Dans la nuit noire, les rares lumières de la ville sont celles des véhicules laissées à l’abandon. Au sol, une femme vient d’être frappée par la lame d’un couteau et souffre d’une septicémie. Le temps est compté. Days Gone débute par un flashback et propulse le joueur deux ans plus tard, dans un monde plongé dans une violence viscérale. Comme un symbole, le thème cinématographique de l’écran-titre a disparu au profit de teintes sonores bien plus sombres et d’un environnement forestier en proie à une pluie menaçante. Le dernier né de Bend Studio – à l’origine de l’excellent Uncharted : Golden Abyss – montre son caractère immédiatement. Deacon St. Junior, son héros, n’est pas de ceux qui laissent du répit à ses ennemis. Bienvenue en enfer !
Connue pour sa licence Syphon Filter, Bend Studio – qui est installé dans la ville éponyme en Oregon – n’a que peu de faits d’armes à son actif. Aussi, ce Days Gone, exclusif à la PlayStation 4, est un véritable test pour les développeurs du Pays du chevelu orangé (ça change de l’Oncle Sam). Forte d’une équipe qui dépasse la centaine d’employés, l’entreprise américaine s’est lancée dans un projet un peu fou, à la fois par son ambition mais aussi pour le choix risqué d’un open world en univers post-apocalyptique. Comme disait feu-Ellie Kakou, “you put on the water, you wash it, you rinse, you rinse, you rinse…” Le genre a été lessivé et essoré des dizaines, voire des centaines de fois, et il devient terriblement difficile de se démarquer. Autant le dire de suite, Days Gone, dans sa structure, n’y parvient pas vraiment puisqu’on retrouve tous les poncifs que l’on connaît : les gunfights, l’exploration, l’infiltration, les déplacements à pied ou en véhicule (ici en moto), le crafting, les jumpscares et leur dose de QTE, etc. En revanche, l’interface et les commandes, bien pensées, facilitent la réactivité du joueur. Ce qui n’est pas un luxe tant Deacon a le chic pour chercher les embrouilles et les galères. Sorte de MacGyver (ou du Géo Trouvetou pour ceux qui préfèrent Disney) de l’impossible, il se défend avec ce qu’il trouve et ce n’est parfois pas évident, surtout face à des ignominies de plus en plus meurtrières.
Un monde de fou
Le monde dépeint dans Days Gone est ignoble. En plus de faire face à différentes créatures, le barbu doit se frotter aux Reapers, un clan aussi violent que dangereux, ou encore à une organisation appelée NERO. L’univers dans lequel on évolue est sale, désaffecté, putride et viscéral. Et dès le départ, l’aventure met le joueur face à son étique puisque les Têtards, avec leurs rires enfantins, sont des adolescents frappés par la pandémie. Au départ, ça fait tout drôle de dégommer des mômes, même s’ils ne sont plus humains, jusqu’à ce que l’on se rende compte de leur vice. C’est eux ou vous. Durant l’aventure, Deacon aura ainsi à lutter contre des êtres et individus de plus en plus flingués de la caisse. On s’y attendait mais le jeu n’est vraiment pas une visite à Disney World et le 18 de la norme PEGI n’est pas là pour faire joli. Days Gone n’est pas à mettre entre toutes les mains. Du côté de la narration, le titre de Bend Studio propose des cinématiques (pas de transition naturelle mais un fondu noir + chargement à chaque fois, dommage !) et une multitude de dialogues – en différentes langues, dont le français – en temps réel. Malheureusement, il ne faut pas s’attendre à un scénario dévastateur. L’ensemble demeure plutôt classique et on peine vraiment à s’émouvoir pour notre avatar tatoué. Il faut toutefois souligner que les voix sont plutôt réussies et que l’ambiance prend aux tripes.
