Grand gagnant du concours jeu video au MAGIC (Monaco Anime Game International Conference), Léon ! nous a conquis par son charme et son originalité. Découvrez la grande histoire d’un petit garçon qui n’a qu’une envie, grandir ! Pour cela, il faudra jouer avec le sens des images et des mots. Mais ce n’est pas si simple, et rien de mieux que l’imagination d’un enfant soutenu par un parent pour y arriver !
Découvrez notre interview du petit Léon ! devenu grand ! Il nous raconte sa création, les métiers du jeu vidéo, ce qui est ludique et amusant, pourquoi les jeux et les enfants sont le monde de demain, etc.
Aurélie : Bonjour Léon !, peux-tu nous parler de tes créateurs ? Qui sont-ils et que font-ils pour donner vie à ton histoire ?
Léon : Alors ce qui est bien dans le jeu vidéo, c’est qu’on peut avoir plein de papas et plein de mamans !
Ils ont été six à me mettre au monde, au sein de l’ENJMIN (Ecole Nationale du Jeu et des Médias Interactifs Numériques), mais je vais plutôt parler de ceux qui ont souhaité continuer à s’occuper de moi une fois sortis de l’école.
Charlotte Razon a affiné le concept d’échanges de mots au sein d’une histoire. Prenez un livre basique pour enfants : chaque page contient une illustration et quelques lignes de texte qui décrivent ce qui se passe. Eh bien dans Léon!, vous allez pouvoir échanger les mots, ce qui influence non seulement la situation visuelle et textuelle dans la page, mais aussi dans la suite de l’histoire !
Partant de ce principe, Charlotte a ensuite écrit toute mon aventure avec des énigmes et des situations à résoudre dans tous les sens ! Elle s’occupe de définir ce qui se passe au sein du jeu, à chaque page, et comment on y joue.
Fabrice Hagmann s’occupe du graphisme : c’est lui qui fait tous les dessins – et il y en a beaucoup, car chaque échange crée une nouvelle situation à chaque page !
David Hart programme le jeu : c’est lui qui fait en sorte qu’on puisse échanger les mots, tourner les pages, que le jeu se souvienne des choix qu’on a faits, qu’un système de tutoriel soit là pour vous aider au cas où, etc.
Sylvain Jannot gère toute la partie sonore : chaque élément interactif émet un petit scénario sonore quand on le touche, et ils sont tous entièrement conçus par lui, de même que la musique qui est là pour vous connecter émotionnellement avec l’histoire, l’humeur et les personnages…
Aurélie : D’ailleurs, que vont-ils nous raconter avec le jeu Léon ! ? Comment et par quelles personnes (grandes, petites, joueurs aguerris, non-joueurs,…) est-il jouable ?
Léon : Léon! c’est l’histoire d’un petit garçon (moi) qui veut grandir, et vite ! Un jour, je trouve le moyen d’échapper à la surveillance de ma baby-sitter et je pars à l’aventure dans mon quartier, où je vais rencontrer une ribambelle de personnages qui ont tous leur avis sur la question “c’est quoi, être grand ?”.
Léon!, c’est donc un jeu d’aventure étonnant dans lequel vous avez le pouvoir de transformer mon destin en échangeant les mots de mon histoire !
Le jeu est conçu pour qu’un enfant à partir de 6 ans et son papa ou sa maman jouent ensemble. Ainsi, tout dans le jeu, gameplay, histoire et navigation, a été conçu pour intéresser à la fois un enfant et un adulte et faire en sorte de les réunir autour du jeu.
Mais on peut aussi jouer en solo, si on veut, grâce à un mode conçu spécialement pour ça. Les enfants adorent jouer et rejouer, et les adultes apprécieront aussi de découvrir l’aventure même s’ils n’ont pas d’enfants sous la main, héhé.
Aurélie : Peux-tu en dire plus sur les libertés que tu donnes aux joueurs de manipuler les mots et les images ? Y a-t-il plusieurs dénouements à la fin de ton aventure ?
Léon : Chaque page de Léon! présente une situation de mon histoire, avec un texte et une illustration. Quand les joueurs baladent leurs doigts dans l’illustration, ils découvrent que certains objets de l’image allument des mots dans le texte. Ce sont les mots qu’ils vont pouvoir échanger entre eux pour modifier le texte, et par conséquent l’illustration. Il peut y avoir jusqu’à sept mots intervertibles par page !
Les joueurs peuvent faire tous les échanges qu’ils veulent et en apprécier les conséquences souvent rigolotes, mais seules certaines combinaisons vont leur permettre d’avancer dans mon histoire. Les autres les emmèneront vers des fins de l’histoire plutôt prématurées, qui leur donneront envie de retourner en arrière pour faire d’autres choix. Il y a donc plein de fins dans mon histoire, mais il n’y en a qu’une seule de vraie, quoique…
Aurélie : La présence d’un adulte est-elle nécessaire à la manipulation du jeu ou à la compréhension de l’histoire ?
