Surprise : l’un des jeux les plus intéressants de cette fin d’année ne se déroule pas sur un écran mais sur une table. Au carrefour de plusieurs genres, Scythe est une petite pépite qui n’a rien à envier aux jeux vidéo !
Europe centrale, quelques années après la première guerre mondiale : alors que les cendres du conflit ne sont pas encore froides, les puissances locales ont encore quelques rancœurs, et surtout une énorme convoitise envers l’Usine, cette structure géante qui a livré des armes pendant le conflit. Dans ce jeu de plateau, la guerre repart pour un tour, mais cette fois, les armes ne sont pas les seuls moyens de la gagner…
Après une campagne Kickstarter à succès, Scythe est arrivé chez ses souscripteurs mais aussi en version française. C’est l’une des sensations du moment en matière de jeux de plateau. Il faut reconnaître que le jeu dispose de solides arguments en sa faveur, le premier étant son extraordinaire matériel. En effet, Scythe est un jeu magnifique et prolifique : plateau tout en couleur, figurines de mechs et de leader toutes différentes selon les factions, pions de bois pour les ressources etc. La boite pèse lourd, très lourd, mais est un modèle en matière d’agencement au moment de tout ranger dedans. À noter qu’il existe aussi une version super collector avec des pièces en métal, des ressources hyper détaillées (comme des petits lingots de métal pour symboliser l’acier dans le jeu).
Visuellement, Scythe est également très marqué. En effet, il se déroule dans une uchronie où la première guerre mondiale s’est réglée à coup de robots géants, les mechs, et où les leaders de chaque faction est accompagné d’une sorte d’animal totem intelligent qui n’est pas sans faire penser aux livres de la Boussole d’Or. Dans le jeu, les illustrations s’inspirent de peintures façon début du XXème siècle, mais avec à chaque fois un petit élément fantastique ou technologique qui lui donne un aspect vraiment unique.
Scythe mélange plusieurs types de jeux : conquête (avec une carte divisée en région façon Risk), gestion, placement d’ouvriers, exploration. Pour gagner, il faut marquer plus de points que ses adversaires, et toute la subtilité, c’est qu’il existe de multiples moyens de gagner des points : les « étoiles » qui viennent récompenser l’accomplissement d’objectifs, les territoires occupés en fin de partie, les ressources accumulées et enfin une mission spéciale tirée au hasard en début de partie (par exemple occuper des régions avec un tunnel, au bord de l’eau etc).
Des étoiles plein les yeux
Les étoiles sont sans doute l’élément moteur de la partie. Elles viennent récompenser l’accomplissement d’un objectif particulier comme gagner un combat, poser tous ses ouvriers sur le plateau, être très haut dans la piste de puissance militaire, avoir construit les 4 bâtiments possibles etc. Il existe une douzaine d’objectifs possibles et la partie va s’arrêter quand un joueur aura posé ses 6 étoiles. Ce qui veut dire qu’il est possible de gagner de plein de façons différentes. Il est ainsi possible de jouer les gros bourrins mais aussi de tenter d’avoir une économie florissante, d’améliorer sa faction au maximum etc.
Néanmoins, même si ça donne un avantage certain, la course aux 6 étoiles n’est pas forcément synonyme de victoire. En effet, chaque élément qui donne des points (étoiles, territoires, ressources) va valoir plus ou moins selon la position de sa faction sur une jauge de popularité. Concrètement, plus vous faites de crasses, de guerres et autres surproductions, plus votre popularité diminue. Vous aurez plus de moyens, de faire des choses dans la partie, mais ces choses rapporteront moins ! C’est un choix majeur qui va conditionner la partie.
