Nous vous proposons chaque semaine de participer aux débats animés qui sévissent dans la rédaction : chaque jour, l’un des membres de Joypad va poser son avis sur la question de la semaine, mais vous êtes très largement encouragés à participer à notre débat en vous fendant de commentaires constructifs, ou tout simplement en nous soutenant les uns les autres sur nos points de vue.
À l’approche des fêtes d’Halloween, la peur va progressivement se répandre sur toute la France, ou tout du moins chez certains d’entre nous. Les concepteurs de jeux vidéo ont toujours cherché à titiller nos émotions afin, notamment, d’enrichir les expériences de jeu. La peur est une sensation souvent mise en avant dans les divertissements (avec plus ou moins de réussite), peut-être aussi parce qu’elle est très recherchée par le public. Cependant, nos discussions au sein de la rédaction de Joypad nous pousse à poser cette épineuse question :
Le jeu vidéo peut-il vraiment faire peur ?
Lundi : Le point de vue de Nicolas
Depuis la nuit des temps, l’humain aime se faire peur. Véritable masochisme ou plaisir par montée d’adrénaline, tous les médias ont tenter d’insuffler ce sentiment chez leurs victimes. Les jeux vidéo ne sont pas en reste et peuvent même pousser l’expérience à son paroxysme, grâce à l’implication concrète du joueur. N’avez-vous jamais tremblé face à l’apparition du tout premier zombie dans Resident Evil, ou tout simplement lâché la manette en fermant les yeux ?
Pour ma part, j’ai envie de partager quelques expériences avec vous sur le sujet. J’ai souvenir de certains amis véritablement apeurés face à certaines situations. Condemned fut l’un de ses jeux, ou les réactions d’effrois chez certains étaient tellement fortes, que cela en devenait marrant. Personnellement, ce titre provoquait chez moi une certaine angoisse, du fait d’affronter des humains dérangés. Tant qu’il s’agit de bestioles sorties de l’imagination du développeur, je suis peu affecté par la frousse. À part peut-être, avec Alien Isolation. Ce jeu obtient la 2ème place de mon podium flippe, la troisième étant pour Condemned. Vous connaissez la phobie des xénomorphes ? Je pense pour moi que c’est le cas. Le titre de Sega m’a véritablement provoqué des sursauts frissonnants et des mouvements de reculs réels dès que cette engeance monstrueuse s’approchait (Niveau 8 sur le trouillomètre). La première place du podium revient à un titre auquel on ne penserait pas forcément, Eternal Darkness. Cette vidéo vous montre de quoi il s’agit, avec ses effets totalement unique dans un jeu. Quand vous jouez depuis plusieurs heures sans avoir sauvegardé et que votre écran donne l’impression que la partie s’est coupé, c’est votre cœur lui même qui tremble…
Ma réponse est donc oui, mais la peur agit différemment selon les gens. Chez certains ça fonctionne, chez d’autres non. En ce qui me concerne, peu de titres ont insufflé un vrai sentiment de flippe. En revanche, les deux premiers jeux de mon podium ont franchement déclenché une sensation que je n’aurais jamais cru possible aux commandes d’un pad. Même les quelques démos d’horreur que j’ai pu tester sous un casque VR n’ont pas eu ce résultat. Mais à mon avis, si je teste Alien Isolation avec un Oculus Rift, c’est la crise cardiaque assurée !
Mercredi : Le point de vue de Ghislain
Bon je vais commencer par des banalités : le jeu vidéo est un médium, de surcroît un médium audiovisuel. À la différence d’un bon bouquin, il s’appuie donc sur l’image pour nous faire peur. Et désolé, mais vous pouvez mettre toutes les 4K et cartes graphiques du monde, il ne sera jamais aussi ressemblant à la réalité que le cinéma ou la télé. Alors bien évidemment, il est possible d’inquiéter un joueur, de le faire sursauter en lui balancer un jump scare (le principe du chat qui saute à l’écran), un ennemi dans le dos ou un son étrange dans son casque. Mais est-ce vraiment de la peur ? Où se termine la surprise, où commence la flippe ?
Nourri au film d’horreur dès que j’ai été en age de changer de chaîne à la télé ou de glisser une VHS dans le magnétoscope familial, je ne dois pas être trop impressionnable. Certes, je ne dis pas que j’étais très fier lorsque les premiers bips bips ont retentit sur mon détecteur de mouvements dans le premier jeu Aliens vs Predator. Idem avec les apparitions d’une jeune fille aux longs cheveux noirs en plein gunfight dans F.E.A.R. Saloperie de cinéma d’horreur asiatique qui a failli nous faire trembler en influençant le jeu vidéo !
Non, à bien y réfléchir la seule fois où le jeu vidéo m’a vraiment provoqué des sueurs froides, c’était avec In Memoriam. Cette expérience trans-média était vraiment géniale : le DVD du jeu était un document qu’un serial killer, connu sous le nom de Phénix, avait envoyé à la police. Il comportait des mini jeux peu intéressants et des morceaux de vidéos très influencées par le film Seven ou la série Millenium. Mais le truc flippant, c’était que le jeu communiquait avec vous, pour de vrai en envoyant des emails, et même pire, des SMS !