Léon : Le jeu Léon! a été pensé pour intéresser aussi bien les adultes que les enfants, il offre plusieurs niveaux de lecture. Ainsi, un enfant jouant seul aura beaucoup de plaisir à jouer et ne sera pas perdu, mais il profitera encore plus du jeu en partageant son expérience avec un adulte, et réciproquement.
Aurélie : Et ton histoire, peut-elle être triste ou douloureuse ? Faut-il parfois recommencer en partie voir tout refaire ?
Léon : Quand mon histoire est triste, c’est que les joueurs ne sont pas sur la bonne voie, héhé… Ça veut dire qu’ils sont tombés sur une page de fin et qu’il leur faut retourner en arrière et modifier leurs choix pour m’offrir un destin plus joyeux.
Mais pas d’inquiétude, mes créateurs se sont amusés à ce que ces fins soient toutes tristement drôles, jamais rien ne m’arrive de violent ou de vraiment tragique.
Aurélie : Léon !, quels sentiments tes créateurs ont-ils voulu donner, pourquoi et comment ?
Léon : Léon! est avant tout conçu pour offrir aux joueurs la possibilité de jouer ensemble, de s’écouter et se coordonner autour d’une histoire à explorer et d’énigmes à résoudre. L’exploration est un plaisir en soi, car le principe d’échange crée de nombreuses surprises et éclats de rires. Jeux de mots, jeux visuels, situations surréalistes, tout est possible ! Quant aux différentes péripéties de mon aventure, elles suscitent notamment envie, exaltation, curiosité, nostalgie, amour et peur.
Aurélie : As-tu de la musique ou des paroles pour appuyer ton récit ? De quelles manières ?
Léon : Bien sûr ! Mon histoire interactive est aussi sonore que visuelle. La musique accompagne les joueurs tout au long de leur exploration, ainsi que des sons d’ambiance qui les mettent… dans l’ambiance.
De plus, lorsque, pour sélectionner des mots à échanger, les joueurs touchent les éléments interactifs de l’image, ceux-ci se mettent à vivre grâce à des sons qui leur correspondent. Par exemple, quand mon papa est fatigant, il joue du banjo et chante comme un pied, c’est très rigolo, on ne se lasse pas de l’écouter.
Aurélie : Tu es un garçon assez « banal », quel est ton univers et les sources d’inspiration (image, son, gameplay…) ?
Léon : Ben je crois qu’ils ont mis de leur propre enfance en moi, de leurs envies, questions et peurs d’enfant, qu’ils y ont ajouté de l’espièglerie, du courage et un zeste de culot.
Mon histoire se déroule dans un univers a priori très proche de notre monde actuel, mais les échanges de mots permettant l’irruption de choses farfelues, étranges ou fantastiques, mes créateurs le voient comme un quotidien extraordinaire, dans lequel tout est possible, y compris les enfants géants ou les chats électriques.
Pour leurs sources d’inspirations, on peut citer notamment la BD Calvin & Hobbes, le mouvement surréaliste, et les jeux d’aventure point and click.
Aurélie : Quels sont les liens que tu veux créer entre parents et enfants ?
Léon : La plupart de jeux pour enfants sur tablette n’intéressent les parents que quelques minutes, après quoi ils ont tendance à laisser leur enfant jouer seul. Léon! permet au contraire de jouer ensemble et de trouver, autour d’une tablette tactile, de moments de complicité, de réflexion et de découverte partagés.
Aurélie : Tu as un grand frère, Michel, qui veut aussi grandir avec les mots. Quels sont les liens qui vous unissent et qu’est-ce qui vous distingue ?
Léon : Michel, ce n’est pas vraiment mon grand frère, c’est plutôt une première version de moi et de mon jeu, créée en 3 mois par des élèves de l’ENJMIN. Après leur sortie d’école, certains d’entre eux ont décidé d’améliorer ce prototype pour en faire une version professionnelle. Ils ont refait la programmation, perfectionné la jouabilité, écrit de nouvelles pages et de nouvelles énigmes, et ont entièrement refait les graphismes, avec un style un peu différent, et en HD.
Et pour fêter ça, ils m’ont rebaptisé Léon! ce qui évitait aussi de me confondre avec un dessin animé récent qui s’appelait Michel.
Aurélie : Penses-tu que les enfants vont se désintéresser des livres (moins ludiques) pour n’aller que vers le numérique ?
Léon : Je pense que la lecture fait aussi partie du numérique, mais tout dépend de comment on l’utilise. Des jeux comme Léon! créent un lien entre la lecture et le numérique et rappellent le pouvoir profondément actif de la lecture et de l’imaginaire sur le plaisir et le jeu.
