Traduit dans cent onze langues, la bande dessinée Astérix est l’une des rares à traverser les générations avec le même enthousiasme qu’à ses débuts. Bien évidemment, le ton de Ferry et Conrad est différent de celui de Goscinny et Uderzo, mais ça n’empêche pas Astérix d’être, à chaque sortie d’un nouvel album, dans les top ventes des objets culturels en France. Et on ne parle pas des films d’animation ou encore des longs-métrages, dont le cinquième, L’Empire du Milieu, sortira en 2023. Quant au jeu vidéo, cela fait très longtemps que le petit gaulois et son acolyte livreur de menhirs affichent leurs pixels ! Pour l’anecdote, le premier jeu Astérix est en réalité un jeu Taz qui a été modifié dans sa version européenne, et le créateur de ce titre n’est autre que Steve Woita, créateur de… Kid Chameleon sur Mega Drive. On parle ainsi d’un jeu Atari 2600 paru en 1983 ! Ensuite, les gaulois ont été déclinés sur les consoles SEGA, Nintendo ou même en arcade, avec un titre absolument époustouflant de Konami. Et pour ma part, j’ai toujours eu une affinité prononcée avec les adaptations vidéoludiques de bandes dessinées et j’ai passé, avec Astérix, des centaines d’heures sur mes consoles, qu’il s’agisse des jeux Infogrames ou SEGA. Autant dire que le premier trailer d’ Astérix & Obélix : Baffez-les tous m’a littéralement retourné le cerveau ! Eh bien, vous savez quoi ? Le nom n’est pas usurpé, ce jeu est une méga baffe !
Tout le monde l’a vu, on va donc commencer par ça : la réalisation de ce jeu tabasse ! Littéralement. Philippe Dessoly, Pierre Adane et leurs collègues ont accompli un véritable prodige. C’est bien simple, Baffez-les tous ! est un dessin animé interactif ! L’animation n’est pas réglée en 24 images par seconde, mais la souplesse des personnages et leurs mimiques est franchement fabuleuse. Il faut voir nos deux gaulois se déplacer, courir, frapper, tournoyer, attraper les romains, leur en faire voir de toutes les couleurs, le tout avec une masse de petits détails complètement fous. Les corps se tordent, les boucliers valdinguent, les lances se plantent sur le sol en vibrant, les pompes des adversaires restent au sol et les tronches (que ce soit les humains, sangliers ou autres lions) prennent des airs à mourir de rire. En utilisant une technique traditionnelle, Mr Nutz Studio est parvenu à capturer toute la quintessence de l’univers des gaulois, qu’ils s’impatientent, qu’ils s’agacent, froncent les sourcils ou, tout simplement, qu’ils mettent des baffes ! Difficile de ne pas sourire lorsqu’Obélix attrape un romain, lui met quelques tartes avant de le faire décoller à la verticale. Le constat est le même lorsqu’il chope son vis-à-vis pour le fracasser au sol, à droite et gauche (et réciproquement), à grande vitesse.
Astérix & Obélix : Baffez-les tous aurait voulu rendre hommage au monde de la bulle et de l’animation qu’il n’y serait pas pris autrement. Et encore ! On ne vous a pas parlé des environnements et des évènements qui sont liés. Lors du travelling au début du jeu, on se croirait à l’ouverture des 12 Travaux d’Astérix avec ses papillons, son lapin, son écureuil, ses sangliers, etc. Il y a souvent de petites animations en arrière-plan, comme les vagues qui viennent se fracasser sur les rochers, les navires égyptiens qui passent sur le Nil, les flammes des torches qui viennent lécher les murs de la Tour de Londinium ou la brume qui nappe l’écran. En choisissant des albums aussi forts qu’Astérix chez les Bretons, chez les Normands, en Hispanie, en Corse ou encore Astérix et Cléopâtre, les développeurs avaient beaucoup de matière pour proposer des décors variés et ils ne se sont pas fait prier. Des forêts de Gaule aux côtes et villages bretons (l’Angleterre hein) en passant par les montagnes de Corse ou les pyramides d’Égypte, le jeu est un grand atlas qui fait voyager ! Les couleurs resplendissent à l’écran, le rendu est superbe (sur écran 4K ou Switch OLED, ça défonce) et le tout tourne sans broncher à 60 images par seconde ! Maintenant, qu’en est-il du gameplay ?
