L’univers du tactical-RPG est particulier pour n’importe quel novice qui s’y frotte. Le genre répond à des codes précis et il faut un certain investissement pour s’immerger dans ces mondes faits de combats stratégiques sur des damiers. Dans les années 1990, plusieurs titres ont permis au T-RPG de se démocratiser en occident (ou, en tout cas, faire connaître ce style de softs), mais la tête de gondole demeure l’incontournable Final Fantasy Tactics. Beau, prenant et intelligent, il a permis, par son atmosphère, à des millions de joueurs se s’immiscer dans le monde du tactical. Pour ma part, l’une des premières rencontres avec le genre remonte à l’excellent Mystaria (Riglord Saga en VO), un titre Saturn qui a marqué la ludothèque de la machine. Aussi, découvrir Triangle Strategy, qui s’imprègne de toute cette ambiance 90’, ça avait quelque chose de réconfortant.
Calqué sur le visuel d’Octopath Traveler, Triangle Strategy fait agir son charme en un instant grâce sa direction artistique mêlant pixelart, 2D et 3D. Chaque lieu traversé regorge d’effets somptueux et donne l’illusion, très souvent, de se balader dans de véritables tableaux d’artistes. Les personnages en pixel ne dépareillent pas dans cet univers et se marient sans problème aux éléments 3D de l’Unreal Engine 4. Les teintes exploitées (jour, nuit, crépuscule, qu’il vente, qu’il pleuve…) rendent hommage au travail des graphistes et les intérieurs ont le mérite d’être aussi bien rendus que les panoramas somptueux auxquels on assiste durant cette longue aventure.
UN MARIAGE POUR RENFORCER LES LIENS
Triangle Strategy rappelle certaines œuvres du passé dans son récit. Le continent Norzelia, jadis frappé par une guerre entre trois nations (Glenbrook, Aesfrost et Hyzante), est en paix depuis trois décennies. Mais depuis peu, des tensions resurgissent. Une mine, contenant le précieux sel, a été découverte et chacun a décidé d’accéder à la requête du roi Regna pour partager les ressources. Afin de sceller son alliance avec le royaume d’Aesfrost, le roi de Glenbrook a décidé de marier son fils, Serenor, à Frédérica, la demi-sœur de l’intendant d’Aesfrost. Finalement, tout ne va pas se passer comme prévu et le jeune Prince va se retrouver au cœur d’une histoire incroyable mêlant politique, affrontements et trahisons. Et le terme « politique » n’est pas usurpé tant Triangle Strategy est ultra-bavard et impose une lecture intensive pour pouvoir prendre les bonnes décisions au moment opportun (elles sont de trois formes : Éthique, Liberté et Pragmatique). Autant dire qu’il pourra laisser sur le bord de la route celles et ceux qui se désintéressent des dialogues interminables (car ils sont parfois très longs) et, plus globalement, de la politique. Certes, l’ensemble est bien amené et invite à prendre le pouls de son peuple et de ses compagnons avant de prendre une décision. Le joueur est ainsi parfois amené à modeler l’opinion pour pouvoir agir. Mais c’est une approche qui ne plaira pas à tout le monde. À l’inverse, si vous aimez vous plonger dans les récits et dévorer chaque note, vous allez adorer !
UNE CONTRUCTION À L’ANCIENNE
La trame narrative du jeu se déroule sur une carte, les points rouges symbolisant le scénario principal, les points verts matérialisant les quêtes annexes. Triangle Strategy reprend ainsi le concept à l’ancienne faisant correspondre chaque point d’intérêt à un lieu (et généralement une bataille). Les affrontements représentent ainsi la moitié du jeu (le reste étant dédié à la parlotte et aux choix). On retrouve les mécaniques de la plupart des titres du genre, avec des personnages attaquant à tour de rôle et disposant de capacités multiples (maîtrise de la magie, des armes, des pièges, des soins, etc.). T-RPG oblige, on retrouve le principe du damier et l’ensemble ressemble énormément à Final Fantasy Tactics. Avant de lancer un personnage à l’assaut, il faut prendre en compte sa rapidité d’exécution, sa propension à agir à distance ou au corps-à-corps, sa maîtrise du terrain (car le dénivelé a son importance) ou encore son art de l’esquive. Selon la difficulté, et même si les morts ne sont jamais définitives, chaque paramètre, jusqu’à la météo, doit être considéré sous peine de prendre cher. Classique dans son approche, Triangle Strategy est néanmoins très efficace et on prend un réel plaisir à évoluer dans cet univers en essayant de résister à des assauts de plus en plus épiques. Personnellement, j’aurais préféré que le jeu soit (beaucoup) moins bavard ou, du moins, qu’il aille à l’essentiel. Cela ne l’empêche pas d’être profond, bien écrit et les voix (anglaises comme japonaises) sont très réussies. Petit bémol tout de même : le système d’évolution n’est pas très poussé et oblige à se farcir du farming sur des missions annexes peu folichonnes. Mais c’est aussi le « prix à payer » pour profiter des multiples protagonistes (+30), des innombrables rebondissements et des choix cornéliens (pactiser avec l’ennemi, fournir un otage, délivrer des informations sensibles…) que propose le jeu. Si vous aimez le genre, Triangle Strategy est indéniablement un excellent représentant et, peut-être même, le digne successeur de Final Fantasy Tactics.
TRÈS BON
Avec sa direction artistique choyée et son atmosphère envoûtante, Triangle Strategy est le digne héritier de Final Fantasy Tactics. Extrêmement bavard, il mêle combats stratégiques, politique et choix cornéliens avec une justesse remarquable. Doté de musiques somptueuses et de doublages (anglais comme japonais) excellents, le titre se veut plus classique dans son gameplay, mais réussit pratiquement tout ce qu’il entreprend. Les quêtes annexes auraient gagné à être moins passe-partout, mais ce n’est pas ce que l’on retient. Pour quiconque aime le genre et possède une Switch, Triangle Strategy est probablement l’une des plus belles surprises de ce début d’année.
Points positifs :
Une direction artistique juste somptueuse
Des personnages auxquels on s’attache
Un gameplay classique, mais très réussi
Les musiques d’Akira Senju sont magnifiques
Des décisions avec un véritable impact
Plusieurs fins et un New Game +
Points négatifs :
Parfois alambiqué narrativement
Incroyablement bavard
Quelques chutes de framerate
Les missions annexes manquent de sel
Éditeur : Square-Enix / Développeur : Artdink / Genre : Tactical-RPG / Date de sortie : 4 mars 2022 / PEGI : 12 / Support : Nintendo Switch