Et si la différence entre un bon jeu et un grand jeu était dans la façon dont il vous transporte dans un autre univers ? Avec son histoire d’assassin cherchant à se venger, Dishonored 2 aurait facilement pu être un ersatz d’Assassin’s Creed, un Bioshock steampunk ou un simple descendant de la série des Thief. Pourtant, ce FPS comportant une bonne dose d’infiltration dispose du petit supplément d’âme qui fait la différence, en grande partie parce qu’il propose de découvrir un univers fascinant que vous allez pouvoir découvrir en parcourant ses ombres.
Suite du premier et déjà très bon Dishonored, ce second opus reprend la même formule tout en l’améliorant : nous sommes une quinzaine d’années après les événements du premier épisode. Suite au meurtre de sa mère, Emily Kaldwin règne surl’Empire des Îles, conseillée par son père et protecteur impérial, Corvo. Dans cet univers ressemblant à une Angleterre teintée de steampunk et de magie, la révolution industrielle a continué de progresser. Il y a de électricité dans les rues, des trains, des bateaux à vapeur et même des automates soldats. Pourtant, quelques fêlures apparaissent : des mouches se nourrissant de sang pulullent et rendent certains quartiers des villes inhabitables. Les gigantesques baleines qui donnent l’huile essentielle pour générer l’électricité se font plus rares. Les nobles s’engraissent, les pauvres s’appauvrissent et dans son palais l’impératrice ne réalise pas que quelque chose ne tourne pas rond. Alors qu’un énigmatique tueur de la Couronne semble s’en prendre à ses opposants, voici qu’une mystérieuse tante venue de nulle part apparaît et réussit un coup d’état aussi sanglant qu’efficace.
Deux faces d’une même pièce
C’est à ce moment là que le jeu vous oblige à faire un choix. En effet, vous pouvez soit incarner Emily ou Corvo. Les deux personnages ont des capacités plus ou moins similaires, Emily est plutôt une spécialiste de la manipulation de ses adversaires : elle peut les berner, les distraire et bien sur facilement les éliminer. Corvo reste un assassin, discret et brutal mais avec quelques finesses. Quelque soit votre choix, l’aventure est à peu près la même mais certains détails, certaines sous intrigues vont changer. Pour résumer, il s’agira d’éliminer un à un les soutiens de l’usurpatrice, ce qui donne l’occasion d’aller à Serkonos, la partie sud de l’Empire des Ïles. A défaut d’être génialissime, le scénario tient la route et ne perd pas trop de temps dans des disgressions inutiles. Il est surtout une excuse pour voir du pays et permettre aux deux protagonistes d’observer un empire qui a changé sans qu’ils s’en aperçoivent, alors qu’ils étaient enfermés dans leur palais.
Après Dunwall, le Londres imaginaire du premier Dishonored, place à Karnaca et son ambiance Italie/Grèce du 19ème siècle. Le changement de décor est notable mais distille toujours un univers riche. Arkane Studios a du abattre un travail de dingue pour arriver à créer autant de détails, tant l’univers fourmille d’éléments : des journaux, des livres, des objets ou même des inscriptions sur les murs. En plus de son scénario principal, le jeu conte ainsi des dizaines de petites histoires qui donnent de l’épaisseur à son univers. Qu’il s’agisse d’un appartement où l’on devine qu’un drame a eu lieu, d’une maison fruit de l’imagination d’un inventeur fou ou d’un établissement de repos dont l’objet a été perverti, le jeu montre plus qu’il ne décrit. De plus, le décor n’est pas en carton pâte : il est au cœur du gameplay. En effet, votre alter ego bien que très efficace au combat, se doit d’avancer discrètement pendant ses escapades meurtrières. Il faut donc bien observer, trouver les cachettes éventuelles, les chemins surélevés ou moins exposés à la lumière. L’infiltration reste relativement simple, le seul indicateur réel étant un signe apparaissant sur les adversaires qui pourraient vous repérer. Le jeu offre toutefois toujours de multiples choix sur votre avancée. Vous pouvez aussi bien rentrer dans le tas qu’être insaisissable ce qui sera en partie motivé par le développement de votre personnage.
Les pouvoirs des ombres
Votre personnage peut évoluer selon deux axes : les pouvoirs et l’équipement. Les premiers s’acquièrent en trouvant des runes ou des charmes. Les runes sont des points de compétence à distribuer dans des pouvoirs tous aussi puissants les uns que les autres. Du blink qui permet à Corvo de se téléporter sur de courtes distances au Domino d’Emily qui lie le destin de plusieurs adversaires (si l’un meurt, les autres aussi), les assassins sont vraiment des machines à tuer. Que vous incarniez l’impératrice déchue ou Corvo, vous êtes vraiment très fort dans Dishonored 2. Peut-être même un peu trop, car il est difficile de se sentir en danger ou traqué de toutes parts quand vous pouvez vous téléporter derrière un adversaire et l’assassiner en un clic (ou un bouton). Seuls les soldats mécaniques offrent un peu de challenge, et une fois que vous avez compris comment les mettre en difficulté, ces gros tas de métal ne posent plus aucun de problème. Le pire, c’est quand vous comprenez comment combiner certains pouvoirs où l’impression de super puissance devient alors vraiment envahissante.