TIREZ-VOUS LES MOUSTACHES
Les membres du studio Mr. Nutz sont indéniablement des fans du Astérix de Konami. Dans les mécaniques, on retrouve de nombreux éléments du hit japonais (quand on sait que les Japonais ont extrapolé de leurs propres chefs les albums, ça calme). Dans les faits, le jeu propose un condensé de baston, de mini-jeux et d’affrontements contre des boss. Que l’on choisisse Astérix ou Obélix, chaque personnage détient une série de coups simples (en tapotant à plusieurs reprises le bouton d’attaque standard), mais aussi des frappes plus puissantes qu’il faut utiliser à bon escient. En effet, à mesure que l’on frappe l’ennemi, une jauge composée d’éclairs se remplit et permet d’accéder à divers coups spéciaux. Coups de poing ou chopes particulières, ce bon vieil Obélix est celui qui a le panel le plus développé et l’envergure la plus importante, mais il est bien plus lent que son petit compère. Astérix est en effet plus efficace dans le lancer d’ennemis (absolument vital pour progresser), mais son coup spécial se résume à une sorte de tourbillon.
Chaque protagoniste se joue donc de manière différente et dispose de ses qualités et défauts. Ce que l’on retient des longs moments passés avec le jeu, c’est que le challenge (y compris en mode facile) est au rendez-vous ! Les ennemis débarquent de tous les côtés et il n’est pas rare de se faire surprendre par leurs patterns vicieux, notamment les lanceurs qui se collent à l’écran opposé à vous pour vous surprendre à distance ou les brigands qui font tournoyer leurs poings. Les boss, à l’inverse, ne sont pas bien difficiles et ils n’ont rien de très originaux, que ce soit dans leurs démarches ou attaques. Par sa profusion d’ennemis, le titre de Microids oblige le (ou les joueurs en coop’) à réfléchir pour contourner les opposants. Petit à petit, on découvre des techniques qui fonctionnent bien, comme le fait de faire tournoyer un romain pour qu’il fracasse ses partenaires ou encore l’éjecter afin qu’il fasse ricochet sur les planqués du coin de l’écran. Il est aussi fort utile de charger en courant pour se débarrasser d’envahisseurs un peu trop collants. Comme il n’est pas rare de se faire encercler et d’être submergé par des armées de romains, brigands, pirates ou autres vikings, on en vient à développer diverses techniques, même si l’approche reste très simple. Car il ne faut pas se tromper de cible, Astérix & Obélix : Baffez-les tous est un hommage au beat’em up des années 1990, mais il n’est pas aussi varié que celui de Konami. Il y a certes quelques mini-jeux de chasse aux sangliers ou de la course, mais ces phases sont franchement anecdotiques et n’apportent rien à une œuvre qui sait se satisfaire de ses séquences de combat. Les développeurs ont choisi de miser sur une coopération exigeante, dans le sens où la partie est perdue dès qu’un joueur arrive au bout de sa jauge de vie. Il faut donc constamment s’entraider et résister aux vagues d’ennemis, jusqu’à trouver des tonneaux contenant des pommes appétissantes ou des sangliers et jambonneaux succulents. Pour le reste du loot, le jeu se limite à des sacs d’or et autres pièces pour péter le high score. Il y a également quelques obstacles, comme des barricades ou des rochers, à briser. Baffez-les tous est un jeu volontairement linéaire, mais qui se dévoile petit à petit grâce à des ennemis toujours plus résistants et vicelards. En mode solo, on peut intervertir à tout moment de personnage, mais là encore, il suffit que l’un des deux soit H.S pour perdre la partie.