Ça peut sembler ridicule à l’heure où nos smartphones reçoivent des notifications du petit cousin pour l’aider à Clash of the Clans. Mais il y a une dizaine d’années, ces intrusions n’existaient pas encore. Croyez-moi, jouer seul dans le noir, à 4 heures du matin et soudainement recevoir un message du tueur qui vous dit qu’il vous surveille en vous appelant Poussin, ça met une sacré ambiance !
Ma réponse est donc non mais… le jeu vidéo peut faire peur quand il n’est plus seulement jeu vidéo ou quand il arrivera à rivaliser avec le réalisme du cinéma. Ça relève encore de la science fiction, mais avec l’arrivée des casques de réalité virtuelle, ou même de la réalité augmentée, je ne suis pas certain de garder mon sang froid devant mon écran pendant bien longtemps.
Jeudi : Le point de vue de Régis
La peur. Cette thématique est intéressante. Pas plus tard que samedi, ma femme et moi avons invité des amis et on s’est retrouvés, à la fin de la soirée, devant Until Dawn. Alors que chacun y allait de ses choix, mon pote m’a demandé si le jeu faisait peur. Et là, on s’est rendus compte que la notion de peur est différente d’une personne à l’autre. Certains, comme moi, vont être beaucoup plus craintifs face à des évènements suggérés que par une profusion de scènes de boucherie avec des litres d’hémoglobines et des cadavres accrochés. Cela dépend aussi beaucoup de l’intensité de la mise en scène. Dans le cadre d’Until Dawn, même avec un casque sur les oreilles et dans le noir complet, je n’ai pas eu peur, si ce n’est quelques sursauts. En revanche, j’ai nettement plus flippé devant un jeu comme Outlast ou devant un trip « psychologique » comme Eternal Darkness sur Gamecube. On peut également citer une série comme Silent Hill, avec en point d’orgue le très regretté P.T. Bref, c’est avant tout l’ambiance qui me mettra dans un état second (Alien Isolation est redoutable) et pas une démonstration macabre. Pour d’autres personnes, c’est l’inverse.
Auparavant, le jeu vidéo utilise la suggestion pour nous immerger dans des univers flippants. Aujourd’hui, la technique est telle que nous sommes carrément plongés à l’intérieur du cauchemar, que ce soit en terme d’environnements, de modélisation des créatures ou d’effets spéciaux en tout genre. Et avec la réalité virtuelle qui se profile, nul doute qu’il y aura très probablement des indications sérieuses sur les jeux à thématique horrifique : « à ne pas utiliser chez les femmes enceintes, les personnes âgées ou les individus susceptibles de faire une réaction violente pouvant ébranler leur psychisme. » J’exagère à peine. Le futur Until Dawn à utiliser avec le PlayStation VR risque de nous mettre une sacrée flippe.
Donc oui, le jeu vidéo, au même titre que le cinéma ou la littérature, est capable de faire peur. Les techniques ont évolué certes, mais il y a toujours eu des productions basées sur la peur ou sur l’horreur. Tout est une question de mise en scène, d’ambiance et de scénario. Un joueur plongé dans une histoire va réagir deux fois plus qu’un individu qui évolue dans un univers générique, sans personnages charismatiques. C’est une question de qualité des jeux, mais aussi d’écriture et d’utilisation des teintes sombres. Outlast, à ce niveau, reste l’une de mes expériences les plus flippantes. En y jouant, j’ai vraiment pensé que j’allais crever… pour de bon !
Vendredi : Le point de vue d’Aurélie
Je dois avoir connu trop tôt les films d’horreur pour être touchée par l’inquiétude ou la surprise. Je peux me vanter de ne jamais avoir sursauté ou fermé les yeux dans une scène d’horreur. Dans le meilleur des cas, je serre les dents ou je ris d’une situation dérangeante. Quant à la littérature, j’ai grandi avec les chairs de poule, puis Stephen King et enfin Lovecraft. Alors, autant vous dire que je suis difficilement touchée par la peur.
Jusqu’au jour où… Sur un simple niveau de Tomb Raider IV, je me suis levée de ma chaise pour éteindre la console, après une grosse peur… Celle de voir la belle Lara zigouillée par une momie qui se relevait du monde des morts. Pourtant, on était loin d’un jeu d’horreur ou de survie. Mais la vie de cette grande aventurière m’appartenait et j’en avais la responsabilité…
Oui, ce truc tout bizarre que l’on appelle IMMERSION et qui est spécifique au jeu vidéo, puisque l’on a l’impression de maîtriser l’avancer du scénario et donc d’avoir le contrôle de l’histoire de NOS personnages.
Donc, pour moi, le jeu vidéo est le meilleur médium pour véhiculer un sentiment de surprise, de peur, voire d’angoisse. J’ai fini les premiers Silent Hill (la série d’origine de Konami) en étant terrifiée. Au point de couper le son ou de mettre la radio. Dernièrement Outlast m’a obligé à repousser mes limites, ne pas me retourner pour affronter l’ennemi qui me course. Alien et Resident Evil ne m’ont pas autant secoué mais je reconnais que la peur est bien au rendez-vous. Et que la créature de Giger a retrouvé toute sa splendeur dans le terrible monde du jeu vidéo !