.K : Pourquoi as-tu décidé de développer des jeux ?
P.S : Il n’y a pas eu de moment où j’ai décidé de développer des jeux. J’erre juste parmi eux :). Pour moi, c’est un moyen de combiner animation, interaction et parfois narration, d’une façon qui n’était pas possible avant les ordinateurs. Les possibilités semblent infinies, je pourrais passer 100 vies à faire des jeux.
A.K : Quelle est ta première idée pour créer Metamorphabet ?
P.S : Je voulais créer un alphabet basé sur le jeu depuis longtemps. J’aime l’idée de travailler avec une structure (lettres, mots) car les limitations présentent des challenges intéressants à résoudre. À cet égard, je suis en partie inspiré par les nouvelles de George Perec, qui a écrit avec des règles très strictes. Pour Perec, ces limitations étaient un moyen de s’inspirer.
A.K : Décris ton jeu en trois mots ?
P.S : Ludique, alphabet interactif
A.K : Quels sentiments veux-tu donner aux joueurs ? Comment ?
P.S : Je ne sais pas s’il est possible de donner des sentiments à quiconque. J’essaie de donner aux joueurs un espace où ils pourraient avoir leurs propres sentiments.
A.K : Quels sont tes rêves ? Comment les exprimes-tu dans ton art et ton jeu ?
P.S : En réalité, la plupart de mes rêves ont lieu dans une ville imaginaire qui est la combinaison de New York et d’une campagne rurale. Je n’ai jamais fait de jeu qui explore ce lieu particulier. Mais il y a peut être dans mon travail une tension entre le mécanique et le naturel.
A.K : Comment définis-tu l’art et le beau ? Penses-tu que le jeu vidéo est un moyen de les créer ?
P.S : Paul Klee a dit : » L’art ne reproduit pas le visible mais rend visible « . À notre époque, nous pouvons peut être dire de cela que l’art ne reproduit pas une expérience mais crée plutôt une expérience. Si cette expérience est agréable, nous la disons belle.
A.K : T’attendais-tu à gagner le prix du graphisme ? Quelles opportunités en découlent ?
P.S : C’est un honneur, et j’espère que cela amènera plus de monde à découvrir mes jeux. Mais ça ne change pas vraiment grand chose. Depuis des années, mes jeux n’ont gagné aucun prix. Et si je ne gagne plus rien de nouveau, je continuerai à faire de l’art.
A.K : : As-tu développé Metamorphabet seul ? Pendant combien de temps ?
P.S : J’ai développé Metamorphabet seul, pendant trois ans. À la toute fin, j’ai eu David Kamp pour m’aider à réviser l’audio, et Sarah Alger a apporté la voix.
A.K : Quel logiciel as-tu utilisé pour animer et programmer le jeu ?
P.S : Le code est, à l’origine, écrit en Flash. J’ai construit un système pour le convertir automatiquement en objective-C pour la version iOS.
A.K : Tu m’avais parlé de l’influence de Magritte et de Duchamp. Peux-tu m’en dire plus sur eux, ainsi que d’autres inspirations ?
P.S : Pour moi, l’influence de Magritte est la suggestion de l’extraordinaire avec le banal. Ses images sont faîtes de choses quotidiennes et sa peinture est tout à fait morne. Mais ceci est délibéré. En effaçant n’importe quel style visible, il se retire de l’image.
Duchamp est intéressant pour moi car il exprime les possibilités de la poésie visuelle à travers le langage des machines. Même ses readymades ne sont pas entièrement des objets pris au hasard, mais de belles formes.
J’ai beaucoup d’inspirations. Comme autres peintres, j’admire Giorgio de Chirico, Peter Bruegel, et Philip Guston. Aussi, j’aime beaucoup d’anciennes animations (les frères Fleischer par exemple) et des auteurs de BD tels que Chris Ware et Jim Woodring.
A.K : En tant qu’artiste développeur, quel est ton meilleur souvenir ?
P.S : Les meilleurs moments sont quand je me surprends moi-même. Par exemple, quand j’ai fait Feed The Head, il y a eu un moment où j’ai mis les pièces ensemble et, soudainement, ça semblait « vivant ». À partir de ce point, les autres développements sont une collaboration avec l’objet.
A.K : Dernière question, un conseil pour ceux qui veulent devenir artistes dans l’industrie du jeu vidéo ?
P.S : Si vous n’êtes pas intéressés par l’idée de travailler pour une grosse compagnie, préparez-vous à être pauvres. Il y a de nombreux et impressionnants développeurs de jeux qui ne connaissent pas le succès. Mais ils continuent à faire des jeux car ils aiment ça !
A.K : Merci pour tout :).
P.S : Merci !
À découvrir :
Metamorphabet sur iOS
Son site internet : Vectorpark
Les gagnants de l’IGF 2015
Pour les plus curieux, voici des liens utiles vers ses références :
. George Perec
. Marcel Duchamp
. René Magritte
. Les frères Fleischer
. Chris Ware
. Jim Woodring
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