IL NE ME RESTE PLUS RIEN, JE DOIS FERMER LA BOUTIQUE
Malgré sa qualité, Astérix et Obélix : Baffez-les tous, qui est le fruit de deux ans de travail intensif, n’est malheureusement pas parfait. L’un des principaux défauts réside dans sa rallonge artificielle de durée de vie. Certes, le titre propose plusieurs albums et près de 50 niveaux, mais on se tape beaucoup trop souvent des environnements boisés ou encore le bateau pirate (celui-là, c’est simple, il revient une bonne dizaine de fois avec quelques variantes de temps (journée, crépuscule, etc.). Le constat est le même pour la plupart des boss qui reviennent en boucle. Si cela peut se comprendre par les méthodes traditionnelles utilisées, c’est un défaut qui sautera aux yeux de beaucoup. Par exemple, il n’y a qu’un seul viking, là où les romains sont beaucoup plus variés. On aurait aussi aimé que la palette de coups d’Astérix soit au moins égale à celle d’Obélix, car son tourbillon est assez limité en coup spécial. On regrette également que les cinématiques, qui sont en fait des scénettes sous forme de bande dessinée, ne soient pas plus vivantes. Cela tranche avec les dialogues parfois très drôles (et réussis) ou avec les musiques de toute beauté de Raphaël Guesqua. On sent que le compositeur, avec ce panel de lieux (Gaule, Hispanie, Égypte…) a été inspiré et certains thèmes sont vraiment extraordinaires. Entre les cuivres et instruments à vent de la forêt, les teintes orientales, la guitare latine ou la cornemuse celte, les musiques n’auraient aucun mal à rejoindre les films d’animation du petit gaulois ! Ceci dit, ces petites imperfections n’empêchent en rien les joueurs de s’éclater comme des petits fous. En termes de fun, on est loin d’un Astérix & Obélix XXL 3 qui, s’il n’était pas mauvais, manquait de panache, à la fois sur le plan ludique, visuel et sonore. On ne pensait pas dire ça un jour, mais le jeu d’arcade de Konami a enfin une alternative de qualité.
TRÈS BON
Véritable hommage à l’œuvre de Goscinny et Uderzo, Astérix & Obélix : Baffez-les Tous ! est un beat’em up qui fera date dans l’histoire des adaptations vidéoludiques de nos chers gaulois. Pleinement imprégné de l’esprit de la borne d’arcade de Konami (dont on retrouve de nombreux éléments), le titre de Mr Nutz Studio a tout simplement conquis le quarantenaire et fan de la BD qui, gamin, s’éclatait, à la lueur de sa lampe de bureau, à foutre des torgnoles aux romains sur Game Boy. Bien qu’il soit entaché d’une certaine répétitivé, son ambiance exquise et ses longues heures de castagne font qu’on passe outre ses petits défauts. Le trailer laissait présager le meilleur et c’est peu dire que ce nouveau jeu Astérix ne nous a pas déçu.
Points positifs :
Graphismes extraordinaires
La direction artistique est digne de la BD
Un dessin animé interactif !
Gameplay nerveux et amusant
Le mode coopération
Un challenge bien corsé, bellatchitchix
La bande-son excellente et le sound design
Des dialogues rigolos (surtout à deux)
50 niveaux pour 7/8 heures de jeu !
Le meilleur jeu Astérix depuis belle lurette
Points négatifs :
Des boss qui auraient mérité plus de finition
Une répétitivité visuelle (forêts, bateau pirate…)
On n’aurait pas dit non à des phases de plate-formes
Les cinématiques (quasi) muettes et manquant de vie
Mini-jeux anecdotiques (chasse aux sangliers, course…)
Éditeur : Microids / Développeur : Mr. Nutz Studio / Genre : Beat’em up / Date de sortie : 2 décembre 2021 / PEGI : / Supports : PC, PS4, One, Switch,