Shadowrun – Hong Kong
Ghislain Masson
+ Un univers richissime
+ Une écriture adulte et variée
+ Un problème plusieurs solutions
+ Le contexte de Hong Kong qui change
- Niveaux un peu vides
- Trop facile
- Manque d'ambition (et de moyens)
Pour sa troisième virée dans les ombres, la série moderne des jeux Shadowrun s’attaque à l’Orient en s’intéressant à l’une de ses régions les plus intéressantes. Dans le futur cybermagique des années 2070, Hong-Kong symbolise à merveille la rencontre entre des chefs d’entreprises entourés de cyborg et les petites ruelles où le Chi coule à flots.
Petit rappel des faits pour le cas où vous seriez complètement étranger à ce qu’est Shadowrun. Au départ, il s’agit d’un univers de jeu de rôles papier qui existe depuis une trentaine d’années. Il décrit un futur étrange où la magie s’est réveillée (techniquement elle est revenue) ce qui a entrainé pas mal de changements : les elfes, nains et autres dragons sont réapparus et les magiciens ou les chamans sont des réalités. Mais dans le même laps de temps, la technologie et la société ont continué d’évoluer dans une pure tradition cyberpunk : les méga-corporations ont pris le pouvoir sur les Etats, la chair peut être remplacé par de la cybernétique plus performante et Internet a été remplacé par une matrice qu’il est possible de parcourir en se branchant littéralement dessus.
Dans le RPG papier, on jouer des Shadowrunners (ou Runners), des aventuriers/mercenaires sans identités qui vont vendre leurs services à divers employeurs : criminels, corporations, dragons manipulateurs, sociétés d’archéologie etc. Une constante est toutefois le manque de manichéisme, et le double cross, cette manie qu’ont les employeurs à ne pas vouloir payer en faisant éliminer les runners…
Big Trouble in Little China
Pour ce qui est du jeu vidéo, et de ce Hong Kong en particulier, Shadowrun a eu plusieurs adaptations avec des fortunes diverses. Les plus récentes sont issues de Harebrainerd Schemes qui après des campagnes Kickstarter réussies et une collaboration poussée avec l’éditeur de la version PC a produit une série de jeux mêlant RPG et combat tactique à la XCOM.
Hong Kong est la troisième de ces incarnations moderne, et autant être direct, elle n’apporte pas beaucoup d’eau au cybermoulin. Ce volet reprend quasiment à l’identique la formule des deux précédents en apportant de-ci de-là quelques améliorations ou correction.
Vous créez donc un personnage correspondant à quelques grands des archétypes de Shadowrun : Street Samouraï (combattant), Riger (personnage qui manipule des drones de combat), Magicien, Shaman (mage avec des esprits), Adepte Physique (combattant façon arts martiaux dopé à la magie) ou Decker (capable de se projeter dans la Matrice et d’en tirer des bénéfices). Ces archétypes ne sont pas totalement figés, et rien n’empêche un magicien de tirer avec des gros flingues et de se faire implanter un œil cybernétique, même si c’est au détriment de son efficacité. Chacun s’avère viable pour l’aventure car il ne sera pas seul mais entouré d’une équipe de PNJS qui viendront l’épauler. Vu que tous les types d’archétypes sont disponibles en tant qu’équipiers vous pouvez donc faire à peu près ce que vous voulez.
Runner, c’est avant tout des rencontres
L’essentiel du jeu se déroule dans des cartes relativement grandes et représentées en 3D isométrique, à la manière de l’antique Baldur’s Gate. Ce n’est pas ça qui va mettre à genoux votre carte graphique, et mieux vaut ne pas trop zoomer. En revanche, les niveaux sont bien détaillés, avec pas mal d’éléments pour distiller une ambiance entre Blade Runner et Histoires de Fantômes Chinois. Cependant, et c’est l’un des reproches que l’on peut faire à cet opus, les niveaux sont grands mais vides, ou presque. A quelques éléments interactifs près, ils ne sont que des décors, non destructibles et peu intéressants à visiter.