Pour le reste, le jeu est finalement assez simple malgré la profusion de choix et de matériel. Chaque faction dispose d’un pouvoir unique et de capacités différentes qui vont se débloquer pendant la partie quand elle construira ses mechs de combat. Ensuite, chaque joueur dispose d’un plateau individuel d’actions indépendant de sa faction et tiré au hasard. Sur chacun de ses plateaux on retrouve les mêmes actions, 4 de base et 4 avancées Mais elles ne sont pas disposées de la même façon et n’ont pas le même coût. À chaque action de base correspond une action avancée ce qui signifie que si vous faites la première vous pouvez réaliser la seconde. Ces quatre actions de base sont bouger, améliorer son armée, commercer et produire. Les quatre avancées sont construire, améliorer ses actions, rallier (qui permet de gagner des bonus quand ses voisins font une action particulière) et recruter un mech. Sur un plateau, bouger pourra être relié à construire tandis que votre voisin aura peut être la combinaison bouger/rallier.
Le déroulement du jeu est à la fois rapide et fluide : à son tour, on sélectionne une action parmi les 4 de base. La seule restriction est qu’il est impossible de reprendre la même qu’au tour précédent (à l’exception du joueur Russe qui peut le faire). Si vous avez les ressources et l’intérêt, vous pouvez ensuite effectuer l’action avancée correspondante. Il existe du coup des tas de stratégies différentes : occupation du terrain, combat, production à outrance, exploration de lieux spéciaux avec votre leader qui permet de débloquer des trésors etc. Une fois les règles assimilées le jeu ne dépasse pas les 2 heures, sans temps morts et surtout avec une énorme re-jouabilité. Le livret de règles et le matériel peuvent paraître impressionnants la première fois, mais tout est logique, cohérent et finalement très rapide à comprendre.
Des combats qui laissent des séquelles
L’un des points les plus appréciables de Scythe est sa gestion des combats. Il est possible d’affronter ses adversaires, de les déloger d’une position (comme l’usine centrale dont l’occupation est très profitable) mais ce n’est ni une fin en soi, ni quelque chose de trop pénalisant si vous perdez. En effet, les troupes vaincues rentrent dans votre base et ne sont donc jamais perdues. Mieux, si des civils (les pions ouvriers) sont impliqués, la popularité de votre adversaire en prend un coup, et donc ses points de victoire à la fin de la partie. En l’absence de dés, les combats passent par l’utilisation d’une roue et de cartes : chaque adversaire a une puissance de combat allant de 1 à 15. Pendant un combat il va pouvoir miser jusqu’à 7 points de cette puissance en choisissant combien il veut dépenser sur la roue. À cela, s’ajoute des cartes allant de 1 à 5, à hauteur d’une par mech impliqué dans le combat. Le plus fort l’emporte, mais d’une part le perdant regagne une carte, de l’autre la puissance dépensée est perdue, ce qui veut dire que pour le combat d’après, vous êtes moins fort. Il y a ainsi un aspect charognard où l’on attend que les autres s’affaiblissent pour leur tomber dessus,et parfois mieux vaut perdre pour être plus fort au combat d’après.
Des éditions à plusieurs vitesses
Scythe sort ces jours-ci en Français. Il existe aussi plusieurs éditions en anglais avec de sensibles différences de matériel, selon le prix. La version la plus luxueuse (cotée à près de 300 euros) comporte un plateau plus grand et surtout des pions de ressources en métal et de vraies pièces absolument sublimes. Ces pions devraient être disponibles séparément pour la VF.
À noter également que deux nouvelles factions devraient prochainement être ajoutées à Scythe, permettant de jouer à 7, ce qui risque quand même de donner un joyeux bordel. Pour le reste, c’est un jeu aux ingrédients classiques mais dont le mélange est détonnant et extrêmement bien fait. Difficile d’ailleurs de lui trouver de gros défauts, si ce n’est peut-être qu’il ne s’adresse pas forcément aux amateurs de jeux très légers et que les fins de parties peuvent survenir de façon très abrupte, ce qui parfois est un peu frustrant. Sans doute un futur classique, encore une fois magnifiquement produit.
Conclusion du rédacteur : EXCELLENT
Un jeu très riche, superbe et qui se renouvelle de partie en partie. Difficile de faire plus intéressant même si son coté massif peut effrayer au premier abord.