Avec ce Sonic Colours classique mais classieux, le retour de la mascotte de Sega à la belle plateforme 2D renoue avec la tenue des épisodes mythiques de l’ère Megadrive.
Développé en parallèle à la version de référence sur Wii, on pouvait craindre que le Sonic Colours de la DS soit un produit au rabais exploitant la bonne impression laissée par le spectaculaire épisode sur console de salon… C’était compter sans le studio Dimps, talentueuse équipe déjà responsable de l’étourdissante qualité des Sonic Rush sur DS, auquel ce titre ressemble beaucoup. Aboutissement d’une longue série d’itérations sur consoles portables amorcée en 2001 avec un Sonic Advance déjà valable, le présent jeu surfe sur un game design affiné de titre en titre, qui affiche ici une maturité et une facilité impressionnantes.
Sonic Youth
Rares sont les jeux qui donnent autant l’impression de « dérouler » leur créativité que ce Sonic. Le développeur reprend sa formule « Sonic + 2D + console portable= » éprouvée à maintes reprises, toujours aussi solide. Restait à insuffler quelques nouveautés pour justifier la nouvelle IP. Pour le coup, l’exercice de fidélité à la nouvelle licence a du bon, puisqu’il assure ce sacro-saint renouvellement. Formulons l’énoncé façon brevet des collèges : « Donnez votre version d’un Sonic contenant : des pouvoirs conféré par les Wisps, une structure et des thématiques de niveaux déterminés (fête foraine, planète gâteau, vertes collines, espace inter-galactique), des gimmicks de gameplay à respecter (train fantôme, vol plané, pièces rouges), vous avez jusqu’à novembre; il est interdit de copier sur le voisin ».
L’interprétation diffère bien sur parce que nous sommes sur DS et non sur console de salon, mais pas seulement. Il s’agit bel et bien d’une version estimable dotée d’une forte identité, qui prend les nouveaux concepts de la vague « Colours » complètement à son compte, à commencer par les pouvoirs « Wisps » qu’elle adapte à merveille aux limitations de la console. Ici plus encore que sur Wii, ils ne freinent aucunement le cours de l’action et réussissent à faire varier les cheminements de façon admirable (verticalité de la fusée, rebonds explosifs de la bombe, libres mouvements des pouvoirs du néant et de la foreuse).
De cette manière, les power up s’intègrent parfaitement à la jouabilité plateforme des Sonic DS. On les déclenchera donc plus volontiers dans le feu de l’action puisqu’ils entraînent régulièrement des résultats surprenants et jouissifs. Ils proposent par exemple des solutions nouvelles pour assurer la continuité acrobatique des cheminements aériens, soucis constant des Sonic de l’ère 16 bits. Ils sont également l’occasion d’accélérations supraluminiques jubilatoires, particulièrement efficaces pour conjurer le faux rythme des franchissements ratés. Fort appréciable pour la rejouabilité : ils permettent également de découvrir de nouveaux chemins et de collecter toutes les pièces lorsque l’on revient sur les niveaux.
Soutenant une jouabilité rythmée et « juste », le level design multiplie avec bonheur les variations de chemins. Lors des tracés les plus consistants, on a même l’impression de retrouver les sensations des épisodes Megadrive. Les niveaux spéciaux sont un bel ajout, reprenant la présentation en tunnel de ceux de Sonic 2 avec une jouabilité au stylet simple d’accès mais très amusante. En somme, le gameplay emprunt de vieux et de neuf accomplit une synthèse assez grandiose du concept de la plateforme « à la Sonic » : le regard qui embrasse les tracés du niveau pour y dresser ses trajectoires d’orfèvre, le sens du rythme et de l’entretien des belles courbes, le level design qui induit une lutte constante contre la gravité, tout y est… Du grand art.
La difficulté du titre est quant à elle plutôt bien dosée. Progressive comme il se doit, elle finit par offrir une belle résistance lors des derniers niveaux, surtout lorsque ceux-ci mettent en place de mortelles courses poursuites qui ne pardonnent aucun fléchissement de la concentration. Les boss proposent des défis de taille et sont une excellente traduction « DS » de leur version de salon : il faudra sans doute s’y reprendre à plusieurs fois pour en venir à bout. Mais en toute circonstance, les mécaniques de gameplay mobilisées sont précises, claires et parfaitement maîtrisées, comme dans le reste du jeu ; ce qui assure, une fois les vilains occis, un juste sentiment de satisfaction et de mérite.
La direction artistique n’est pas en reste, infléchissant la thématique du parc d’attraction géant, kitsch et flashy, vers une forme de sobriété bienvenue, mettant l’accent sur la clarté des tracés et la finesse des décors « dessinés ». Les quelques effets et sprites en 3D cadrés de profil se fondent à merveille dans les tableaux en perpétuel mouvement, et les mondes s’enchaînent avec une belle variété. Le titre a beau être dans la lignée de ses prédécesseurs sur DS, il reste impressionnant techniquement : son scrolling rapide suit l’action sans jamais porter atteinte au frame rate (le dernier niveau en est l’exemple le plus frappant), et l’animation hyper réactive du hérisson coïncide parfaitement avec sa prise en main immédiate.
En tenant compte de notre enthousiasme, nos reproches seront minimes. On pourrait par exemple évoquer la durée de vie, tout de même très courte si l’on s’en tient au chrono du premier run, puisque le solo peut se terminer en 4 heures. Lorsque les crédits de fin se mettent à défiler, on garde l’impression d’une aventure chiche en contenu, même si la découverte des nouveaux pouvoirs donnera envie de revenir sur les niveaux avec plaisir. A cet égard, le mode time attack et le mode multi (qui propose de concourir à deux sur chaque niveau) sont des ajouts sympathiques bien qu’un peu anecdotiques, et ne suffisent pas vraiment à prolonger l’expérience. Le jeu aurait également pu alléger sa trame narrative, vraiment inutile pour le coup, racontée à grand peine par des dialogues bêbêtes sans l’aide des cinématiques sympathiques de la version Wii.
On notera également que le level design se montre un chouïa plus lâche et espacé vers la fin du jeu, et que l’ensemble respire un certain conservatisme qui empêche le jeu d’atteindre les hautes cimes des chefs d’œuvres incontestables. Mais le véritable faux pas de cet épisode, ce sont ses missions annexes quis’avèrent juste pénibles. Nous proposant de tuer un certain nombre d’ennemis, de sauver un certain nombre de Wisps ou de finir une portion de niveau avec une limite de temps absurdement courte, elles nous chauffent à blanc sans récompense valable et on finit par les lâcher complètement avant de risquer l’écœurement… Maintenant, cet inventaire consciencieusement dressé ne pèsera pas bien lourd face à l’indiscutable réussite globale de ce titre.
Sa faible durée de vie n’empêchera pas Sonic Colours d’être l’un des meilleurs jeux de plateforme sur la portable de Nintendo, doté d’une replay value impressionnante. Évidemment, on ne reprochera pas à cette version DS d’être moins spectaculaire que son équivalent de salon, ni de ne pas proposer la même hybridation entre exploration posée et vélocité sensationnelle. Non content d’intégrer brillamment le gimmick des pouvoirs Wisp, le jeu s’assure surtout des bases incroyablement solides : une structure de niveaux juste fantastique et un gameplay grandiose à pratiquer. Loin d’être une petite adaptation d’une grosse licence sur DS, il s’agit en fait de l’un des fleurons du genre sur la console.