Véritable jeu d’auteur, Rime aura connu un développement émaillé de problèmes et d’incertitudes. Puisant sa sève dans les grands classiques de la scène « indé », il tente à sa manière de raconter l’histoire d’un jeune garçon plongé dans l’inconnu. Entre exploration et énigmes, l’aventure espagnole interpelle, prend aux tripes et marche sur les traces de ses maîtres sans jamais se mentir. Une fuite vers l’avant, un peu à l’image de Journey, qui va probablement marquer de son empreinte cette année 2017. Suffisant pour qu’on s’en souvienne au-delà ?
Dès les premières secondes, Rime impose une atmosphère et pose une ambiance qui nous happe. Non, on ne parle pas du début de l’aventure mais bel et bien de la présentation des principaux créateurs et éditeurs du jeu. À la manière d’un Wave Race, la mer vient balayer l’écran et laisse apparaître, peu à peu, les différents logos. Puis, soudain, l’océan se déchaîne, le ciel s’assombrit et les éclairs zèbrent les nuages. Un pagne rouge virevolte dans le vent… et le jeu débute. Un gamin est allongé sur la plage. Échoué, perdu, il déambule au sein de cette île majestueuse comme le fait Link dans le fabuleux épisode Game Boy de la série Zelda. Les lieux sont vastes, le ton est pastel et une véritable harmonie de couleurs s’extirpe des environnements. Sur le dos, l’avatar porte ce fameux pagne… qui devient dès lors l’un des symboles de cette étrange épopée. À l’image du garçonnet, le joueur est perdu, ne sachant où aller. Il suit son instinct et se met à interagir avec d’étranges statues de renard matérialisées par un faisceau lumineux. On comprend alors qu’il faut escalader les parois, gravir les collines, nager, attirer les animaux avec des fruits… et découvrir le monde. Cela tombe bien, l’exploration est au cœur du titre.
Dessine-moi un renard
Assez tôt dans l’aventure, le héros va faire la connaissance d’un renard qui va faire office de guide. On passe ainsi de zone en zone en exécutant des mouvements simples mais animés de fort belle manière. Puis viennent les premières énigmes. Celles-ci jouent avec la perspective, les ombres et reprennent le sacro-saint système des portes verrouillées qu’il faut ouvrir avec des clés. D’une manière générale, la progression s’avère fluide et on ne bloque pas longtemps sur les énigmes, même si certaines sont plus coriaces que d’autres. Votre compagnon à quatre pattes, quant à lui, n’apparaît que subrepticement pour que vous évitiez de vous perdre. Tout est savamment distillé, tout se fait de manière naturelle et chaque chapitre a son lot de surprises et de séquences à l’impact émotionnel fort. Avec son esprit à la Wind Waker, Rime est aussi poétique que planant. Et pour ne rien gâcher, le titre se renouvelle vraiment sur le plan graphique avec des paysages et des effets qui caressent l’iris constamment. Le constat est le même pour les animations, soignées au possible, et l’ambiance musicale accrocheuse, le piano et les violons se mariant avec une élégance de tous les instants. Bref, on accroche, on découvre… mais il manque pourtant quelque chose…
À contretemps
Aussi attirant et attachant soit-il, Rime souffre d’un vrai problème de rythme. À l’inverse d’un Journey ou d’un Inside, qui tiennent le joueur en haleine d’un bout à l’autre de leur histoire, le titre de Tequila Works suspend le temps trop régulièrement. La progression est cousue de fils blancs, un peu comme peuvent l’être les textures immaculées des bâtiments du jeu. Et pour ne rien arranger, la démarche du héros, assez lente au démarrage, tranche littéralement avec l’immensité de certains décors. Alors certes, ces respirations peuvent être intéressantes mais il aurait fallu qu’elles servent véritablement le scénario. Car là, en l’état, ça sent la bonne rallonge artificielle de durée de vie (entre 4 et 5 heures en ligne droite, plus si vous voulez choper tous les artefacts) et ça se voit assez rapidement. Bien évidemment, cela n’empêche pas Rime d’être un bon jeu, même un très bon jeu. Sa direction artistique est magistrale et sa fin est à même de vous bouleverser (et encore plus lorsqu’on termine le jeu et qu’on découvre le nom de chaque chapitre). Tequila Works a lutté contre vents et marées pour donner vie à son protégée et même si tout n’est pas parfait, on ne peut que saluer la ténacité des développeurs ibériques.
Conclusion du rédacteur : BON
Rime a presque tout pour lui et parvient à titiller les plus grands. Mais ses problèmes de rythme l’empêchent de gravir la plus haute marche du sommet. L’émotion est également au centre des attentions mais elle est distillée de façon maladroite parfois. Malgré cela, et vu sa gestation compliquée, le jeu de Tequila Works reste une belle et agréable expérience. Les influences des développeurs sont évidentes (Wind Waker, Journey, The Last Guardian…) et l’hommage, dans son ensemble, est tout de même fort réussi.
Points positifs :
Direction artistique vraiment réussie
La beauté mélancolique
La gestion du cycle jour/nuit
L’intelligence de certains puzzles
Assez varié visuellement
Points négatifs :
Problème de rythme flagrant
Cherche son identité parfois
Émotion distillée maladroitement
Il manque un p’tit quelque chose
Fluidité pas optimale
Éditeur : Grey Box Games – Développeur : Tequila Works – Genre : Aventure/Réflexion – Sortie : 26 mai 2017 – Plateformes : PS4, Xbox One, PC
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