De leur coté, les charmes donnent de petits bonus (moins de dégâts sur les chutes, plus de mana etc) qui peuvent être portés en nombre limité. Par défaut, ils ne sont pas trop forts. Mais l’un des pouvoirs permet de fabriquer ses propres charmes, et tout de suite ce n’est plus la même chose. Quand un charme vous donne quatre bonus et que vous pouvez en porter dix, mieux vaut ne pas se trouver sur votre chemin !
Pour ce qui est de l’équipement, c’est une voie intéressante à condition de disposer de fonds, ce qui implique de faire beaucoup d’exploration pour trouver de l’argent. Il est possible d’augmenter le nombre de munitions transportables, les dégâts de ses armes ou de débloquer certains bonus comme faire fuir les chiens etc. Certains plans d’améliorations ne peuvent être trouvés que dans les recoins du jeu, ou auprès de commerçants qui n’ont pas toujours pignon sur rue.
C’est là que le level design du jeu prend tout son sel. À défaut d’offrir un monde ouvert, Dishonored 2 se concentre sur une quinzaine de grosses zones très détaillées. Il existe toujours plusieurs chemins pour aller d’un point A à un point B, et contrairement à ce qu’il se passe dans beaucoup de jeux modernes ils ne sont pas téléphonés. Il faut en effet chercher un minimum, écouter les conversations, fouiller un peu partout pour trouver des alternatives. Surtout, il faut lever la tête et ne pas hésiter à faire quelques sauts dans le vide (ou se téléporter). Les niveaux disposent d’une énorme verticalité et regorgent de secrets, d’objets ou de munitions cachées. Loin de vous faire perdre votre temps, l’exploration participe à développer un univers qui s’avère de plus en plus palpitant et riche à chaque découverte. Là où Arkane a fait très fort, c’est que certains niveaux évoluent pendant les missions et se transforment en fonction de vos actes. Un même lieu peut être proposé plusieurs fois sans effets de répétition avec plusieurs ambiances, des chemins totalement différents et de nouveaux challenges. Il y a même un niveau qui implique de voyager entre deux réalités différentes, l’une influant sur l’autre. Ajoutez des quêtes secondaires qui peuvent vraiment modifier l’univers selon que vous éliminiez un personnage ou en remplacez un autre. Mieux, avec deux personnages aux approches différentes et qui commentent l’action chacun à leur façon, le jeu dispose d’une énorme rejouabilité qui va au delà des vingt à trente heures proposées par la campagne.
Optimisation à revoir
Dishonored 2 a quand même quelques défauts, à commencer par une optimisation à la ramasse. Sur PC, le jeu tourne avec des résultats très aléatoires : baisse de la fluidité, souris qui part en vrille, temps de chargements qui s’allongent. Sur consoles les problèmes sont moindres mais existent également notamment coté framerate. Plus généralement, la réalisation bien que soignée n’est pas à la pointe de la modernité. Modèles et animations sont parfois un peu vieillots, ce que vient compenser une direction artistique très inspirée mais parfois répétitive. C’est souvent que le même tableau, le même meuble semble se retrouver dans tous les immeubles. De la même façon, il n’y a qu’une femme de chambre dans tout le jeu, qui bosse un peu pour tout le monde. Coté bande son, si les musiques sont excellentes, le doublage français est très moyen et on lui préférera la version anglaise, de toute façon plus raccord avec l’ambiance proposée.
Sujet sensible dans un jeu d’infiltration, l’intelligence artificielle souffle le chaud et le froid. Dès qu’il s’agit de patrouiller, de remarquer l’absence d’un camarade ou un corps mal caché, les PNJs sont plutôt compétents. De la même façon, ils ont tendance à se regrouper, à appeler des renforts ou à rester à distance pour vous tirer dessus en combat. Mais entre les deux, entre la détection et le combat, il y a de gros moments de flottements et d’incohérences : gardes qui courent un peu partout, passages de portes en file indienne etc. Rien de bien méchant car dans le cœur de l’action, ça ne se voit pas trop. Du coup il y a une sorte d’effet domino qui incite soit à jouer totalement la discrétion, soit totalement la boucherie. Hélas, hormis quelques incidences sur la fin du jeu et des tableaux récapitulatifs à la fin de chaque niveau, jouer sans se faire repérer, sans tuer ou sans utilisation de pouvoirs n’a que très peu d’incidence sur le jeu hormis des fins différentes. C’est quelque chose qui aurait mérité d’être plus poussé, ne serait-ce que pour rajouter de la rejouabilité à Dishonored 2.
Conclusion du rédacteur : EXCELLENT
Malgré quelques imperfections techniques, ce second opus surpasse le premier et permet à Dishonored 2 d’être l’un des meilleurs titres de l’année. Intelligent, varié et reposant sur un univers qui donne envie d’être découvert, c’est un jeu qui n’abuse pas de facilités pour séduire le joueur et le transporter ailleurs.
Points forts :
- Un univers riche et bien amené
- Le level design qui encourage de multiples approches
- Une direction artistique au top
- L’impression d’être un assassin sur puissant.
Points faibles
- Quelques lacunes techniques
- Les différentes approches n’ont pas assez d’incidence sur l’univers
- L’envie d’en voir plus sur ce monde qui n’est pas assouvie
Éditeur : Bethesda Softworks – Développeur : Arkane Studios – Genre : FPS/Infiltration – Sortie : 11 Novembre – Plateforme : PS4, Xbox One, PC