Les hordes
Lors des deux premières heures, on se dit que le jeu est accessible et qu’il ne peut pas arriver grand-chose à Deacon. Cruelle erreur. Le bestiaire regorge de créatures qui font vraiment flipper et le stress monte considérablement dès que le nuit fait son apparition. Par conséquent, il n’y a rien de pire que de tomber en rade sous la pleine lune et de se retrouver à la merci d’une Beuglarde qui hurle à la mort en rameutant ses congénères. La survie ne s’obtient pas en claquant des doigts, il faut savoir prendre des risques pour récupérer du loot (dont cette satanée essence) ou encore booster les compétences du héros. Et celles-ci ne seront pas de trop pour fuir ou lutter face aux hordes, ces attroupements gigantesques de zombies qui se ruent sur votre joli minois. Très spectaculaires, ces séquences, par leur intensité, font monter l’adrénaline et font frétiller le palpitant. Depuis l’annonce du jeu, elles sont LE symbole de Days Gone et demeurent très efficaces. C’est d’ailleurs une vraie échappatoire pour le jeu car ce dernier souffre de missions vraiment rébarbatives et pas vraiment intéressantes. Dans ces conditions, on ne peut que vous conseiller d’y aller doucement et de profiter pleinement de l’Oregon virtuel du jeu, tant celui-ci s’apprécie sur la durée.
Walking Dead
Days Gone aime mettre le joueur dans la gueule du loup. Construit à la manière d’un jeu de survie, il impose plusieurs règles gravitant autour du son, de la lumière, des consommables et des armes. C’est bien simple : tout se révèle important. Qu’il s’agisse de l’essence à gérer, des armes à fabriquer, des compétences à améliorer ou encore des haut-parleurs à détruire, rien ne doit être laissé de côté, sous peine de se retrouver en difficulté. Les développeurs de Bend Studio distillent également, en cours de partie, des astuces intéressantes. Par exemple, lorsque le joueur est à moto, il est préférable de rouler en roue libre dans les descentes – tout en éteignant les phares de votre destrier, de façon à économiser l’essence et à se faire le plus discret possible. Pour la lumière, certaines créatures ne supportent pas la lampe torche du héros et demeurent plus vulnérables dans ce type de situations. On peut également parler des nids à détruire, qui permettent de diminuer la taille des hordes ennemies. Dans Days Gone, l’œil doit être vif et affuté car le danger peut survenir de partout. Autant dire que la touche R3, qui permet d’analyser son environnement, sert très souvent. Il y a donc des trouvailles intéressantes. Le problème, c’est que Days Gone, par sa narration et sa progression, sent le réchauffé à pleines narines. Planque principale pour le perso, système de camps, missions principales, objectifs secondaires – parfois bien redondants, etc. C’est dommage car l’effort porté sur la réalisation est remarquable.
En pleine tempête
Rarement les conditions météorologiques ont été si bien rendues. Visuellement, Days Gone est assez stupéfiant quand on sait que l’équipe de Bend Studio est bien plus petite que des développeurs comme Naughty Dog ou Rockstar Games. Même si l’effectif a augmenté considérablement ces dernières années, cette œuvre démontre qu’il ne faut pas forcément des budgets déraisonnés et des staffs de milliers de personnes pour en mettre plein la vue. Car oui, Days Gone en met plein la figure avec ses paysages forestiers, son cycle jour/nuit, ses effets lumineux et ses détails omniprésents. Évidemment, tout n’est pas parfait et on croise, de temps à autre, quelques textures grossières, mais ce n’est qu’une cicatrice sur la gueule d’un zombie. Le tout mouline à 30 images par seconde, souffre parfois de chutes de framerate mais ça reste stable dans l’ensemble – sur PS4 Pro (a priori, ce n’est pas le cas sur une machine standard) du moins.
Conclusion du rédacteur : BON
Bien que souffrant de répétitivité, d’un manque d’originalité et de cinématiques parfois bancales, Days Gone est, à notre sens, une réussite. À l’image de State of Decay 2, le jeu de Bend Studio parvient à instaurer un sentiment de survie très prononcé et happe le joueur dans un univers viscéral et impitoyable. Si Deacon n’est pas le héros le plus charismatique qui soit, cette faille est atténuée par une réalisation de haut niveau, un monde très agréable à parcourir et des balades à moto très immersives. Long, beau et doté d’un sacré contenu, il ne réinvente rien du tout mais livre une prestation, encore pour une fois pour un studio de cette ampleur, remarquable.
Points positifs :
L’atmosphère
Les conditions météo et le cycle jour/nuit
L’aspect survie très réussi
Des graphismes de toute beauté
L’Oregon virtuel, dense et énigmatique
Le système de hordes
Très bonne durée de vie
Les déplacements en moto
Points négatifs :
Scénario sympathique mais mise en scène bancale
Des cinématiques avec chargement
Deacon n’est pas des plus charismatiques
Chute de framerate
Structure et progression vue et archi-revue
L’IA pas très fine
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