Broken Age (Episode 1)
Aurelie Knosp
- Un univers riche et cohérent
- Une direction artistique maitrisée
- Des personnages attachants et bien écrits
- Des doublages sans une fausse note
- Une musique agréable et qui rythme l'action
- Deux histoires en parallèle
- Des dialogues parfois poussifs
- Un univers trop décortiqué et qui perd de ses mystères
- Des énigmes sans challenge
- Et surtout trop sage
Difficile d’apporter un avis objectif à un jeu quand celui-ci a reçu plus de 3 000 000 de dollars d’aide pour être développé, au lieu des 400 000 demandés. Et que le titre en question, Broken Age, est une idée originale de Tim Schafer, un des maitres du jeu d’aventure. Entre l’humour de Monkey Island et la richesse de Psychonauts, difficile de rivaliser.. Mais c’est aussi un gage de qualité, confirmé par plus de 87 000 supports sur l’incroyable Kickstarter de Double Fine Productions.
Avec ce nouveau titre, le papa de Day of the Tentacles veut nous prouver que les jeux d’aventure en Point and Click 2D ne sont pas morts. Broken Age réussit-il le pari de raviver notre flamme d’amateurs de bonnes énigmes et d’histoire lente et fouillée? À force de viser la lune, Tim Schafer a-t-il atteint les étoiles ou s’est-il crashé sur mars ?
Deux récits pour une même narration :
L’histoire de Broken Age nous plonge dans l’univers de deux personnages que tout semble opposer. D’un côté, nous avons la belle Vella qui doit se sacrifier au grand Mog Chotra pour faire honneur à sa famille. De l’autre versant, nous découvrons Shay, un jeune garçon qui vit de paisibles aventures qu’il s’invente sous les yeux protecteur de sa mère. La jeune fille vit dans le charmant village de pâtissiers appelé Sucreval, entourée de toute sa famille. Alors que le second personnage vit seul dans un immense vaisseau, couvé par deux parents virtuels.
Or, Broken Age nous permet de naviguer d’une histoire à l’autre. Celles-ci sont liées par un objectif commun, briser le quotidien et être maître de son destin. La narration est donc similaire d’un personnage à l’autre. Shay veut fuir une mère trop couveuse et ses aventures imaginaires qui tournent en rond. Et Vella refuse d’être offerte à Mog Chotra et ce funeste sort qui l’attend. Broken Age est donc un conte initiatique. Vous prenez deux héros en main, pour les aider à sortir de l’enfance. Ce thème universel de la conscience et de la maturité de l’âge adulte est agréablement raconté au fil des deux histoires.
Double Fine Productions est toujours aussi fort pour raconter des histoires. Mais Broken Age n’est ni un film, ni un livre et le jeu doit nous accrocher et nous tenir en haleine pendant des heures.. Malheureusement, le récit est rempli d’éléments expliqués, décortiqués, et répétés pour être certain que nous comprenions tous la même chose. Il en résulte peu de métaphores et de nombreuses explications qui ferment les portes de l’imagination.
Une direction artistique proche de la perfection :
Cependant, ce désir de bien faire nourrit un univers riche et cohérent. Le monde de Broken Age regorge de détails qui nourrissent la narration. Sans aller dans la démesure, chaque décors et personnage est travaillé pour nous raconter une histoire qui enrichit l’aventure de nos deux jeunes héros.
Tous les personnages sont intéressants à découvrir. Et encore une fois, ils s’intègrent parfaitement à la narration des deux univers parallèles de Broken Age. Ils ont tous, de la petite cuillère au loup en passant par la grand mère, une forte personnalité et beaucoup d’excentricité. La direction artistique est donc une grande réussite, digne d’un long métrage.
D’autant plus que les animations sont éblouissantes et font oublier que les séquences sont in game. Similaire au techniques du cinéma d’animation, Broken Age utilise une caméra prenant compte du paralaxe pour nous plonger dans les différentes couches du décors. Peints à la main, ceux-ci sont d’enchanteurs tableaux classiques. En outre, chaque écran fourmille de discrètes animations qui donnent vie à ce monde déjà plein de couleurs. En résulte un univers doux et poétique.
Quant à la musique, elle nous immerge dans l’histoire et le refuge des deux jeunes personnages. Chaque environnement a une mélodie de fond qui donne une nouvelle couche à l’émotion véhiculée par un panel de personnages et de couleurs déjà hétéroclites. Par ailleurs, les moments clefs d’une énigme ou du récit sont mis en avant par une instrumentation plus forte. Ainsi, les mélodies de Broken Age sont un élément important pour réconcilier les monde Vella et Shay.
Enfin, derniers éléments de la bande son, les doublages qui ne sont pas des moindres. Toutes les voix des personnages sont parfaitement choisies. Même (la fameuse) petit cuillère a son propre ton et sa façon de parler. Et des caractères aussi délicats que celui d’un arbre sonnent juste. C’est donc un sans faute pour le casting, qui, d’ailleurs a été finement choisi.
Un jeu presque enfantin :
Tout semble donc (trop) parfait pour la direction artistique de Broken Age, mais qu’en est-il du gameplay, le coeur du jeu… Broken Age utilise les mécaniques les plus rudimentaires des jeux en point & click. Vous promenez vos personnages (3D en rendu 2D) de tableau en tableau. Ceux-ci regorgent d’objets que nous devons dénicher pour résoudre des énigmes et avancer dans l’histoire . Votre curseur (souris pour mac et PC, ou tactile pour iOS) est de deux types, avancer et interagir. L’interaction se fait avec les personnages dans des dialogues à choix multiples sans incidences, et avec les objets à récupérer .
Puis nos découvertes vont se loger par magie dans un inventaire fictif (dommage pour un jeu aussi fouillé), accessible à tout moment. Fini le temps des énigmes alambiquées, les objets sont utilisés deux fois au maximum et dans des cas très précis. De plus, ils ne se combinent qu’à de très rares occasions (principalement à la dernière scène). Evidemment, nous pouvons saluer la tentative de rendre un point and click accessible. Mais nous avons l’impression que les énigmes ne servent qu’à raconter une histoire, avec des dialogues parfois poussifs pour donner la solution des énigmes. Alors, le rythme en pâtît, avec des énigmes très simples et un déroulé très linéaire de leur quête de liberté. Et malheureusement la lassitude de leur quotidien s’installe chez nous alors que nous tentons d’aider à bouleverser leur monde.
Enfin, nous pouvons passer à tout moment de Vella à Shay, sans aucun problème. Mais cette mécanique n’a aucune fonctionnalité avec les énigmes, si ce n’est de créer des parallèles avec leur histoire. La fin est tout de même assez remarquable, mais nous ne spoilerons pas.
Conclusion de la rédactrice : EXCELLENT
Ce premier acte de Broken Age nous prend par la main pour nous emmener dans l’univers de Shay et Vella. Alors, le jeu nous donne toutes les clefs pour nous raconter un joli conte métaphorique. Ce récit est appuyé par une direction artistique maîtrisée et un univers cohérent. De plus, les personnages comme les dialogues sont écrits avec beaucoup de finesse. Mais le gameplay est parfois soporifique, avec des énigmes simplifiées et des explications parfois poussives. Ce premier acte (sur deux) de Broken Age est une introduction agréable aux jeux d’aventure Point & Click. Nous pouvons tout de même regretter le petit grain de folie (ou d’innovation) propre aux jeux Double Fine Productions. Tim Schafer est toujours dans les étoiles, mais cela nous plairait de le voir sur mars!
… À voir dans le second et dernier acte !