D’ailleurs l’exploration n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Le gros du jeu consiste à prendre des missions (des runs) qui vous emmènent dans une carte spécifique détaillant un bâtiment ou un bout de la ville. La construction des runs est à peu près toujours la même : une phase d’approche permet de découvrir deux ou trois options comme par exemple la possibilité d’arnaquer un PNJ pour lui voler une clé, ou un terminal que seul le decker peut pirater etc. Suit alors, et presque irrémédiablement, une phase ou deux de combats où il faut utiliser au mieux les capacités de ses quatre équipiers. Une fois le run effectué, vous empochez la récompense, achetez du meilleur matos, augmentez une compétence ou deux, et c’est reparti pour un nouveau contrat !
Élémentaires de feu vs Bras Bionque vs Shotgun vs Katana
Les combats se font au tour par tour avec un principe d’initiative qui fait que chaque protagoniste va agir à tour de rôle. Chaque action a alors des chances de réussir dépendant des caractéristiques et compétences des personnages et de quelques éléments circonstanciels comme une couverture, la distance à la cible ou des effets magiques généraux. Entre la magie, les créatures invoquées, le piratage des équipements, différents modes de tir et les compétences des uns et des autres, les options sont nombreuses. Toutefois, c’est un peu plus simple qu’un XCOM notamment dans les déplacements ou l’IA des adversaires.
Dans l’ensemble, le jeu est cependant assez facile et une bonne utilisation de votre équipe et un minimum de prudence permet de se promener dans la plupart des missions.
Comme un menu B21 sans les Nems
Heureusement, Shadowrun Hong Kong ce n’est pas que du combat. Il y a de l’enquête, de la ruse, et pas mal de dialogues, malheureusement en mode texte. L’intrigue générale est bonne, les missions secondaires souvent très intéressantes et tout en nuances de gris, et les personnages rencontrés souvent hauts en couleur. En transposant Shadowrun à Hong Kong, le jeu met en avant sa partie magie, car ici on ne traite pas les choses à la légère quand on parle d’esprits, de géomancie et autres vampires.
Si plusieurs missions peuvent être résolues en prenant des raccourcis ou des chemins de traverses, le jeu ne déborde pas de choix et se révèle finalement assez linéaire : vous enchaînez les runs pour avoir de l’argent, améliorer votre personnage et de temps en temps avancer dans l’intrigue principale. N’en attendez pas plus, par exemple en tissant des relations élaborées avec vos compagnons d’armes ou en essayant de berner vos employeurs. Au moins, les thèmes abordés sont variés et feront plaisir aux amateurs du RPG papier avec plein de références et de clin d’œil. On sent clairement qu’il y a beaucoup de fan service sans doute en direction du noyeau dur de joueurs qui ont financé le jeu sur Kickstarter.
Mis à part une matrice refaite à neuf (et en temps réel) et une progression de vos compagnons plus simple à appréhender, Hong Kong reste chiche en nouveautés. Pour autant, c’est loin d’être un ratage, et c’est sans doute le meilleur opus de la trilogie Shadowrun actuelle. Mais on aimerait peut-être avoir quelque chose d’un peu plus ambitieux, qui exploite mieux la richesse de l’univers et ajoute plus de gameplay. Peut-être dans une dizaine d’opus, le temps que Harebrained Shemes amasse un petit trésor de guerre ?
Avis du rédacteur : Bon !
Avec son scénario intéressant, son dépaysement asiatique et ses missions bien écrites, Shadowrun Hong Kong est un bon petit RPG/tactical, sans doute le meilleur de la série. Mais il est très proche des précédents opus et parfois limité, tant dans ses mécaniques que dans sa réalisation.
Genre : Tactical / RPG Plateformes : PC/Mac
Langue : Anglais uniquement Développeurs : Harebrained Schemes
Date de sortie : 20/08/2015 Disponible sur : Steam/GoG pour 20 euros