Aurélie : N’as-tu pas peur, dans une certaine mesure, d’éloigner les enfants des adultes en leur donnant de nouveaux outils ? Ou au contraire, les nouvelles technologies vont relier les générations ?
Léon : Ce qui compte avec les nouveaux outils, c’est ce qu’on en fait. Léon! est typiquement une application qui prouve qu’on peut rapprocher les générations grâce aux technologies actuelles.
Aurélie : Penses-tu que le jeu, et en particulier le jeu vidéo, est le meilleur moyen d’apprendre ? Pourquoi ?
Léon : Je ne sais pas si c’est LE meilleur moyen d’apprendre, mais ce qui est sûr, c’est que l’apprentissage est une dynamique intrinsèque au jeu : dans le jeu, tant qu’on apprend, on s’amuse. Quand on a fini d’appréhender tous les éléments du jeu, ça devient trop facile, et ça ne nous amuse plus.
Cette relation très active que le joueur a avec le jeu est idéale pour raconter tout ce qu’on veut, c’est ce qui fait du jeu un médium aussi puissant.
Attention toutefois, Léon! contient une forme de pédagogie naturelle parce qu’en jouant avec les mots, forcément, on découvre des choses par rapport au langage, on fait des liens entre image et signification, etc. Toutefois, je ne me considère pas comme un jeu pédagogique, parce que ma volonté première n’est pas d’apprendre quelque chose de précis aux joueurs (lire, compter, etc.) mais de faire en sorte qu’ils jouent et s’amusent ensemble autour d’énigmes et d’une histoire interactive.
Aurélie : Léon !, tes créateurs ont gagné le grand prix de MAGIC (100 000€) ? Que vont-ils faire de cet argent ?
Léon : Eh bien grâce à cet énorme “coup de pouce”, ils vont enfin pouvoir finir le jeu, le traduire en plusieurs langues, monter une société et nouer des liens avec différents collaborateurs pour assurer la meilleure visibilité possible au jeu.
Parce que souvent, le plus dur dans le jeu vidéo, ce n’est pas de faire le jeu, mais de faire en sorte que les gens sachent qu’il existe !
Aurélie : Le jeu sera jouable sur quel support et quand ? Comment être tenu au courant ?
Léon : Difficile de donner une date précise actuellement, mais mes auteurs vont faire tout leur possible pour sortir le jeu dans l’année et sur un maximum de supports tactiles: iPad, Androïd, autres supports tactiles tels que les tablettes Amazon ou Surface, et pourquoi pas la Wii U et la PS Vita.
Pour se tenir au courant, il suffit de nous rejoindre sur notre page facebook Léon, sur twitter @Leon_thegame, ou de visiter régulièrement notre site internet www.leonlejeu.fr.
Aurélie : À l’avenir, as-tu pour vocation de continuer à grandir en devenant une IP (propriété intellectuelle) ou une œuvre transmedia (livre, film, série d’animation, etc) ?
Léon : En fait, en me créant moi Léon, mes auteurs ont mis en place un véritable système de jeu : un système d’énigmes et de narration interactive construites autour de l’échange de mots.
Avec ce système, il est possible de faire des suites à mon histoire, c’est sûr, mais aussi d’écrire d’autres types d’histoires qui peuvent très bien se passer dans d’autres univers, s’adresser à d’autres publics, etc. Bref, on peut faire beaucoup de choses différentes à partir de ce système !
Finalement, en réalisant mon jeu, mes créateurs ont esquissé le point de départ d’une ligne éditoriale qui se base sur des jeux narratifs à systèmes forts et faciles à utiliser, et c’est ce qu’ils aimeraient continuer à défricher.
Aujourd’hui, dans le jeu vidéo, on est capables de raconter de superbes histoires, de proposer d’incroyables systèmes de jeu, mais souvent, ils sont très complexes à prendre en main pour un public large, qui n’a pas forcément l’habitude des manettes ou des claviers pour jouer, et ça, c’est dommage.
Les gens ont des formidables outils interactifs dans leurs poches et dans leurs salons, mais les expériences qu’on leur propose sont souvent réservées aux joueurs les plus aguerris. Ce serait bien que ça se diversifie davantage. Et si ça pouvait changer au profit d’expériences que l’on peut aussi partager et vivre ensemble, ce serait encore mieux !
Aurélie : Enfin, un conseil pour ceux ou celles qui veulent aussi réussir des concours et concrétiser leur rêve de travailler dans le jeu (vidéo) ?
Léon : En plus évidemment de bien s’accrocher et de garder la foi en votre projet, je pense que le conseil le plus productif serait de bien bien bien définir l’expérience que l’on veut donner à jouer.
C’est le plus important : qu’est-ce que vous voulez donner à faire, à ressentir, à vivre à votre joueur ? Et par quelles actions précises ça se concrétise dans votre jeu ?
Parce que finalement, c’est ce dont on se souviendra en repensant à votre jeu…
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